jeudi 5 février 2015

LE CADEAU

LE CADEAU


Version française – LE CADEAU – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Il RegaloFabularasa – 2012




On m'a apporté votre cadeau à la maison :
Une corbeille emplie de présents divins






Chanson librement inspirée de la lettre écrite par Giuseppe Di Vittorio au Comte Pavoncelli le 24 décembre 1920. Lire le texte de cette chanson est comme ouvrir une vieille enveloppe dans laquelle on trouve des photos décolorées et en noir et blanc – qui retracent des scènes de travail dans les champs des Pouilles durant les premières années du siècle passé – et une lettre ancienne (la première des trois de ce disque). Ce n'est pas n'importe quelle lettre : Giuseppe Di Vittorio l'écrivit à son patron, le Comte Pavoncelli, la veille de Noël 1920, pour lui rendre, de la manière la plus aimable possible, une petite corbeille de vœux qu'il lui avait fait porter chez lui. Di Vittorio l'a renvoyé parce qu'il ne veut pas d'un quelconque privilège par rapport aux autres journaliers qu'il représente ; un geste nécessaire pas seulement par honnêteté de conviction individuelle, mais aussi car, dans la vie publique, cette même honnêteté est un devoir civique et doit être bien visible à l'extérieur. Un événement lointain, mais de déconcertante actualité, dans cette période de désorientation politique. Un exemple à ne pas oublier. L’élégante clarinette de Gabriele Mirabassi ponctue un morceau qui voyage sur une marche rapide et constante, vers un finale instrumental. La chanson a été présentée à Bari, en avant-première, à l'occasion de l'inauguration d'une pierre dédiée à la résistance de la Bourse du Travail face aux milices fascistes, en 1922.

Juste deux mots pour situer Giuseppe di Vittorio, encore connu et même très connu en Italie, il est quelque peu ignoré dans le reste de l'Europe actuelle.
Giuseppe Di Vittorio , né le 11 août 1892 à Cerignola, dans la région des Pouilles et mort le 3 novembre 1957 (à 65 ans) à Lecco. Fils de paysans, autodidacte, il fut un militant syndical, antifasciste et sur le plan politique, député PCI. Comme syndicaliste, il fut parmi les fondateurs et jusqu'à sa mort, un des dirigeants principaux de la CGIL – le principal syndicat italien.


Très honoré patron, ce matin
On m'a apporté votre cadeau à la maison :
Une corbeille emplie de présents divins,
Amandes douces, vin, fruits de saison.

Ne pensez pas que je n'apprécie pas au plus haut degré
L'amabilité d'une si noble pensée,
La courtoisie qui certainement l'a inspirée
Et je vous en remercie, mais je dois refuser.

Je le sais que vous ne l'avez pas fait pour me piéger
Et que vous ne pensez pas à m'acheter ;
Mais mes compagnons qui n'ont pas à manger
Pourraient le penser…

L'aube sur la place solitaire descend
Les équipes se rassemblent doucement:
Cent bâillements, cinq tintements,
Une colonne (lente) derrière le surveillant.

Qu'on ne dise pas que je fricote avec le patron
Lorsque le prix du travail, nous négocions
Mes compagnons qui n'ont pas à manger
Pourraient le penser.

Ce n'est pas seulement une question de conscience,
De méfiance, de bonne renommée :
C'est une pratique d'honneur que la politique ;
Vous me comprenez, je ne dirai rien d'autre.
Salutations distinguées.

À midi le soleil tape sur la nuque,
Le contrôleur vient au champ, il surveille
Les paysans qui essuient leurs tempes,
Serrent les dents et courbent l'échine.


Dans ce purgatoire de chaleur…
Le soleil se couche sur les tas de grains,
J'arrive avec mes souliers poussiéreux,
Les paysans sèchent leur sueur,
Ils me regardent dans les yeux,
Ils me serrent la main…

Au matin du Grand Soir

Au matin du Grand Soir

Chanson française – Au matin du Grand Soir - Marco Valdo M.I. – 2015





Au matin du Grand Soir




Je lisais l'autre soir cette phrase que j'ai mise en exergue à la chanson… et si je l'ai mise là, il y a une double raison.


Deux raisons, veux-tu dire, Marco Valdo M.I. et lesquelles ?


