La
Saint-Barthélémy
Chanson
française – La
Saint-Barthélémy
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 105
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, X)
Ulenspiegel le Gueux – 105
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, X)
Dialogue
Maïeutique
La
Saint-Barthélémy, dit Lucien l’âne, pour moi, c’est cet énorme
massacre qui eut lieu à Paris où les catholiques enragés firent un
bain de sang de leurs voisins protestants ; un carnage qui fut
étendu rapidement à d’autres villes de France et qui dura
plusieurs mois. On dénombra plusieurs dizaines de milliers
d’assassinés : hommes, femmes, enfants, vieux, jeunes, tous y
passèrent.
C’est
bien cette Saint-Barthélémy-là que raconte Till dans la chanson,
poursuit Marco Valdo M.I. et le Saint Barthélémy, dont selon la
tradition catholique, on célébrait ainsi la fête à Paris n’est
autre – quelle ironie – que le saint patron des bouchers, des
écorcheurs et des tanneurs. Autant dire, Barthélémy, le saint
patron des tueurs.
En
effet, ça ne manque pas de sel, dit Lucien l’âne.
Mais
au fait, que vient faire cette histoire de Saint-Barthélémy dans la
légende la Légende des Pays.
Curieusement,
Lucien l’âne mon ami, c’est un coup de bleu à l’âme de Lamme
qui en est la cause ou l’origine. Du fait d’un sevrage prolongé,
fait de petite bière et de hareng, le pauvre homme se met à
dépérir.
On
le comprend, s’écrie Lucien l’âne. Du hareng ; soit !,
de temps en temps ; mais du hareng, rien que du hareng, à
longueur de temps, arrosé de bière plate, il y a de quoi désespérer
du monde et de la vie.
C’est
précisément, dit Marco Valdo M.I., ce que fait Lamme. Il se
lamente, il se chagrine et pire encore, il maigrit.
C’est
terrible, dit Lucien l’âne en riant. Mais la Saint-Barthélémy,
que vient-elle faire dans tout ça ?
J’y
viens, dit Marco Valdo M.I., j’y arrive. La Saint-Barthélémy est
évoquée par Till pour ramener à sa juste dimension le malheur de
Lamme. C’est comme qui dirait s’il lui disait : « Rastrins
valet ! », « N’exagère pas ! ». Il
s’agit de faire voir à Lamme qu’il y un sort bien pire que le
sien, qu’il convient d’accepter le hareng saur ou sec et la bière
aqueuse tant que dure le combat pour la liberté et d’apprécier la
vie – tant qu’il y en a. Ainsi, Till conforte l’âme de Lamme
en lui prédisant le retour de sa femme. Pour le reste et les
détails, voir la chanson.
Écoutons
cette chanson de bien triste mémoire et puis, tissons le linceul de
ce vieux monde fade, pénible, lourd, triste, veule et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les
flibots au soleil se traînent,
Les
vigies dans les hunes sifflent
Et
depuis le matin, scrutent l’horizon en vain.
Trèslong
interroge, elles répondent : « Rien ! »
« D’où
vient, Lamme, ton air si dolent ? »
« Oui,
riez de moi, pauvre et souffrant,
Riez,
par abandon, le cœur me faut :
Pain,
fromage et boisson, il me faut.
Le
Prince défend de prendre pour notre bien
Vivres
des riches, ni rien des couvents.
Je
n’ai plus ni ma femme, ni bon vin.
Je
vis de petite bière et de hareng.
Où
est passée la joie, où est passée la vie ? »
Till
dit : « Je vais te le dire une bonne fois.
Oh
Lamme ! Laisse-là tes mélancolies,
Frappe
le soldat d’Albe où tu le trouveras.
Ils
ont tué dix mille cœurs libres à Paris
La
nuit de la Saint-Barthélémy.
Ils
ont jeté au fleuve de pleines charretailles
De
morts et de vivants et faisaient ripaille.
La
Seine était rouge de sang et neuf jours entiers,
Les
corbeaux s’abattant par nuées
Se
repurent de ce carnage de réformés
Et
d’autres villes sont encore endeuillées.
Les
dames de la cour en grandes prêtresses
De
leurs mains fines dépouillaient les corps
Pour
voir et mesurer la virilité des morts
Et
elles riaient ces paillardes, de cette étrange messe.
Si
l’arrière-goût du hareng te rend malade,
L’odeur
de cette vilenie est bien plus fade
Et
les assassins ont les mains sales et roides
D’avoir
tant tâté tant de viande froide.
Ces
tueurs offraient aux dévotes damoiselles
Des
oies grasses, le croupion ou les ailes.
Comme
les charognards, des cadavres nourris,
Ces
festins honteux fêtaient Saint Barthélémy. »
« Je
ne me plaindrai plus, dit Lamme,
Ni
du hareng, ni de la petite bière.
Tristesse
et mélancolie, c’était hier.
Mon
cœur est en joie, je reverrai ma femme. »