UNE QUESTION
Version
française – UNE QUESTION – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson
allemande – Eine
Frage – Kurt Tucholsky – 1931
Texte
de
Kurt Tucholsky, publié
sous le
pseudonyme
de
Theobald Tiger dans
Die Weltbühne du
27 janvier
1931
Musique de
Leon Boden et
Bernd Klinzmann dans
“Tucholsky in Rock” - 1984
Elle
a été aussi mise en musique et chantée par l'artiste néerlandais
Robert Kreis.
La chaîne de montagne continue à produire
Des marchandises pour des clients qui n'existent pas.
Vous avez détruit votre propre clientèle, comme ça.
Une
chanson écrite à la veille de l’avènement
du nazisme, dans la phase plus aiguë de la crise de
29 et de l'agonie de la République de Weimar, mais je crois qu'il
parle un peu même de nos temps…
Mon
ami Lucien l'âne, je suis toujours étonné, stupéfait et parfois
même, pantois de constater la lucidité de certaines chansons et
évidemment, de leurs auteurs.
Voilà
bien une étrange déclaration que tu aurais pu faire depuis
longtemps et à propos de nombreuses chansons et dès lors, de
nombreux auteurs, spécialement dans les Chansons contre la Guerre.
Oui
et non. De façon globale, tu as certainement raison. Mais quand
même, si toutes les chansons et tous les auteurs sont égaux ;
il en est de plus égaux que d'autres. Parmi tous ceux-là, cette
fois, je distingue Tucholsky et particulièrement, dans sa façon de
faire surgir dans l'air et en quelques vers, claire et transparente
comme du verre, la manière dont les riches entendent traiter les
pauvres, la façon dont les propriétaires des entreprises entendent
réduire ce qu'ils appellent les frais, c'est-à-dire la part des
travailleurs. Car c'est de cela qu'il est question dans la chanson.
Et ce que Tucholsky disait clairement en 1931 s'applique tout autant
aujourd'hui et si on continue à laisser faire les riches et leurs
sectateurs, cela continuera. En fait, il met le doigt sur le
processus indigne de l'exploitation, qui se répète de génération
en génération.
Mais
ce que tu dis pour cette canzone, pour Tucholsky, pourrait être
étendu à d'autres…
Oui,
sans aucun doute et à bien des autres et dans diverses langues.
C'est aussi au caractère de révélateur – au sens où on l'entend
en photographie, par exemple – de la canzone, telle qu'elle est
conçue dans les Chansons contre la Guerre, que j'entends faire
allusion. À la chanson comme un art particulier, créateur et
diffuseur de pensée, créateur et diffuseur d'histoires.
Oh,
la chose n'est pas neuve…, dit Lucien l'âne. Et Homère, par
exemple, n'est pas sorti tout armé de la tête d'Apollon. Il est
lui-même, au travers de ses grands chants que sont l'Iliade et
l'Odyssée, le continuateur de poètes et chanteurs inconnus.
L'histoire de la chanson se confond avec celle des hommes.
Cependant,
j'aimerais insister sur le point, qui me paraît essentiel, c'est
qu'elle est porteuse de la parole… et qu'elle le fait avec une
souplesse, une malléabilité, une ductilité qui lui sont
particulières. Elle peut être courte, longue, bruyante, quasiment
susurrée, hurlante ou sans voix, portée par la foule ou fredonnée
en cachette. Elle a beaucoup de défauts, mais elle supporte mal les
flonflons, les flagorneries et les fanfares. Son principal mérite
est sans doute de dire ce qui ne peut plus être dit ailleurs, de
faire courir la parole par mille bouches et de la faire parvenir
jusqu'aux confins les plus réservés ou de l'en faire sortir.
Arrêtons-nous
là. Je sais que tu pourrais encore en dire, mais il nous faut
conclure ici sans pour autant négliger de tisser le linceul de ce
vieux monde avide, trop avide, ambitieux, trop ambitieux, exploiteur,
trop exploiteur, et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Devant
les contremaîtres – homme face à hommes.
