La Cigogne et la Prostituée
Chanson française – La Cigogne et la Prostituée – Marco Valdo M.I. – 2015
Ulenspiegel le Gueux – 10
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs
(1867).
(Ulenspiegel
– I, LI)
Cette
numérotation particulière : (Ulenspiegel
– I, I), signifie très
exactement ceci :
Ulenspiegel :
La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – I, LI)
Le
premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman
comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre
d'où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur vous
en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui ne
figurent pas ici.
Il n'est habile à toi qu'on aime, cigogne m'amie,
De planer dans le ciel comme l'épervier qu'on maudit.
Nous voici, Lucien l’âne mon ami, à la dixième canzone de l’histoire de Till le Gueux. Les neuf premières étaient, je te le rappelle :
01
Katheline
la bonne sorcière
(Ulenspiegel
– I, I)
02
Till
et Philippe
(Ulenspiegel
– (Ulenspiegel – I, V)
03.
La
Guenon Hérétique
(Ulenspiegel
– I, XXII)
04.
Gand,
la Dame
(Ulenspiegel
– I, XXVIII)
05.
Coupez
les pieds !
(Ulenspiegel
– I, XXX)
06.
Exil
de Till (Ulenspiegel
– I, XXXII)
07.
En
ce temps-là, Till (Ulenspiegel
– I, XXXIV)
08.
Katheline
suppliciée (Ulenspiegel –
I, XXXVIII)
09.
Till,
le roi Philippe et l'âne (Ulenspiegel
– I, XXXIX)
Oh,
dit Lucien l'âne en balançant les oreilles en guise
d'interrogation, voilà un bien étrange titre, du genre de ceux que
tu as l'usage de faire rien que pour intriguer le lecteur, j'imagine.
Que viennent donc faire ici ces deux étranges personnages dans cette
histoire ? Et surtout, qui sont-elles, cette cigogne et cette
Prostituée ?
J'y
viens tout de suite. Je vais commencer par cadrer ces deux personnes,
à la manière des photographes sur les plaques de l'ancien temps. Je
dis ces deux personnes, remarque-le bien, car ce sont deux personnes,
mais ce ne sont pas des êtres humains. La première dont je vais
t’entretenir, c'est la cigogne. Comme tu le sais sans doute et
même, ce qui est probable, comme tu l'as déjà vu, c'est un grand
oiseau aux longues pattes et au long bec. Mais, c'est aussi dans les
traditions de nos pays, l'oiseau qui apporte le bonheur, l'oiseau qui
apporte l'enfant à sa naissance.
Et
dans son bec, encore bien, dit Lucien l'âne.
En
effet et je conseille de tenir toutes ces caractéristiques dans un
coin de ta mémoire d'âne. Quant à la Prostituée, je te ferai
d'abord remarquer la majuscule et le qualificatif : la Grande
Prostituée. Ils ont leur importance, comme tu vas le voir. Car il ne
s'agit pas de n'importe quelle prostituée, d'une de ces prostituées
anonymes, d'une femme de rencontre, que sais-je encore… même si
elle se vend à tous ceux qui lui proposent de l'argent… ou de
l'or. Cette Grande Prostituée, ainsi nommée par les Réformés,
c'est l'Église catholique, apostolique et romaine (ÉCAR) ;
celle des Papes de Rome.
Voilà
le pourquoi de ce titre, mais il reste que tu ne m'as pas encore dit
ce qu'elles venaient faire dans cette chanson…
Ce
sont des personnages complexes. Et d'abord, la cigogne. La chanson
raconte son arrivée dans le ciel, puis dans la maison de Claes et
Soetkin, les parents de Till. En fait, cette cigogne va devenir un
membre de la famille, vivre dans la maison, accompagner l'homme au
champ et la femme à la cuisine… et son rôle d'oiseau de bon
augure va se révéler dans la seconde partie de la canzone quand
Claes, ruiné, va voir venir une fortune, qui lui est envoyée par
son frère Josse. Et c'est ici qu'on distingue en fond de toile
l'ombre de la Grande Prostituée… Josse l'ermite est devenu
luthérien, s'est réfugié en Allemagne et ne pouvant venir
lui-même, il a dépêché un messager – à l'allure tellement
sévère que Soetkin l'appelle : votre Mélancolie.
