mardi 12 novembre 2019

DEUTSCHLAND 1945

DEUTSCHLAND 1945



Version française – DEUTSCHLAND 1945 – [11-11-2019] – Ucronia / Uchronie – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Deutschland 1945 – [11-11-2019] – Ucronia / Uchronie – Anonimo Toscano del XXI secolo – 2019







Dialogue Maïeutique

Regarde-moi ça une fois, Lucien l’âne mon ami, quelle magnifique satire, notre ami l’Anonyme du Siècle…

Mais, s’écrie Lucien l’âne, y en a-t-il eu d’autres à d’autres siècles ? Je ne le pense pas ; alors, il est inutile de préciser davantage. De toute façon, on le connaît cet anonyme, qui dit-on, réside présentement en Toscane.

En effet, Lucien l’âne mon ami, mais reprenons. Quelle magnifique satire, l’Anonyme du Siècle vient de nous présenter à propos de la division de la Germanie, qu’il trouve tout à fait nécessaire. Certes, son propos est ironique, mais il n’est pas sans fondement : selon lui, tout tient à la fin de la dernière grande guerre que le Pays des Deutschen unifié et expansionniste avait faite – avec ses alliés, dont l’Italie – aux gens des pays d’Europe et d’ailleurs ; et à la fin du Mur de Berlin qui avait réuni les morceaux de l’Allemagne disjoints suite à la guerre sus-dite.

Oh, dit Lucien l’âne, ce n’est ni à moi, ni plus encore à toi qu’il faut expliquer tout ça, puisqu’il t’a pris la fantaisie d’écrire des Histoires d’Allemagne qui racontent tout le siècle écoulé, vu en quelque sorte de l’intérieur, vu la plupart du temps par des yeux allemands. C’était un point de vue particulier et pour l’étranger, inattendu et souvent, rassurant. En gros : non, tous les Allemands n’étaient des fanatiques des Reichs successifs ; non, tous les Allemands ne rêvaient de massacrer tous les Juifs ; non, tous les Allemands ne croyaient pas à l’Empire millénaire ; non, tous les Allemands ne voulaient pas la guerre ; non, tous les Allemands n’étaient pas nazis. Je renverrai à deux de ces chansons qui parlent elles aussi de cette division : « D’Est et d’Ouest » et « Ni d’Est, ni d’Ouest, nazis ! ». La première disait notamment à propos de 1945 :
«D’Est et d’Ouest, l’ouragan est arrivé ;
Tout s’est écroulé, tout a flambé.
Lugubre année mil neuf cent quarante-cinq :
Dieu n’était plus avec nous, Dieu nous avait lâchés.
Remember, aucun n’a pu oublier
Mil neuf cent quarante-cinq. »

Tu fais bien, Lucien l’âne mon ami, de rappeler ces chansons-là qui rappelle précisément ça ; pour un peu, on l’oublierait. Cependant, revenons à cette longue diatribe de l’Anonyme et à l’idée éclatante qu’il y développe tel une Pénélope en attente du retour d’Ulysse, je veux dire ainsi, inlassablement.

Hoho, dit Lucien l’âne, et quelle peut bien être cette idée stupéfiante ?

Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., notre Anonyme suggère une retour à la Germanie, autrement dit l’idée d’une division de l’Allemagne en 87 micro-États, comme elle le fut aux temps où elle n’avait pas encore son masque d’ogre et ses bottes de sept lieues. Une Allemagne où les Allemands étaient tout aussi querelleurs et massacreurs, mais entre eux. C’était excellent pour sa réputation et surtout, pour tous ses voisins. D’un autre côté, ce serait une bonne idée d’étendre ce système de décomposition aristo-démocratique à l’ensemble des pays d’Europe. Ce serait la réalisation de ce fantôme qui hante nos contrées : l’Europe des régions. Au-delà de ça, il y a toujours intérêt à démanteler les Empires et à tout le moins, d’atténuer le poids, les effets et les interventions du pouvoir central sur les habitants. Il s’agit de réduire à des dimensions maîtrisables la taille des régions ; je veux dire aussi ramener les États nations à la dimension de ce qu’un habitant peut sentir à sa mesure d’homme ; où en quelque sorte, il peut se sentir vivre, où il peut se comprendre comme une unité signifiante.

Arrête-toi là, Marco Valdo M.I., sinon tu vas nous asséner une conférence et ce n’est pas le lieu. Cela dit, tissons le linceul de ce vieux monde belliqueux, envahisseur, centralisateur, titanesque costume mal coupé et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Paraleient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Bonjour. Je vous raconte
Le 25 septembre 1945,
Oui, de 1945 !
Quelle année incroyable !
Formidable !
Improcrastinable !


La guerre est finie
Sur Terre
Avec quelques bombes à fission
Sur les arrières
Du Japon,
Et de la Germanie.


La Germanie,
Quelle belle terre !,
Avec la Poméranie,
La Rhénanie,
La Campanie
(non, euh, la dernière n’a rien à y faire).


Ne vous avisez pas
De diviser en deux parties
La Germanie !
La Germanie
En fait, dès minuit, sera
Divisée en quatre-vingt-sept États
(Une sage et clairvoyante décision
Qui très strictement respectera
L’Histoire et la Tradition).


Des microétats :
Margraviats,
Principautés,
Grand-Duchés,
Comtés,
Marquisats.
(Je me demande quel sera
Le nom des micro-monarchies ?
Royalties ?)