Le directeur leur
parle et les regarde :
« Il paraît qu'il y a ici un
syndicat !
Il paraît qu'il y a des plaintes et quoi ?
Il faut
travailler beaucoup plus, ici !
Faire tourner les rouages
! Augmenter la production !»
Juste une petite question :
Pour qui ?
Il
dit : Les machines doivent tourner.
Qui donc va acheter votre
marchandise ?
Vos employés ? Ceux dont vous avez déjà
Réduit
le salaire au plus bas .
Et malgré tout, les marchandises
Ne
sont pas devenues moins chères
Et toujours les rouages doivent
tourner ici…
Pour qui ?
Pour
qui les publicités et les affiches ?
Pour qui les tableaux et
les voitures ?
Pour qui les cravates ? Les coupes en verre ?
Vos
travailleurs ne peuvent pas payer ça.
Pour les autres, peut-être
? Dans ce cas,
Vous avez vos trusts et vos cartels, quand même !
Il dit : C'est l'économie qui commande.
Une belle économie !
Pour qui ? Pour qui ?
La
chaîne de montagne continue à produire
Des marchandises pour des
clients qui n'existent pas.
Vous avez détruit votre propre
clientèle, comme ça.
Par
les licenciements et les diminutions de salaire
Car l'Allemagne
existe par les travailleurs et les employés !
– Les
millionnaires sont une rareté –
Et votre bilan tout d'un coup
présente
Un solde catastrophique.
Tandis
que les millions qui vont pointer.
Eux savent pour qui.
Version
française – UNE QUESTION – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson
allemande – Eine
Frage – Kurt Tucholsky – 1931
La chaîne de montagne continue à produire
Des marchandises pour des clients qui n'existent pas. Vous avez détruit votre propre clientèle, comme ça. |
Une
chanson écrite à la veille de l’avènement
du nazisme, dans la phase plus aiguë de la crise de
29 et de l'agonie de la République de Weimar, mais je crois qu'il
parle un peu même de nos temps…
Mon
ami Lucien l'âne, je suis toujours étonné, stupéfait et parfois
même, pantois de constater la lucidité de certaines chansons et
évidemment, de leurs auteurs.
Voilà
bien une étrange déclaration que tu aurais pu faire depuis
longtemps et à propos de nombreuses chansons et dès lors, de
nombreux auteurs, spécialement dans les Chansons contre la Guerre.
Oui
et non. De façon globale, tu as certainement raison. Mais quand
même, si toutes les chansons et tous les auteurs sont égaux ;
il en est de plus égaux que d'autres. Parmi tous ceux-là, cette
fois, je distingue Tucholsky et particulièrement, dans sa façon de
faire surgir dans l'air et en quelques vers, claire et transparente
comme du verre, la manière dont les riches entendent traiter les
pauvres, la façon dont les propriétaires des entreprises entendent
réduire ce qu'ils appellent les frais, c'est-à-dire la part des
travailleurs. Car c'est de cela qu'il est question dans la chanson.
Et ce que Tucholsky disait clairement en 1931 s'applique tout autant
aujourd'hui et si on continue à laisser faire les riches et leurs
sectateurs, cela continuera. En fait, il met le doigt sur le
processus indigne de l'exploitation, qui se répète de génération
en génération.
Mais
ce que tu dis pour cette canzone, pour Tucholsky, pourrait être
étendu à d'autres…
Oui,
sans aucun doute et à bien des autres et dans diverses langues.
C'est aussi au caractère de révélateur – au sens où on l'entend
en photographie, par exemple – de la canzone, telle qu'elle est
conçue dans les Chansons contre la Guerre, que j'entends faire
allusion. À la chanson comme un art particulier, créateur et
diffuseur de pensée, créateur et diffuseur d'histoires.
