Le Vî Russe ou la Victoire de l’Amour
Chanson française – Le Vî Russe ou la Victoire de l’Amour – Marco Valdo M.I. – 2020
Dialogue
Maïeutique
Ceci,
Lucien l’âne mon ami, est une parodie, mais ne t’y trompe pas,
une parodie est une chanson en soi. Ce n’est pas un ersatz, une
vaine copie et puis, celle-ci en tous cas, est bien plus que ça.
Disons qu’elle est surgie à la lecture de la parodie que fit
l’autre jour, en toscan florentin, l’Athée du XXIe Siècle sous
le titre : « I’
vìrusse, ovvero L’ Alluvione adattata alle esigenze di’
momento » (I’
vìrusse, c’est-à-dire le déluge adapté aux besoins du moment)
de la chanson
L’Alluvione
de
Riccardo
Marasco . Tu vois tout de suite que la chose est assez
compliquée.
En
effet, je n’ai
déjà rien compris, Marco Valdo M.I., à ce que tu m’as dit.
Enfin, si quand même, mais précise un peu.
Oui,
il me faut préciser, car l’affaire ne s’arrête pas là, dit
Marco Valdo M.I. en souriant. Cependant, reprenons. J’ai donc fait
une chanson, inspirée par une autre chanson, inspirée d’une
chanson.
Oh,
dit Lucien l’âne, ça je comprends. C’est presque toujours comme
ça, dans la chanson.
Cette
chanson est une nette allusion, Lucien l’âne mon ami, non
seulement à l’Alluvion, autrement l’inondation de Florence en
1966, mais aussi, certainement, à la situation que nous subissons.
La
situation ?, dit Lucien l’âne. Tu veux sans doute parler de
cette histoire de virus qui agite les populations comme des vers dans
le panier d’un pêcheur.
Exactement,
Lucien l’âne mon ami. De cette chanson, revisitée par l’Athée
XXI, au commencement, j’ai gardé – disons – la structure et
l’avancée ; un peu le rythme aussi. Bref, je cheminai avec
elle. Jusqu’à tant qu’il m’est venu l’idée qu’il
existait une chanson française où un Russe, un Russe blanc,
prénommé Igor s’est perdu dans un bar où il n’arrête guère
de boire, car sa Katie l’a quitté ; c’est d’ailleurs le
titre de cette chanson de Boby Lapointe : « Ta Katie t’a
quitté ».
Houla,
dit Lucien l’âne, ça démarre fort ton histoire. Je me réjouis
déjà de l’entendre. Mais, procède, je t’en prie.
Donc,
Igor (celui de Lapointe) est un Russe blanc, donc, forcément, un
vieux Russe, ce qui se dit par chez nous, comme tu le sais, un Vî
Russe. Il est aux prises avec le virus et quinteux, s’en va en
ville à la recherche d’un secours, d’autant qu’il s’imagine
que sa Katie l’a quitté. C’est une fausseté
que lui souffle le malin virus pour le démoraliser. Igor entend
alors chanter Boby et en finale aussi, mais le refrain a changé ;
bonne
fin,
bonne
nouvelle,
Katie est rentrée. Et
puis, il y aurait tant à expliquer, que chacun use un peu ses
méninges ! Et lise la chanson. D’ailleurs, Boby ne donnait
jamais d’explication. Un
dernier indice pourtant : il y a là-dedans Avanie et Framboises
de
Boby Lapointe (Avanie et framboises sont les mamelles du destin),
Le Cid de
Pierre Corneille,
La
Ballade des Pendus de
François Villon, Boileau,
Otchi chornye et sans doute d’autres allusions encore. À Cambronne, par exemple. Le monde des
morts est fait d’allusions. Toute
la chanson est une scènette digne de l’immortel Henri Cami, son
titre est d’ailleurs lui-même une allusion à sa pièce :
« Dupanloup, ou les prodiges de l’amour », dont je
traitais récemment dans « La
Confession camique d’Henri Cami », publiée par la revue
des Athées de Belgique.
