La
Mort du Cabot
Chanson
française – La Mort du Cabot – Marco Valdo M.I. – 2020
ARLEQUIN
AMOUREUX – 48
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Dialogue
Maïeutique
À
force, mon
ami
Lucien
l’âne, de
suivre ses aventures, on s’aperçoit que la vie du déserteur n’est
pas de tout repos. Comme le suggérait le précédent épisode, c’est
véritablement une odyssée, même si parfois l’affaire vire à
l’Iliade.
Tu
dis bien, Marco Valdo
M.I. mon
ami, c’est une odyssée : Matthias, Mateus, alias Arlequin,
s’était, au soir de la bataille, du champ couvert de morts,
éclipsé du monde des guerriers pour tenter de rentrer chez lui par
le plus court chemin. C’était à Marengo, c’était en 1800. Il
ne prévit pas tout ce qui viendrait contrarier sa louable intention
et le retarder de tant d’années. Il se voyait rentrer en son
Ithaque bohémienne, salué par le vieux chien de la ferme parentale.
La vie lui a démontré qu’elle est plus complexe qu’il
l’imaginait.
Et
elle le reste, Lucien l’âne mon ami, et pense seulement à ses
braves sportifs qui allaient tout droit à leurs exploits et qui en
sont présentement privés ; c’est-y pas malheureux, ça ?
Oh,
dit Lucien l’âne, s’il n’y avait que ces
gens-là dont le destin héroïque est contrarié, mais il y a tous
les autres pékins qui ont leur vie habituelle carrément
bouleversée : ce qui
devait se faire, ne se fait pas ;
ce qui était prévu comme la Guerre de Troie, celle de Giraudoux,
n’aura pas lieu. Tous baignent dans l’incertitude – du moins,
ceux qui survivent. Enfin, ce qui est quand même rassurant, c’est
que ces derniers sont énormément plus nombreux ; mais
on s’égare, revenons
à la guerre et à notre troupe de déserteurs de Bohême.
De
Bohême, reprend Marco Valdo M.I., justement, de Bohême, le pays de
Chveik et celui de Smiřicky,
celui de l’Escadron blindé et du miracle en Bohême. La Bohême
est un grand pays de légendes paramilitaires ; les Tchèques
pratiquent une certaine distanciation par rapport aux armées. Il me
paraît d’ailleurs certain que notre Arlequin est un lointain
ancêtre du soldat Chveik, lui aussi déserteur émérite, ainsi
qu’il est conté dans La
chanson de Chveik le soldat.
« J’ai
jeté mon beau fusil,
J’ai jeté tous mes habits,
J’ai quitté la Cacanie
Et je recommence ma vie.
Surtout, ne me reconnaissez pas,
J’étais Chveik le soldat ;
Et surtout, oubliez-moi,
J’étais Chveik le soldat. »
J’ai jeté tous mes habits,
J’ai quitté la Cacanie
Et je recommence ma vie.
Surtout, ne me reconnaissez pas,
J’étais Chveik le soldat ;
Et surtout, oubliez-moi,
J’étais Chveik le soldat. »
Marco
Valdo M.I. mon ami, j’adore ces aperçus que tu nous offres sur les
héros militaires tchèques, mais ça ne me dit pas ce qu’il y a
dans la chanson.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, tu te trompes vivement, car c’est
précisément un épisode digne de ces héros historiques de la
Bohême qu’elle raconte. La bande des conscrits pacifistes qui
entoure Matěj arrive à se planquer dans une grange et à vivre un
certain temps en troquant les neuf chevaux de l’escorte contre de
la nourriture et du vin. Quand elle a épuisé ses munitions, elle
reprend la route et se fait reprendre et incorporer à nouveau dans
un autre régiment – on les rhabille d’un autre uniforme et on
les arme. Manque de chance pour nos braves, c’est la veille d’une
bataille. Au matin, enfin armés, on les envoie de force à
l’attaque. Matthias liquide le caporal qui le suit comme une ombre
et le pousse vers l’ennemi.
Ainsi
le cabotin a eu raison du cabot, dit Lucien l’âne en riant.
Oui,
complète Marco Valdo M.I., le déserteur renaît sur ce champ de
bataille, célèbre par son soleil.
Ah,
dit Lucien l’âne en souriant, ne serait-ce pas le
soleil d’Austerlitz qui éclairera la bataille qui commence ?
Oui,
Lucien l’âne mon ami, c’est bien à Austerlitz que notre
Arlequin amoureux joue la répétition de Marengo.
Comme on n’en est qu’au prologue, il te faudra patienter pour la
suite.
Attendons
alors, dit Lucien l’âne, et tissons le linceul de ce vieux monde
routinier, répétitif, guerroyant, drôle et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Même
quand il n’a plus de régiment,
Pour
vivre, le soldat le plus simple doit manger.
La
bande des conscrits s’attelle consciencieusement
À
ne pas mourir, à fuir, à louvoyer, à marauder, à piller.
L’adjudant-chef
est parti, très tôt
Du
mauvais côté, se faire fusiller par l’ennemi.
Alors,
l’unité échange les neuf chevaux
Contre
du cochon et du vin de pays.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
La
troupe vit dans sa grange,
Se
nourrit du troc équin,
Un
régime de lard et pain,
Une
vie digne des anges.
Fin
du cheval, du lard, du pain.
Repris,
équipés de neuf, armés.
Direction
le champ où va se jouer
Au
soleil du lendemain, le destin.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Le
son du canon les tire du sommeil,
La
douce matinée s’étire vers le soleil.
Matthias
s’éclipse, il est ramené au camp.
Le
caporal l’empoigne : Vorwärts ! En avant !
L’animal
suspicieux ne lâche pas sa trace,
Matthias
a dans le dos cette bête de race.
Matěj,
la pétoire à la main, fait face
Et
d’un coup, du vilain cabot se débarrasse.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.