LES PETITS HÉROS FATIGUÉS
Version française – LES PETITS HÉROS FATIGUÉS – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – Piccoli eroi stanchi – PeggiorItalia – 2020
Dialogue maïeutique
Oh, dit Lucien l’âne, « les petits héros sont fatigués », ça me rappelle quelque chose, on dirait le titre d’un film.
En effet, Lucien l’âne mon ami, j’avais eu la même sensation quand j’ai vu le titre en italien « Piccoli eroi stanchi », mais ce peut être seulement une coïncidence ou alors, une réminiscence inconsciente. Le film « Les héros sont fatigués » est sorti depuis longtemps de l’affiche, car il date quand même de 1954. Cependant, on ne sait jamais. Cela dit, la chanson n’a rien à voir avec ce film où d’anciens aviateurs guerriers ennemis trafiquent ensemble du diamant et se racontent leurs souvenirs. Rien de rien qu’elle a à voir.
Je le pensais aussi, Marco Valdo M.I. mon ami, et je me demandais évidemment, du coup, de quoi ou de qui il est question dans cette chanson. Dis-le-moi, ça m’intéresse. Toutefois, avant que tu me répondes, je voudrais te remémorer tes chansons où il est question de héros, question de montrer que j’apprécie ce que tu fais. Il y a La Loi des Héros, Nicolas le civil et le Héros militaire et la Bravade héroïque.
Eh bien, voilà, dit Marco Valdo M.I., ces « petits héros fatigués », ce sont les enfants qui sont contraints de travailler pour assurer leur subsistance et souvent aussi, celle de la famille ; certes, certains d’entre eux sont moins écrasés, car ils ne travaillent pas ou qu’ils sont encore trop jeunes pour passer déjà sous le joug et que leur rendement s’en ressentirait. Par contre, ils s’en vont tous tout autant à la dérive. Ces enfants-là sont à de très rares exceptions près, condamnés à une vie peu enviable.
Je sais cela, dit Lucien l’âne, je l’ai même souvent rencontré. Et puis, il y a ceux qui sont encore moins bien lotis, ceux qui survivent en fouillant les poubelles ou qui vivent carrément sur les décharges d’immondices.
Tels sont les « héros » de cette chanson, reprend Marco Valdo M.I., tandis qu’à l’opposé, on y trouve des anti-héros, c’est l’avant-garde de l’humanité consommatrice, les « repus ». Loin de moi, l’idée qu’il faudrait aller à contre-courant, qu’il faudrait régresser ; je trouve satisfaisant le fait que chacun ait un logement, un coin où dormir, de quoi s’habiller, manger, apprendre, se laver, que sais-je, se distraire, mais tout est question de mesure et d’équité. À mon sens, c’est là que réside le nœud de la Guerre de Cent Mille Ans, cette guerre que les riches font aux pauvres pour accaparer les richesses, pour détenir le monde et les choses, pour se vanter de l’avoir, pour jouir en exclusivité, et ainsi de suite, on y mettrait une encyclopédie.
Oui, dit Lucien l’âne, trop, c’est trop ; l’ennui, la souffrance, l’épuisement, la maladie des uns sont les ingrédients nécessaires du confort de la frivolité des autres et à ce jeu de domination et de plastronnage, ces « petits héros fatigués » sont des victimes directes. On a supprimé l’esclavage chez les humains, dit-on, mais c’est faux. Ces petits héros fatigués ont tout de l’esclave, du serf ou de l’ilote ; on les traite comme des sous-hommes.
En effet, Lucien l’âne mon ami, pourtant, ils entrent en ligne de compte, ils sont inclus dans l’équation qui régit ce monde : « Combien faut-il de pauvres pour faire un riche ? ».
Oui, dit Lucien l’âne, l’affaire est claire : du point de vue du système, il faut maintenir une inégalité, car comment être riche, si tout le monde est riche. Les pauvres et toutes les misères sont indispensables au système, ils sont les sources et le réservoir de la richesse. Alors quand j’entends le mot richesse, j’entends une musique funèbre et détestable ; celle qui accompagne de son absence cette grande dépression humaine qu’est la vie superflue. Je songe alors que des hommes ont maltraité les ânes comme ils maltraitent ces « héros fatigués », petits et grands. Il faudrait quand même un jour arriver à faire appliquer La Déclaration universelle des Droits de l’Âne. Allons, en avant, y pas d’avance, il faut rire et vivre quand même et tisser le linceul de ce vieux monde riche, poussif, étouffé, repu et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ils vivent mal, pire que vous imaginez,
Une vie sans jeux, qui passe à travailler,
Sans avenir, désireux de partir,
La maladie est leur seul devenir.
Les petits héros fatigués,
On ne les voit pas, ils vont par milliers.
Les petits héros sont mis sur le côté,
Ils sont toujours humiliés.
Dans leur immeuble de banlieue, sans malice,
Ils ont appris à fuir la police,
Aux aléas d’internet, leurs parents les ont laissés
Entre violence et combats, mais on ne peut vivre ainsi.
À l’école, on leur colle une étiquette, on dit
Qu’ils portent malheur, qu’ils ne sont pas intégrés.
Inadaptés, survivants d’une nouvelle guerre,
Ils se relèvent, mais retombent à terre.
Les petits héros fatigués…
Vous préférez ne pas les voir ; il y en a tant,
Vous êtes pressé, vous n’avez pas le temps.
Ils sont nombreux, qu’est-ce que ça peut faire ?
Tant qu’ils ne se rebellent pas et savent se taire.
S’ils sont malades, personne ne le remarque,
La fumée toute la journée les suffoque,
À l’âge où les enfants pensent à jouer.
Elle me dégoûte de plus en plus, cette société.
Les petits héros fatigués…
Vous les exploitez, mais vous vous le cachez.
Quand un nouveau vêtement, vous achetez,
Quand de modèle de portable, vous changez,
D’enfants lointains, la souffrance vous ignorez.
Les petits héros fatigués…
Ils vivent dans la rue, des vies délabrées
Dans les banlieues dégradées et délaissées.
Condamnés sans avoir commis de délits,
Enfermés comme des bandits.
Certains rêvent toujours de liberté,
D’autres fuient ou se laissent aller
Et si le sourire devient difficultueux,
Certains rêvent toujours d’un avenir fabuleux.
Les petits héros fatigués…