Oui,
dit Lucien l’âne en soupirant, trop de bien nuit. Alors, allons-y,
Alonzo ! Tissons le linceul de ce vieux monde déboussolé,
virusé (par un virus vî rusé, qui a plus d’un tour (du monde)
dans son sac), angoissé, incertain et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco
Valdo et Lucien Lane
Dante,
le poète divin cède
la place à Boby le marin
Ô
frères humains, apprenez les adages
Quand
règne la loi des grands partages,
Bactéries
et virus vont sur
les ailes du destin.
Igor
est Russe et va
tout seul à son bistro ;
Passe
un bus, un tram, un métro,
Ils
sont vides et roulent lentement.
Mais
où se cachent tous ces gens ?
Les
boutiques sont toutes fermées,
Les
bars barricadés, les maisons closes ;
Les
rues ont des allures d’allées
De
cimetière. La ville est morose.
Sur
la place du centre, un vî
Russe
Blanc
chante les yeux noirs,
Sans
se soucier du virus
Qui
le lorgne plein d’espoir.
Un
cri : « Si j’entre ici, perdez
tout espoir ! »
Soudain,
un souffle, un courant d’air froid
Renverse
un panneau, un grand écrit noir :
« La
ville se meurt, mais ne se rend pas ! »
Igor,
hagard, au bar, au café,
D’un
alcool bien
frappé,
D’un
café bien serré,
Igor,
noir, veut
se consoler.
« Tic-tac,
tic-tac,
Ta
Katie t’a quitté ;
Tic-tac,
tic-tac,
Ta
Katie t’a quitté ;
Tic-tac,
tic-tac.
T’es
cocu, qu’attends-tu ?
Cuite-toi,
t’es cocu.
T’as
qu’à, t’as qu’à te cuiter
Et
quitter ton quartier »
Il
hoquète de la poitrine, il a peur,
Il
avise là-devant une officine
Il
se traîne, il se meut, il se meurt
Il
s’agite devant la vitrine.
Derrière
sa vitre blindée,
La
pharmacienne éberluée
L’écoute
tousser, tousser
Ses
poumons fatigués.
Enfin,
l’enchifrené
peut entrer
Pour
un remède acheter.
L’apothicaire
lui propose une affaire :
Pour
vingt euros, un masque de fer.
Au
toussoteux, au fiévreux, elle
propose
Un
fébrifuge, une drogue, une quinine
Et
rentrez chez vous prendre une dose,
Conclut
la pharmacienne à
la voix coquine.
Igor,
en chemin, se sent toujours mourir
Il
sue, il tremblote, il dégouline,
Rien
ne lui sert de courir,
Déjà,
il défaille, le virus le mine.
Les
statues de la ville, les poteaux et les
feux
Encouragent
en son odyssée pharmacologique,
Igor,
le Vî Russe, ce pauvre vieux, presque feu,
Pris
maintenant en traître de
la colique.
Judith
et Olopherne lui serinent :
« Perds
pas la tête, ça ira, ça ira !
Dépêche-toi
de regagner ta cuisine
Katia
y est déjà, ta Katia t’attend là ! »
Il
court alors, il vole, il arrive à bon port.
Igor,
le Vî Russe sème le virus encore.
Il
actionne sa sirène, passe
les carrefours
Contre
le virus, c’est la victoire de l’amour.
« Tic-tac,
tic-tac,
Ta
Katie est rentrée ;
Tic-tac,
tic-tac,
Ta
Katie est rentrée ;
Tic-tac,
tic-tac.
Cours-y
vite, qu’attends-tu ?
J’ai
le virus au cul.
T’as
qu’à, t’as qu’à le semer
Et
le virer du quartier.
Ta
Katie est rentrée,
Ta
Katie est rentrée… »
Dante,
le poète divin cède
la place à Boby le marin
Ô
frères humains, apprenez les adages
Quand
règne la loi des grands partages,
Bactéries
et virus vont sur
les ailes du destin.