Battez Tambours !
Chanson
française – Battez
Tambours !
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 94
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, II)
Ulenspiegel le Gueux – 94
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, II)
Dialogue
Maïeutique
« Battez
Tambours ! », brrr, quel impératif sinistre, ça sent la
guerre à plein nez, la
guerre militaire ou la guerre civile, mais bien sanglante, se récrie
Lucien l’âne.
Évidemment,
réplique Marco
Valdo M.I., c’est sinistre, ça sent la
guerre à plein nez, la
guerre militaire ou la guerre civile, mais bien sanglante. Il n’y a
là rien d’étonnant quand il s’agit de la Légende de Till qui
raconte allégoriquement une partie de la Guerre de Quatre-vingts Ans
et celle beaucoup plus longue qui se mène aujourd’hui encore
partout dans le monde afin de faire vivre et se développer l’esprit
de liberté. Il te faut comprendre, Lucien l’âne mon ami, l’esprit
comme le principe de vie, le principe même de la vie, une vie,
héroïque, joyeuse et glorieuse, comme dit la Légende. Dans le
fond, cette guerre de l’esprit est une guerre de libération qui se
confond assez bien avec la Guerre
de Cent Mille Ans et sans doute,
l’englobe-t-elle entièrement.
Cette
guerre-là, reprend Lucien l’âne, qui englobe jusqu’à la Guerre
de Cent Mille Ans, me fait penser à l’infini qui, quand on
réfléchit, est lui-même composé d’une infinité d’infinis.
Ainsi, pour m’en tenir aux seuls nombres, mais on pourrait répéter
l’opération avec des mondes, l’infini, que j’appellerai pour
la commodité l’« infini global », contient l’infinité
infinie des uns, l’infinité infinie des deux et ainsi de suite, à
l’infini. Rien que de te le dire, j’attrape le vertige.
Arrête
alors, Lucien l’âne mon ami, de toute
façon, j’ai compris. La preuve, je te résume le propos :
l’infini global contient la globalité des infinis particuliers ou
de tous les infinis qu’on peut spécifier, y compris une infinité
de lui-même. Quant à la chanson, elle
reprend à sa manière deux chants que Till distille aux mouettes
quand le navire des Gueux se prélasse sur la mer. C’est un peu le
péan des guerriers grecs avant le combat.
Tout
cela n’est pas très « contre la guerre », bien au
contraire, Marco Valdo M.I. mon ami.
Sans
doute, Lucien l’âne mon ami, en est-il ainsi. Cependant, ce n’est
qu’un paradoxe en apparence. Il est clair comme l’eau de roche
que Till et l’ensemble des gens des Pays se passeraient volontiers
de toute violence, tout comme ils se passeraient volontiers de tout
conflit. Leur protestation douce des gens
des Pays contre la domination religieuse,
contre l’Inquisition, contre les Espagnols ne s’est durcie que
des rigueurs qu’on leur infligeait. Sans
domination, point n’est besoin de libération ; sans
domination têtue et violente, point n’est besoin de résistance
obstinée.
En
somme, dit Lucien l’âne, on ne saurait mettre dans le même sac
l’occupant et l’occupé, le dominateur et le dominé, l’agresseur
et la victime. Par ailleurs, il y a une question liée au temps ;
si la vie humaine était éternelle, il n’y aurait aucun
inconvénient (quoique ?) à user de la patience pour résoudre
les conflits. Seule la brièveté de la vie impose de précipiter un
peu le mouvement et d’opposer la force à la force, la vérité au
mensonge, la ruse au pouvoir, et ainsi de suite. Définitivement, il
s’agit de vivre sa vie, laquelle est
« courte
et il n’y en a qu’une
Qu’on soit Ricain ou qu’on soit Russe ! »
Qu’on soit Ricain ou qu’on soit Russe ! »
Y
en a marre, en effet, et
puis, tant pis, nous nous tissons le linceul de ce vieux monde
infini, guerrier, pacifique et cacochyme
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Aux
premiers soleils de mai, les vagues enchantent
Les
mouettes qui agitent le ciel clair,
Le
navire joue avec la mer,
La
brise murmure et Till chante :
« Les
cendres battent sur mon cœur.
Les
bourreaux ont éteint le bonheur,
Ils
ont allumé méfiance et délation
Et
pourri les entrailles de la nation.
Frappez-les
à mort, toujours !
Vive
le Gueux ! Battez tambours !
Boulets
de fonte ! Boulets de fer !
Les
bourreaux vont en enfer !
La
Brille, Verger de Liberté, est prise ;
Flessingue,
clé de l’Escaut, est prise ;
Camp-Veere,
nid des canons, est prise
Et
demain, à nous, Hollande et Frise !
À
roi parjure, peuple rebelle.
Pour
nos droits, pour nos amours,
Pour
nos enfants, pour nos belles,
Vive
le Gueux ! Battez tambours !
Les
Pays où vivait Princesse Liberté
Ont
des allures de cimetières.
Les
Pays où violes et fifres ont joué
Sont
de silence et de mort, la nouvelle terre.
Les
sublimes trognes, les faces heureuses
S’y
ternissent en pâles visages résignés ;
Buveurs
ivrognes et filles amoureuses
Y
promènent leurs spectres désenchantés.
On
n’entend plus dans les tavernes populaires
Le
cliquetis joyeux des pintes et des verres ;
La
voix des filles plus ne charme,
Aux
yeux des Pays coulent les larmes.
La
terre gronde sous le pied meurtrier.
Abeilles,
mes sœurs, en essaims, par milliers
Chassez
les frelons d’Espagne hors d’ici !
Par
mort, menez-les hors des Pays !
Boulets
de fonte ! Boulets de fer !
Les
bourreaux vont en enfer !
Frappez-les
à mort, toujours !
Vive
le Gueux ! Battez tambours ! »