Oh,
la chose n'est pas neuve…, dit Lucien l'âne. Et Homère, par
exemple, n'est pas sorti tout armé de la tête d'Apollon. Il est
lui-même, au travers de ses grands chants que sont l'Iliade et
l'Odyssée, le continuateur de poètes et chanteurs inconnus.
L'histoire de la chanson se confond avec celle des hommes.
Cependant,
j'aimerais insister sur le point, qui me paraît essentiel, c'est
qu'elle est porteuse de la parole… et qu'elle le fait avec une
souplesse, une malléabilité, une ductilité qui lui sont
particulières. Elle peut être courte, longue, bruyante, quasiment
susurrée, hurlante ou sans voix, portée par la foule ou fredonnée
en cachette. Elle a beaucoup de défauts, mais elle supporte mal les
flonflons, les flagorneries et les fanfares. Son principal mérite
est sans doute de dire ce qui ne peut plus être dit ailleurs, de
faire courir la parole par mille bouches et de la faire parvenir
jusqu'aux confins les plus réservés ou de l'en faire sortir.
Arrêtons-nous
là. Je sais que tu pourrais encore en dire, mais il nous faut
conclure ici sans pour autant négliger de tisser le linceul de ce
vieux monde avide, trop avide, ambitieux, trop ambitieux, exploiteur,
trop exploiteur, et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Devant
les contremaîtres – homme face à hommes.
Le directeur leur parle et les regarde :
« Il paraît qu'il y a ici un syndicat !
Il paraît qu'il y a des plaintes et quoi ?
Il faut travailler beaucoup plus, ici !
Faire tourner les rouages ! Augmenter la production !»
Juste une petite question :
Pour qui ?
Le directeur leur parle et les regarde :
« Il paraît qu'il y a ici un syndicat !
Il paraît qu'il y a des plaintes et quoi ?
Il faut travailler beaucoup plus, ici !
Faire tourner les rouages ! Augmenter la production !»
Juste une petite question :
Pour qui ?
Il
dit : Les machines doivent tourner.
Qui donc va acheter votre marchandise ?
Vos employés ? Ceux dont vous avez déjà
Réduit le salaire au plus bas .
Et malgré tout, les marchandises
Ne sont pas devenues moins chères
Et toujours les rouages doivent tourner ici…
Pour qui ?
Qui donc va acheter votre marchandise ?
Vos employés ? Ceux dont vous avez déjà
Réduit le salaire au plus bas .
Et malgré tout, les marchandises
Ne sont pas devenues moins chères
Et toujours les rouages doivent tourner ici…
Pour qui ?
Pour
qui les publicités et les affiches ?
Pour qui les tableaux et les voitures ?
Pour qui les cravates ? Les coupes en verre ?
Vos travailleurs ne peuvent pas payer ça.
Pour les autres, peut-être ? Dans ce cas,
Vous avez vos trusts et vos cartels, quand même !
Il dit : C'est l'économie qui commande.
Une belle économie !
Pour qui ? Pour qui ?
Pour qui les tableaux et les voitures ?
Pour qui les cravates ? Les coupes en verre ?
Vos travailleurs ne peuvent pas payer ça.
Pour les autres, peut-être ? Dans ce cas,
Vous avez vos trusts et vos cartels, quand même !
Il dit : C'est l'économie qui commande.
Une belle économie !
Pour qui ? Pour qui ?
La
chaîne de montagne continue à produire
Des marchandises pour des clients qui n'existent pas.
Vous avez détruit votre propre clientèle, comme ça.
Des marchandises pour des clients qui n'existent pas.
Vous avez détruit votre propre clientèle, comme ça.
Par
les licenciements et les diminutions de salaire
Car l'Allemagne existe par les travailleurs et les employés !
Car l'Allemagne existe par les travailleurs et les employés !
– Les
millionnaires sont une rareté –
Et votre bilan tout d'un coup présente
Un solde catastrophique.
Et votre bilan tout d'un coup présente
Un solde catastrophique.
Tandis que les millions qui vont pointer.
Eux savent pour qui.