mercredi 13 mars 2019

MALHEUR !

MALHEUR !


Version française – MALHEUR !Marco Valdo M.I. – 2019
Après la version italienne de Riccardo Venturi, d’une
Chanson allemande – KlageErich Mühsam – 1916
Poème d’Erich Mühsam, in "Brennende Erde. Verse eines Kämpfers", publié à Munich en 1920
Musi
que de Christoph Holzhöfer





Dialogue Maïeutique

J’espère, je veux dire : je suis persuadé, Lucien l’âne mon ami, que tu te souviens de cette chanson que j’avais faite en 2011 ; ça fait déjà quelques années à propos d’Erich Mühsam.

Oui bien sûr, dit Lucien l’âne, elle s’intitulait : « Erich Mühsam, poète, anarchiste et assassiné ». Elle disait :

« D’accord, Mühsam était juif, poète et anarchiste
Rien que ç
a, pour nous, le condamnait par avance
D’accord, il était écrivain, artiste et journaliste
Entre nos mains, il n’avait aucune chance. »

C’est bien que tu t’en souviennes, dit Marco Valdo M.I., car ça nous évitera de raconter ici ce qui est dit là. Donc, Erich Mühsam, poète assassiné par des imbéciles barbares, avait eu le tort immense de plaider inlassablement pour que les humains s’attellent à mettre au monde un monde de liberté, de coopération et de paix ; un monde d’intelligence et de raison aussi. À propos de cet engagement total d’Erich Müsham, il me plaît de rappeler qu’il fut le fondateur, l’éditeur et probablement, le seul rédacteur d’une revue qu’il appela : « Kain – Zeitschrift für Menschlichkeit »« KainJournal pour l’humanité », et qu’il publia à Munich de 1911 à 1919 – c’est-à-dire tout au long de la guerre, qu’il n’applaudissait certainement pas des deux mains.

Ce sont là, dit Lucien l’âne, des manières fort imprudentes quand l’heure est aux gloires de la nation et des armes, quand les temps sanctifient l’exploitation et la richesse. Il est périlleux de vouloir remonter le courant dans la tempête.

Oh, dit Marco Valdo M.I., Mühsam savait tout cela ; ce qui ne l’empêcha pas de dire ce qu’il avait à dire, ni de penser ce qui lui arrivait de penser, ni de faire ce qu’il avait à faire. Notamment, de sonner l’alarme. Cependant, comme nous le savons, presque toujours, les mots des Cassandre ne sont entendus et compris qu’après la réalisation des horreurs qu’ils annoncent.

Certes, dit Lucien l’âne, je me demande à quoi tient un pareil aveuglement, une telle surdité. Je me demande si, par hasard, ce ne seraient pas des manquements volontaires.

Certainement, mais pas vraiment, pas complètement, pas entièrement, Lucien l’âne mon ami, pas tout à fait, mais quand même, partiellement. D’abord, il n’y avait pas de surdité, pas d’aveuglement, car comment auraient-ils pu savoir ce que disait, ce qu’écrivait Erich Mühsam et dès lors, pourquoi auraient-ils voulu le faire taire, pourquoi brûler ses écrits, pourquoi l’emprisonner, pourquoi l’assassiner ? Mais tu as raison, il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ; pas entendre, soit !, mais il faut formuler la chose différemment : il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas comprendre ou qui ne peut pas comprendre ou qui n’a pas intérêt à comprendre ou qui ayant quand même compris, ne veut pas changer le cours des choses ou entend à toute force le maintenir ou le renforcer. Cela dit, on pourrait épiloguer longuement, mais ce n’est pas ici le lieu ou le temps.

Oui, dit Lucien l’âne, il faut reprendre notre tâche, comme inlassablement le fit Erich Mühsam et tisser le linceul de ce vieux monde assassin, nationaliste, belliqueux, imbécile et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Nous avons cherché et voulu la paix.
Alors, dans le monde, la guerre a éclaté.
Le feu s’étendait et la mort fauchait,
Et le bon Dieu devint un fantôme rancunier.

Malheur !

Nous avons offert aux gens bonheur et raison.
Ils ont choisi la ladrerie.
Ils crurent aux écritures impures de l’envie.
L’avidité les arrosa de balles ; la cupidité les noya de poison.

Malheur !

Nous avons chanté un chant de liberté aux peuples.
Ils ont marché en rang pour leurs dirigeants.
Ils se battirent pour le pouvoir de leur maître
Et ils crurent ainsi protéger leurs enfants.

Malheur !

Nous avons prévenu et nous avons crié.
Cachée, lépouvante a vacillé.
Sur sa tête et son menton, son manteau elle a posé.
Les yeux et l’esprit des gens, elle a frappé.

Malheur !

Nous avons combattu l’horreur épouvantable.
Ils lui ont donné main, cœur ou épée.
L’horreur a dirigé la main de l’épée,
Des millions de corps frémissent dans le sable.

Malheur !

Nous crions malheur ! Par la tourmente et le combat,
La terre sera tombe et cendres.
Trois maîtresses tendent leurs bras :
La rapacité, l’esclavage et le meurtre. –

Malheur !