Et heureusement
Tout a été remis droit
à Yalta !
Non, dis-je, jusqu’au dernier instant
Ils voulaient se la partager à quatre
Et en deux la diviser.
La logique aurait aimé
De la diviser aussi en quatre !
Non, en quatre,
C’est seulement pour Berlin.
Quel machin !


Mais en dernière minute un secret accord
A discrètement restauré encore
La vieille, chère, bien-aimée Germanie
En respectant son Histoire et sa Kultur,
En respectant son écriture en Fraktur,
Sa grande science, son audacieuse philosophie,
Sa somme linguistique, ses forts médiévaux,
Sa guerre de Trente Ans, et tous ses maux :
Ses révoltes paysannes et son grain de folie
Martin Luther et les autres piétés
Je veux dire, en résumé :


Des microétats :
Margraviats,
Principautés,
Grand-Duchés,
Comtés,
Marquisats.
(Pour tous les goûts évidemment
Et pour tous les Allemands).

Saxe-Gotha-Cobourg,
Anhalt-Beckenbauer-Mecklembourg,
Weltanschauung -Vorpommern,
Ostpommern-Hanswurst-Hohenzollern,
Vogelweide-Von Braun-Adenauer,
Sankt Pauli -Rummenigge-Honecker,
(Pour tous les goûts évidemment
Et pour tous les Allemands).
Un margraviat constitutionnel démocrate,
Un Grand-Duché communiste orthodoxe,
Un marquisat libéral socialiste,
Un comité insurrectionnel anarchiste,
Deux ou trois comtés verts écologistes,
Une principauté princière avant-gardiste
Où on chanterait la Wacht am Rhein
À l’intérieur du château de Neuschwanstein.
Et, dans des circonstances si historiques,
Aussi une Räterepublik
Avec Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg
Et pourquoi pas, pour toujours,
En Thuringe, un quatrième Reich de 22,6 kilomètres carrés
Tout aryen, tout blanc, où envoyer
Les excités au bras levé.


Équipes nationales de football : quatre-vingt-sept ;
Champions du monde quatre étoiles : quatre-vingt-sept ;
Goethe, poète national : quatre-vingt-sept ;
Chants des Nibelungen : quatre-vingt-sept ;
Paires de rouflaquettes de Bismarck : quatre-vingt-sept ;
Marks allemands : quatre-vingt-sept ;
Bundesligues : quatre-vingt-sept ;
Sage prévoyance des puissances qui ont gagné.
Je me dis et je me redis : comment a-t-on pu imaginer
En deux, la Germanie diviser
Et à quatre, Berlin se partager ?


À compter du 25 septembre 1945, sur l’heure,
Berlin sera divisée en secteurs
De sorte que si quelqu’un a à cœur
De dire "Ich bin ein Berliner", lui aussi,
Il finira divisé en quatre-vingt-sept Kennedy.
Ou si un autre, piqué par une autre mouche,
Veut embrasser Leonid Brežnev sur la bouche,
Il lui adviendra d’embrasser dès le matin
Les quatre-vingt-sept membres du Soviet suprême de Berlin
Avec la langue et sans les mains.


Pour les ducs de Baader-Meinhof, un duché
Pour les Comtes Wallenstein, un comté
Et, il y aura quatre-vingt-huit unités,
Si le Liechtenstein est également compté.


Qu’on ne parle plus de réunification, saperlipopette
Et surtout qu’on ne parle pas d’opérettes !
Il y a un problème avec les opérettes ?
Sauf si vous préférez le doktor Goebbels en jupette,
Ou Braccobaldur Von Schirach
Au lieu de Franz Lehár et d’Offenbach
(Et si d’aventure, c’était le cas, voyez-vous,
Il y a ce petit Quatrième Reich rien que pour vous,
Vingt-deux virgule six kilomètres carrés, en tout).


À nouveau pourra alors s’épanouir la Germanie,
Développer ses énormes potentialités,
Multipliées par quatre-vingt-sept dans la paix et la fraternité.
Elle aura quatre-vingt-sept sièges aux Nations-Unies ;
Quatre-vingt-sept joyeuses armées d’opérette ;
Si besoin, bien sûr, une guerre guillerette
Entre un margraviat et un duché,
Question d’un peu s’entraîner
Et de conclure des traités presque
Semblables aux usages
En usage en son grand âge
Chevaleresque.


En définitive, cette décision
prise ce 25 septembre 1945
Empêchera les peuples de langue allemande
(langue inexistante, car les Allemands
Parlent sept cent mille dialectes différents)
De trop croître et prospérer comme avant
De sorte que le reste du monde n’ait plus à faire
Quoi que ce soit avec des emmerdeurs réunifiés
Avec leurs banques centrales au cœur de fer
Et leurs économistes strictement bornés.


Les quatre-vingt-sept ou quatre-vingt-huit États germains
Vivront dans le calme et sereins.
(Soyez assuré, Heinrich, c’est certain !).
Et il n’y aura jamais besoin
De murs comme à Berlin !

Basta les murs !
Et combien voulez-vous en faire, putain, de ces murs ?
Quatre-vint-sept, quatre-vingt-huit, nonante ?
Ils créeraient une dette géante
Plus gigantesque que la dette hellène
Ou un ajustement de la dette italienne.