Oui, deux raisons et sans doute, même plus encore. La première, c'est cette phrase elle-même qui m'a paru résumer cette idée de Grand Soir et de matin du Grand Soir. Toute l'histoire en une ligne, soutenue par un fort vent d'optimisme et de joie de vivre. La deuxième (car il y en aura d'autres, réflexion faite !), c'est que je lisais à ce moment une chanson chantée par Marc Ogeret et qui parlait du matin du Grand Soir elle-aussi [[48956]]. La troisième raison, c'est que tout cela a ravivé dans ma mémoire une antienne dont je ne sais plus si j'en ai été l'auteur ou si elle m'est venue d'ailleurs ; en tous cas, je me souviens très bien d'avoir travaillé (il y a des années… vers 1985 ?) sur le projet d'un grand panneau sur émail (12 x 6 m) avec une École des Beaux-Arts et des ouvriers métallurgistes dont le thème et le sujet central était cette antienne : « Au matin du Grand Soir, le coq rouge pondra l’œuf noir ». La quatrième raison, c'est que j'en ai fait une chanson, juste une chanson, une chanson sans prétention aucune que d'être une petite chanson.


Admettons, dit Lucien l'âne en riant. Mais qu'est-ce qu'elle peut bien signifier cette antienne, comme tu dis ? Car, elle m'a l'air bien mystérieuse, poétique, légèrement utopique. ;. Que sais-je ?


De fait, tu as raison, Lucien l'âne mon ami. Il y a de ça. Quant aux interprétations possibles… Le Grand soir, nous en avons déjà parlé et la petite phrase en exergue le décrit assez bien. Bref, c'est le moment révolutionnaire , le moment où le monde bascule d'un monde de richesse, d'exploitation, d'avidité, de cupidité, d'arrogance, d'ambitions… vers un monde de fraternité, de solidarité, de joie de vivre… Ce que Saint-Just appelait le bonheur. Pour ce qui est du Matin, il y a une grande différence entre le matin du Grand Soir, chanté par Marc Ogeret, qui précède le Grand Soir et le matin de cette chanson-ci, qui suit le Grand Soir. L'épisode convulsif est passé.


Et le coq rouge ? Et l’œuf noir ?


Le coq rouge, là, il y a de nombreuses possibilités et outre, pour nous ici, l'évident coq wallon, il y a aussi bien le coq qui appelle au réveil des hommes et du jour, Chantecler qui fait surgir le soleil dans le ciel ; le rouge étant le rouge emblématique qu'on trouve sur les drapeaux des groupes révolutionnaires ; mais, il faut aussi y voir le feu, les flammes qui forment la crête du coq, celles-là-mêmes qui illuminent le Grand Soir. Et puis, l’œuf noir, on peut l'interpréter comme le résultat du Grand Soir… l'Anarchie elle-même. Disons que c'est une chanson mythique et qu'elle recèle bien d'autres nuances, d'autres significations qu'on n'aperçoit pas immédiatement. Un peu comme les reflets irisés d'un clair de lune sur une rivière, un lac ou sur la mer. Ou alors, ce n'était qu'un rêve... 


Tu as eu un rêve... Tu n'es pas le seul... Eh bien voilà, un chanson est née et nous, nous reprenons notre tâche, et avec elle et des milliers d'autres, nous tissons le linceul de ce vieux monde enrichi, empâté, engraissé, ankylosé et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




« Bientôt peut-être, les ténèbres traversées des flammes du Grand Soir couvriront la terre. Puis, viendra l'aube de joie et de fraternité » – A dolphe Retté dans Le Libertaire – 1899



Au matin du Grand Soir
Le coq rouge pondra
L’œuf noir
Et nous, on se réveillera.

Au matin du Grand Soir
Le coq rouge pondra
L’œuf noir
Et nous, on chantera.

Au matin du Grand Soir
Le coq rouge pondra
L’œuf noir
Et nous, au soleil, on sortira.

Au matin du Grand Soir
Le coq rouge pondra
L’œuf noir
Et nous, au soleil, on dansera.

Au matin du Grand Soir
Le coq rouge pondra
L’œuf noir
Et nous, au soleil, on s'aimera.


Au matin du Grand Soir
Le coq rouge pondra
L’œuf noir
Et tous, de joie, on rira.