mercredi 5 février 2014

LETTRE À MON ENFANT

LETTRE À MON ENFANT



Version française - LETTRE À MON ENFANT – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson tchèque de langue allemande - Brief an mein Kind – Ilse Weber – 1944.

Paroles d'Ilse Weber (1903 – 1944), écrivaine tchécoslovaque de religion juive
Musique de Dariusz Świnoga et de Bente Kahan, interprète norvégien de musique juive.
Dans le disque de Bente Kahan « Stemmer fra Theresienstadt » de 1995, sorti dans les années suivantes aussi en allemand et en anglais.

http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=it&id=46663










Ilse Herlinger Weber était une poétesse et écrivaine d'origine tchèque et de religion juive.
À Prague, où elle vivait, elle écrivit de nombreux récits pour l'enfance et réalisa de nombreux programmes radiophoniques pour les enfants. Après l'occupation nazie, en 1939, elle réussit à sauver son aîné Hanuš en l'envoyant en Suède par un « kindertransport » . Ensuite, elle, son mari et le plus jeune des enfants furent enfermés dans le ghetto de Prague et ensuite, internés au camp de Theresienstadt. Là, où furent déportés de très nombreux enfants, Ilse Weber fut infirmière dans le département enfants de l'infirmerie locale. Durant cette période, pour atténuer les peines des petits, elle composa de nombreuses poésies qu'elle improvisait en chansons en les accompagnant à la guitare. En octobre 1944, son mari Willi fut choisi pour le transfert à Auschwitz et Ilse demanda à le suivre. Elle et son fils Tommy furent tués dès leur arrivée. Willi survécut et put ensuite embrasser son fils Hanuš.

Cette lettre d'Ilse Weber à son fils Hanuš ne fut jamais expédiée, bloquée de la censure nazie. Elle fut délivrée après la guerre à une écrivaine suédoise, Amelie Posse, par une femme, Margarete Waern, survivante du camp de concentration de Ravensbrück. Amelie Posse traduisit la poésie en suédois et elle la fit publier dans un quotidien. Ce fut ainsi que le fils Hanuš put finalement lire la lettre que sa mère lui avait écrite six ans auparavant.




Mon cher garçon, il y a aujourd'hui trois ans
Tu es parti tout seul dans le monde.
Je te vois encore là à la gare de Prague,
Timide et contrit, du compartiment,
Penchant tes boucles châtain vers moi
Et implorant : garde-moi près de toi !
Que nous t'ayons fait partir, t'a semblé bien dur
Petit et tendre, tu avais huit ans à peine .
Et quand sans toi, nous sommes rentrés à la maison,
Là, j'ai cru que mon cœur allait se briser
Et malgré tout, je suis heureuse, tu n'es pas ici.
La femme étrangère, qui t'a protégé,
Ira au ciel sûrement .
Je la bénis à chaque instant
Et tu ne l'aimeras jamais assez.
C'est devenu si pénible autour de nous,
On nous a tout enlevé, il ne nous reste plus rien
Notre maison, notre pays, pas même un coin,
De ce que nous aimons, même pas un petit bout .
Jusqu'à ton petit train et son chemin de fer
Et le petit cheval à bascule de ton frère …
On ne nous a même pas laissé nos noms :
Comme le bétail marqué, par les ruelles nous allons
Des numéros autour du cou. Je n'aurais pas à m'en faire,
Si j'étais dans la même maison que ton père !
Le petit aussi ne peut pas rester avec sa mère…
Dans la vie, je n'ai jamais été si seule.
Tu es encore petit, et tu le comprends à peine…
On est tellement dans la même pièce.
Couchés corps contre corps, on ressent la douleur
Et la solitude aussi est pleine de douleur.
Mon garçon, comment tu vas, comment tu apprends ?
Personne ne chante plus pour t'endormir maintenant .
Parfois la nuit, il me semble que tu es là,
Je te sens à côté de moi.
Pense, si nous nous revoyons une fois
Alors, nous ne comprendrons pas mutuellement
En Suède, tu auras désappris depuis longtemps ton allemand
Et moi je ne peux même pas parler suédois.
Ce ne sera-t-il pas comique ? Ah, si cela était déjà,
Alors, j'aurais un grand fils tout d'une fois…
Joues-tu encore avec des soldats de plomb ?
Moi j'habite dans une vraie caserne,
Avec des chambres décrépites et des murs immondes
Le soleil, on le devine entre le feuillage et les arbres.
Ici, je suis infirmière chez les enfants
Et les aider et les rassurer, c'est réconfortant
La nuit, parfois près d'eux, je veille
La petite lampe n'éclaire quasiment pas.
Je suis assise et je veille leur sommeil,
Pour moi, chaque enfant est un morceau de « toi » .
Ma pensée s'envole alors jusqu'à toi
Je suis heureuse un instant, mais toi, tu n'es pas là.

Et je souffrirais volontiers mille tourments,
Pour payer ainsi un bonheur d'enfant…
Il est tard et moi je vais aller dormir .
Ah, te revoir seulement un instant !
Mais je ne peux qu'écrire
Pleine de nostalgie, des mots restants.