jeudi 4 octobre 2018

Battez Tambours !

Battez Tambours !


Chanson française – Battez Tambours ! – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
94
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, II)





Dialogue Maïeutique

« Battez Tambours ! », brrr, quel impératif sinistre, ça sent la guerre à plein nez, la guerre militaire ou la guerre civile, mais bien sanglante, se récrie Lucien l’âne.

Évidemment, réplique Marco Valdo M.I., c’est sinistre, ça sent la guerre à plein nez, la guerre militaire ou la guerre civile, mais bien sanglante. Il n’y a là rien d’étonnant quand il s’agit de la Légende de Till qui raconte allégoriquement une partie de la Guerre de Quatre-vingts Ans et celle beaucoup plus longue qui se mène aujourd’hui encore partout dans le monde afin de faire vivre et se développer l’esprit de liberté. Il te faut comprendre, Lucien l’âne mon ami, l’esprit comme le principe de vie, le principe même de la vie, une vie, héroïque, joyeuse et glorieuse, comme dit la Légende. Dans le fond, cette guerre de l’esprit est une guerre de libération qui se confond assez bien avec la Guerre de Cent Mille Ans et sans doute, l’englobe-t-elle entièrement.

Cette guerre-là, reprend Lucien l’âne, qui englobe jusqu’à la Guerre de Cent Mille Ans, me fait penser à l’infini qui, quand on réfléchit, est lui-même composé d’une infinité d’infinis. Ainsi, pour m’en tenir aux seuls nombres, mais on pourrait répéter l’opération avec des mondes, l’infini, que j’appellerai pour la commodité l’« infini global », contient l’infinité infinie des uns, l’infinité infinie des deux et ainsi de suite, à l’infini. Rien que de te le dire, j’attrape le vertige.

Arrête alors, Lucien l’âne mon ami, de toute façon, j’ai compris. La preuve, je te résume le propos : l’infini global contient la globalité des infinis particuliers ou de tous les infinis qu’on peut spécifier, y compris une infinité de lui-même. Quant à la chanson, elle reprend à sa manière deux chants que Till distille aux mouettes quand le navire des Gueux se prélasse sur la mer. C’est un peu le péan des guerriers grecs avant le combat.

Tout cela n’est pas très « contre la guerre », bien au contraire, Marco Valdo M.I. mon ami.

Sans doute, Lucien l’âne mon ami, en est-il ainsi. Cependant, ce n’est qu’un paradoxe en apparence. Il est clair comme l’eau de roche que Till et l’ensemble des gens des Pays se passeraient volontiers de toute violence, tout comme ils se passeraient volontiers de tout conflit. Leur protestation douce des gens des Pays contre la domination religieuse, contre l’Inquisition, contre les Espagnols ne s’est durcie que des rigueurs qu’on leur infligeait. Sans domination, point n’est besoin de libération ; sans domination têtue et violente, point n’est besoin de résistance obstinée.

En somme, dit Lucien l’âne, on ne saurait mettre dans le même sac l’occupant et l’occupé, le dominateur et le dominé, l’agresseur et la victime. Par ailleurs, il y a une question liée au temps ; si la vie humaine était éternelle, il n’y aurait aucun inconvénient (quoique ?) à user de la patience pour résoudre les conflits. Seule la brièveté de la vie impose de précipiter un peu le mouvement et d’opposer la force à la force, la vérité au mensonge, la ruse au pouvoir, et ainsi de suite. Définitivement, il s’agit de vivre sa vie, laquelle est

« courte et il n’y en a qu’une
Qu’on soit Ricain ou qu’on soit Russe ! »

Y en a marre, en effet, et puis, tant pis, nous nous tissons le linceul de ce vieux monde infini, guerrier, pacifique et cacochyme

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Aux premiers soleils de mai, les vagues enchantent
Les mouettes qui agitent le ciel clair,
Le navire joue avec la mer,
La brise murmure et Till chante :

« Les cendres battent sur mon cœur.
Les bourreaux ont éteint le bonheur,
Ils ont allumé méfiance et délation
Et pourri les entrailles de la nation.

Frappez-les à mort, toujours !
Vive le Gueux ! Battez tambours !
Boulets de fonte ! Boulets de fer !
Les bourreaux vont en enfer !

La Brille, Verger de Liberté, est prise ;
Flessingue, clé de l’Escaut, est prise ;
Camp-Veere, nid des canons, est prise
Et demain, à nous, Hollande et Frise !

À roi parjure, peuple rebelle.
Pour nos droits, pour nos amours,
Pour nos enfants, pour nos belles,
Vive le Gueux ! Battez tambours !

Les Pays où vivait Princesse Liberté
Ont des allures de cimetières.
Les Pays où violes et fifres ont joué
Sont de silence et de mort, la nouvelle terre.

Les sublimes trognes, les faces heureuses
S’y ternissent en pâles visages résignés ;
Buveurs ivrognes et filles amoureuses
Y promènent leurs spectres désenchantés.

On n’entend plus dans les tavernes populaires
Le cliquetis joyeux des pintes et des verres ;
La voix des filles plus ne charme,
Aux yeux des Pays coulent les larmes.

La terre gronde sous le pied meurtrier.
Abeilles, mes sœurs, en essaims, par milliers
Chassez les frelons d’Espagne hors d’ici !
Par mort, menez-les hors des Pays !

Boulets de fonte ! Boulets de fer !
Les bourreaux vont en enfer !
Frappez-les à mort, toujours !
Vive le Gueux ! Battez tambours ! »