mardi 25 juin 2019

LE BOURREAU

LE BOURREAU


Version française – LE BOURREAU – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson allemandeDer HenkerCochise – 1981
Texte : Pit Budde









Dialogue maïeutique

Je suppose, Lucien l’âne mon ami, que tu sais ce qu’est un bourreau et que sans doute, tu en as vu à l’œuvre ou que tu en as entendu parler.

D’abord, Marco Valdo M.I. mon ami, si j’en ai vu à l’œuvre, comme tu dis, c’est que j’y étais contraint, car souvent, je n’étais qu’une sorte de véhicule et qu’on m’avait amené là sans me demander mon avis. Cela étant précisé, des bourreaux, il y en avait à toutes les époques et dans tous les pays que j’ai traversés et ils usaient plus volontiers de la hache, du braquemart, de la corde, du feu ou de l’eau que de la bien aimable ciguë socratique, sans compter les lapidations ou les fusillades qui sont des œuvres collectives. Personnellement, quand on ne m’y menait pas de force, je m’en suis toujours tenu à l’écart, car ils s’en prenaient même aux animaux.

Je sais, dit Marco Valdo M.I., selon la fable, tout spécialement à l’âne lui-même « ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal », comme ils disaient.

Exactement, reprend Lucien l’âne, mais il y a lieu de distinguer, car il y a des bourreaux et le bourreau. Il y a ceux qui torturent, qui mettent à la question comme sous l’Inquisition et qui tuent malignement et il y a celui qui exerce la terrible fonction d’exécuteur public ; celui-là est une sorte de fonctionnaire-délégué. Ce ne sont pas les mêmes usages. À tel point qu’en France, bien entendu avant l’abolition de la peine de mort où le métier de bourreau a disparu, le bourreau était appelé « Monsieur », pas monsieur Machin ou monsieur Truc, mais tout simplement « Monsieur », sans nom accolé, pour rester anonyme dans sa fonction.

Effectivement, Lucien l’âne mon ami, je m’en souviens bien. On était même bourreau de père en fils ; c’était une charge héréditaire. Une des raisons de cette hérédité, c’était la tradition, au sens de la transmission. Mais nous ne sommes pas des historiens et ces explications suffisent. Il convient aussi d’ajouter que les bourreaux, même officiels, continuent d’exercer dans d’autres pays où la peine de mort est encore d’application. Maintenant, pour ce qui est de la chanson, elle se présente comme une scénette où un bourreau est saisi par les gens et mis en accusation ; presque condamné par la vindicte, lors même que ces gens font le public fort intéressé par ces exécutions.

Ça, dit Lucien l’âne, c’est vrai. Je les ai vu s’attrouper sur les places en attendant – pendant des heures – la mise à mort comme un spectacle. Ils y allaient comme à la foire et les marchands de victuailles, de boissons et d’objets souvenirs, pendant tout ce temps, faisaient de bonnes affaires.

La chanson ne précise pas tout ça, répond Marco Valdo M.I. ; elle fait écho à un débat dans une foule (le peuple, la démocratie, que sais-je ?). À la réflexion, avec la conclusion, il me paraît qu’il s’agit peut-être d’une autre sorte de bourreau, un bourreau plus politique, un bourreau dans le genre « industriel », un bourreau national. On en a connu dans nombre de pays et pour ce qui est de l’Allemagne, leurs bourreaux leur ont coûté fort cher. Et, c’est la fin de la chanson, ils pourraient recommencer.

Je me disais, conclut Lucien l’âne, qu’en somme, on n’en avait pas fini avec les bourreaux. Certains en certains pays en réclament à cor et à cri. C’est inquiétant. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde exécuteur, vindicatif, tueur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






« Aidez-moi », criait le bourreau.
« Ce n’était pas ma faute à moi !
Les ordres venaient d’en haut,
Soyez indulgents avec moi ! 


J’étais juste un petit écrou
De la machinerie géante de l’État !
C’était mon travail après tout.
Je ne décidais jamais, moi ! »


Dans la foule, quelqu’un a crié :
« L’homme a raison, entièrement !
On ne peut pas le condamner.
C’était juste un exécutant ! »


« Mais si on le laisse partir,
Est-ce qu’on peut nous garantir
Qu’il ne frappera pas à nouveau ?
Peut-on vivre avec le bourreau ? »


« On deviendra nous-mêmes des bourreaux ! »
On entendit quelqu’un crier bien haut :
« Nous ne sommes pas de meilleure engeance ;
Je dis non à la vengeance ! »


Alors s’est indigné le suivant :
« Combien de gens a-t-il tués ?
Comment pouvons-nous oublier
Le sable rougi par le sang ? »


Et comme tous se battent,
Par l’amour du métier repris,
Sa hache, le bourreau saisit.
Alors, encore, à nouveau, il frappe.