C'est
assez joli,
dit Lucien l'âne…
Et
votre
Mélancolie est bien évidemment un Bonhomme ; là, c'est moi
qui lui ai donné ce joli nom en référence aux Cathares et autres
réformateurs des siècles antérieurs : Pauvres
de
Lyon, Vaudois
[[8805]],
Béguins,
Patarins,
Tisserands…
Et c'est avec
l'arrivée de ce Messager
mélancolique que se noue le
drame terrible qui conduit à la mort Claes. Ainsi annoncé par le
dernier vers de la canzone :
« On
va nous brûler tertous ;
Bonhomme, ne parlez pas si haut ! », phrase
prémonitoire que lance la prudente Soetkin.
Si
tu veux bien, Marco Valdo M.I. mon ami, cette chanson met en place
les personnages et les événements futurs… C'est une sorte de
Cassandre… De ce fait, il nous faudra patienter comme dans les
feuilletons, comme dans les grands romans et en attendant, reprenons
notre tâche et tissons, comme les Canuts, ces pauvres tisserands de
Lyon, le suaire de ce vieux monde prostitué, croyant, conformiste et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Claes
avait reçu en paiement
L'arbalète
d'un sergent.
Il
avait des pigeons et les aimait.
De
son arbalète, sur les buses, il tirait.
Un
grand oiseau tournoyait dans le ciel du soir
Claes
ne voyait là-haut qu'un point noir.
Il
lâcha le carreau et dans sa cour, la cigogne tomba.
Méchant,
tu as tué l'oiseau porte-bonheur et Soetkin pleura.
Il
n'est habile à toi qu'on aime, cigogne m'amie,
De
planer dans le ciel comme l'épervier qu'on maudit.
Laisse-toi
guérir par nos mains amies.
Ainsi,
doucement choyée, la cigogne se remit.
Et
le grand oiseau mangeait tant et plus
Et
le poisson du canal pêché pour elle.
Elle
suivait Claes comme un chien fidèle
Et
touchait de son bec, de Soetkin le ventre dodu.
Les
mauvais jours étaient revenus.
Sur
une patte, soignant son aile,
La
cigogne les regardait manger les fèves.
Alors,
arriva le messager inconnu.
Béni
soit votre Mélancolie, mon homme est au champ.
Sans
pain, elle l'attendait ; Claes arriva chantant.
Vive
mon frère Josse le bon ermite !
La
cigogne a dit vrai, je t'invite.
Voilà
du pain, du beurre, de la bière et du vin.
Voilà
des jambons, des pâtés, et voilà du boudin.
Nelle
et Katheline ont été dire à Josse mon frère
Nos
tracas, nos tourments, notre grande misère.
Et
le Bonhomme messager m'a dit tantôt :
Le
Pape est avide d'or et vend les choses sacrées.
Les
hérétiques suivent la Grande Prostituée,
On
va nous brûler tertous ; Bonhomme, ne parlez pas si haut !
01
Katheline
la bonne sorcière
(Ulenspiegel
– I, I)
02
Till
et Philippe
(Ulenspiegel
– (Ulenspiegel – I, V)
03.
La
Guenon Hérétique
(Ulenspiegel
– I, XXII)
04.
Gand,
la Dame
(Ulenspiegel
– I, XXVIII)
05.
Coupez
les pieds !
(Ulenspiegel
– I, XXX)
06.
Exil
de Till (Ulenspiegel
– I, XXXII)
07.
En
ce temps-là, Till (Ulenspiegel
– I, XXXIV)
08.
Katheline
suppliciée (Ulenspiegel –
I, XXXVIII)
09.
Till,
le roi Philippe et l'âne (Ulenspiegel
– I, XXXIX)
Oh,
dit Lucien l'âne en balançant les oreilles en guise
d'interrogation, voilà un bien étrange titre, du genre de ceux que
tu as l'usage de faire rien que pour intriguer le lecteur, j'imagine.
Que viennent donc faire ici ces deux étranges personnages dans cette
histoire ? Et surtout, qui sont-elles, cette cigogne et cette
Prostituée ?
J'y
viens tout de suite. Je vais commencer par cadrer ces deux personnes,
à la manière des photographes sur les plaques de l'ancien temps. Je
dis ces deux personnes, remarque-le bien, car ce sont deux personnes,
mais ce ne sont pas des êtres humains. La première dont je vais
t’entretenir, c'est la cigogne. Comme tu le sais sans doute et
même, ce qui est probable, comme tu l'as déjà vu, c'est un grand
oiseau aux longues pattes et au long bec. Mais, c'est aussi dans les
traditions de nos pays, l'oiseau qui apporte le bonheur, l'oiseau qui
apporte l'enfant à sa naissance.
Et
dans son bec, encore bien, dit Lucien l'âne.
