mercredi 16 mai 2018

Le vilain Comte


Le vilain Comte


Chanson française – Le vilain Comte – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 43

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XVI)








Quel titre encore une fois, Marco Valdo M.I. mon ami ; on dirait un oxymore, cette figure si prisée par les gens d’aujourd’hui.

C’est évidemment, Lucien l’âne mon ami, l’effet recherché de tous ces titres que d’éveiller l’attention du lecteur et dans ce cas-ci, de donner à un Comte, personnage de haute noblesse, très conscient de l’être et doté d’un arrogant orgueil, le qualificatif de « vilain ». Vilain est un mot qui a de multiples sens et qui sont tous, du point de vue de la noblesse, péjoratifs. En premier lieu évidemment, le fait que le « vilain » est celui qui n’est pas noble ; l’autre nom qu’on utilise pour signifier « vilain » est celui de « roturier » ou celui de « manant » ; ensuite, viennent toutes les autres connotations telles que « pas beau », laid, méchant, mauvais, médiocre, etc. Pour le reste, on verra que Charles de Brimeu, Comte de Meghem, par ailleurs, petit-fils de Marguerite d’Autriche, est quelqu’un qui correspond tout à fait à ce curieux titre de « vilain Comte » : il campe du côté des oppresseurs ; il est radin, il est jaloux.

Quel vilain homme que ce Comte, dit Lucien l’âne en rigolant. Mais que raconte d’autre la chanson ?

Eh bien, comme souvent, répond Marco Valdo M.I., elle raconte certaines aventures de Till. Des aventures multiples puisque dans cette chanson, on retrouve Till dans son rôle de résistant à l’oppresseur et dans son rôle de libertin, séducteur et séduit – toujours, comme on le verra, pour la bonne cause.

Oh, dit Lucien l’âne, m’est avis que Till a tout de l’agent secret de cinéma.

Soit, sans doute, j’imagine, reprend Marco Valdo M.I. ; il faut quand même tenir compte du décalage temporel ; c’était il y a plus de quatre siècles.
Je résume : Till doit aller, accompagné de Lamme, de ville en ville porter le message d’Orange qui est d’alerter les gens pour qu’ils puissent mettre à l’abri les femmes et les enfants et qu’ils puissent se mettre en position de résister et de se défendre des armées du roi d’Espagne. Pour accomplir cette mission, il peut s’appuyer sur un réseau de résistance qui couvre tout le pays et sur une population acquise à l’idée de paix et de tolérance religieuse : « la bonne cause… », dit la chanson. Till et Lamme sont (fort bien) accueillis dans une maison – celle du Comte de Meghem, précisément, par deux dames – la commère du Comte et sa coquassière, qui leur assurent ce qu’ils espèrent. Till, qui est entré dans les bonnes grâces de la patronne, obtient d’elle, des renseignements sur les mouvements militaires dirigés par le Comte de Meghem ; renseignements qui sont le résultat des confidences d’oreiller du royal officier, qui ignore que sa compagne est prête à tout pour la « bonne cause ».
Je te laisse le soin de découvrir le reste.

Je le ferai avec plaisir, conclut Lucien l’âne. Sois-en certain, car j’aime beaucoup Till et aussi son côté coquin. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde médiocre, fâcheux, vilain, oppresseur, persécuteur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Simon Simonsen, un bonhomme aux affaires étranges,
Donne un âne à Lamme, un âne à Till,
Pour aller en toutes les villes
Porter le message d’Orange.

Il faut avertir les bourgeois
Des vilains desseins du Roi
Et recueillir jusque dans les campagnes
Les nouvelles venues d’Espagne.

Ainsi, pour la bonne cause, Till et Lamme
Vêtus en paysans madrés
Avec leurs ânes, courent tous les marchés
Et vendent des légumes aux dames.

À Bruxelles, rue Sainte Catherine,
Ils font halte à la fenêtre de la cuisine,
De la coquassière et de sa maîtresse,
Deux charmantes hôtesses.

Elles attirent en la demeure d’un puissant seigneur.l
Par ruses féminines, les ânes, le joli cœur et le grand mangeur.
Till courtoisement fait sa cour à la patronne,
Lamme tranquillement mange des tonnes.

La belle dame s’inquiète auprès de Till :
« Prendrais-tu la défense des persécutés ? »
« Sur les cendres de Claes, toujours, je le ferai.
De Claes, mon père brûlé pour sa foi en l’Évangile. »

« Le Comte de Meghem ne pense pas comme toi,
Il envoie demain à Anvers, ma bonne patrie,
Dix enseignes d’infanterie
Pour mettre au pas les bourgeois. »

« Alarme !, dit Till. Lamme viens,
Courons prévenir les bonnes gens
De ce traquenard vilain, afin
Qu’ils se mettent en armes à temps. »

Brimeu, comte de Meghem, averti
Que des hérétiques mangeaient chez lui,
Jaloux comme un régiment d’époux,
S’encolère et les fait chercher partout.

En son foyer, la dame pleure et se pâme
Et la cuisinière jure également
Tellement que Messire croit sa femme
Et s’apaise soudainement.