En
effet et je conseille de tenir toutes ces caractéristiques dans un
coin de ta mémoire d'âne. Quant à la Prostituée, je te ferai
d'abord remarquer la majuscule et le qualificatif : la Grande
Prostituée. Ils ont leur importance, comme tu vas le voir. Car il ne
s'agit pas de n'importe quelle prostituée, d'une de ces prostituées
anonymes, d'une femme de rencontre, que sais-je encore… même si
elle se vend à tous ceux qui lui proposent de l'argent… ou de
l'or. Cette Grande Prostituée, ainsi nommée par les Réformés,
c'est l'Église catholique, apostolique et romaine (ÉCAR) ;
celle des Papes de Rome.
Voilà
le pourquoi de ce titre, mais il reste que tu ne m'as pas encore dit
ce qu'elles venaient faire dans cette chanson…
Ce
sont des personnages complexes. Et d'abord, la cigogne. La chanson
raconte son arrivée dans le ciel, puis dans la maison de Claes et
Soetkin, les parents de Till. En fait, cette cigogne va devenir un
membre de la famille, vivre dans la maison, accompagner l'homme au
champ et la femme à la cuisine… et son rôle d'oiseau de bon
augure va se révéler dans la seconde partie de la canzone quand
Claes, ruiné, va voir venir une fortune, qui lui est envoyée par
son frère Josse. Et c'est ici qu'on distingue en fond de toile
l'ombre de la Grande Prostituée… Josse l'ermite est devenu
luthérien, s'est réfugié en Allemagne et ne pouvant venir
lui-même, il a dépêché un messager – à l'allure tellement
sévère que Soetkin l'appelle : votre Mélancolie.
C'est
assez joli,
dit Lucien l'âne…
Et
votre
Mélancolie est bien évidemment un Bonhomme ; là, c'est moi
qui lui ai donné ce joli nom en référence aux Cathares et autres
réformateurs des siècles antérieurs : Pauvres
de
Lyon, Vaudois
[[8805]],
Béguins,
Patarins,
Tisserands…
Et c'est avec
l'arrivée de ce Messager
mélancolique que se noue le
drame terrible qui conduit à la mort Claes. Ainsi annoncé par le
dernier vers de la canzone :
« On
va nous brûler tertous ;
Bonhomme, ne parlez pas si haut ! », phrase
prémonitoire que lance la prudente Soetkin.
Si
tu veux bien, Marco Valdo M.I. mon ami, cette chanson met en place
les personnages et les événements futurs… C'est une sorte de
Cassandre… De ce fait, il nous faudra patienter comme dans les
feuilletons, comme dans les grands romans et en attendant, reprenons
notre tâche et tissons, comme les Canuts, ces pauvres tisserands de
Lyon, le suaire de ce vieux monde prostitué, croyant, conformiste et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Claes
avait reçu en paiement
L'arbalète
d'un sergent.
Il
avait des pigeons et les aimait.
De
son arbalète, sur les buses, il tirait.
Un
grand oiseau tournoyait dans le ciel du soir
Claes
ne voyait là-haut qu'un point noir.
Il
lâcha le carreau et dans sa cour, la cigogne tomba.
Méchant,
tu as tué l'oiseau porte-bonheur et Soetkin pleura.
Il
n'est habile à toi qu'on aime, cigogne m'amie,
De
planer dans le ciel comme l'épervier qu'on maudit.
Laisse-toi
guérir par nos mains amies.
Ainsi,
doucement choyée, la cigogne se remit.
Et
le grand oiseau mangeait tant et plus
Et
le poisson du canal pêché pour elle.
Elle
suivait Claes comme un chien fidèle
Et
touchait de son bec, de Soetkin le ventre dodu.
Les
mauvais jours étaient revenus.
Sur
une patte, soignant son aile,
La
cigogne les regardait manger les fèves.
Alors,
arriva le messager inconnu.
Béni
soit votre Mélancolie, mon homme est au champ.
Sans
pain, elle l'attendait ; Claes arriva chantant.
Vive
mon frère Josse le bon ermite !
La
cigogne a dit vrai, je t'invite.
Voilà
du pain, du beurre, de la bière et du vin.
Voilà
des jambons, des pâtés, et voilà du boudin.
Nelle
et Katheline ont été dire à Josse mon frère
Nos
tracas, nos tourments, notre grande misère.
Et
le Bonhomme messager m'a dit tantôt :
Le
Pape est avide d'or et vend les choses sacrées.
Les
hérétiques suivent la Grande Prostituée,
On
va nous brûler tertous ; Bonhomme, ne parlez pas si haut !