Version
française – 42 ÉCOLIERS – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
allemande – 42
Schulkinder – Erich
Fried – 1966
Erich
Fried, né le 6
mai 1921 à Vienne (Autriche) et
mort le 22 novembre 1988 à
Baden-Baden est un poète, traducteur,
essayiste juif autrichien, établi en Angleterre.
Avec
Hans Magnus Enzensberger
et Wolf Biermann, il
est considéré comme un
des représentants de la littérature engagée de langue allemande
d’après
la Seconde Guerre
Mondiale. Pour beaucoup,
il est aussi le meilleur traducteur de Shakespeare
en allemand.
Fils
unique d’une
famille juive viennoise, Erich Fried perd en mai 1938 son père,
victime d’un
interrogatoire de la Gestapo
peu après l’Anschluss :
« Lycéen
autrichien de dix-sept ans, je me transformai en juif persécuté »,
résumera-t-il plus tard. Il se réfugie alors en Angleterre en
passant par la Belgique, crée un groupe de « jeunesse
émigrée »
(Emigrantenjugend) qui a
réussi à
faire venir à Londres avant que la guerre n’éclate 70 personnes,
dont sa mère. Il survit
pendant la guerre grâce à divers emplois. Dès 1943, il quitte une
organisation de Jeunesses communistes dont il refuse le stalinisme
croissant. De 1952 à 1968,
il est commentateur politique au German
Service
de la BBC.
(pour
la suite voir Erich
Fried dans Wikipedia)
Ses
premières œuvres poétiques remontent aux dernières années de la
guerre et son premier roman – « Ein Soldat und ein Mädchen »
(« un soldat et une fille ») – date de 1948.
Nombreux sont ses ouvrages de poésies et de récits, mais il fut même librettiste d’opéra, dramaturge radiophonique et traducteur, surtout de T.S. Eliot, Dylan Thomas, Sylvia Plath et William Shakespeare.
Nombreux sont ses ouvrages de poésies et de récits, mais il fut même librettiste d’opéra, dramaturge radiophonique et traducteur, surtout de T.S. Eliot, Dylan Thomas, Sylvia Plath et William Shakespeare.
Dialogue
maïeutique
Je
n’ignore
évidemment pas,
Lucien l’âne mon ami, que tu as connu et sans doute, suivi comme
tout un chacun à l’époque, l’interminable « Guerre du
Vietnam ». Je dis interminable, car c’est ce qu’ont dû
penser les Vietnamiens eux-mêmes, surtout le petit peuple, celui qui
est toujours du côté oublié, celui qui en fait ne demande que de
vivre en paix.
Interminable,
qu’est-ce à dire ?, demande Lucien l’âne en inclinant le
front. Il faudrait m’expliquer, même
si je considère aussi – moi qui ai vu Troie et Mycènes,
Marathon, Alésia, Andernach, Tolède,
Jérusalem, Constantinople, Poitiers,
Pavie, Iéna, Verdun, l’Ardenne
et j’en passe – je considère donc
aussi, spécialement quand il s’agit d’une guerre armée, qu’une
guerre est toujours trop longue. J’imagine qu’on pourrait
m’objecter que c’est là un point de vue civil, peu expert en la
matière et même, si c’était quelqu’un d’ici, il n’hésiterait
pas à me jeter
au visage : « Les rwétans n’ont rin n’à dire ».
En
fait, Lucien l’âne mon ami, il y a eu deux guerres qui
s’enchaînèrent et qui mirent le Vietnam littéralement à feu et
à sang et si elles le laissèrent finalement réuni et débarrassé
des occupations étrangères, elles le laissèrent aussi exsangue et
en ruines, une ruine qui frappa autant les villes surpeuplées que
les campagnes les moins habitées. C’était
le résultat de bombardements intenses, les plus intenses que le
monde ait jamais connus. Il s’agissait en bombardant de nettoyer le
pays de la guérilla vietcong. L’autre bord, question massacres et
assassinats ne fut pas en reste ; c’était juste plus
artisanal.
Quant
à la longueur de la durée de cette guerre, il faut considérer
qu’elle avait commencé dès le jour de la première colonisation
française. Elle aura donc duré à peu de chose près un siècle et
demi – de 1858 à 1975.
Dans sa phase finale, on la connut sous deux noms : la Guerre
d’Indochine –
c’était la version française, qui se clôt en 1954 ; et la
Guerre du Vietnam, qui s’achève en 1975 – c’était la version
vietnamienne-étazunienne – les Zétazunis s’engageant de plus en
plus dans l’affaire ; elle dura vingt ans. Elle fit côté
vietnamien environ 3 000 000 de morts et environ 150 000
soldats étazuniens. On dit que les Zétazunis avaient gagné sur le
sol vietnamien et perdu chez eux.
Arrête,
Marco Valdo M.I. mon ami, c’est suffisant. Si tu continues à
parler de cette guerre, on n’en sortira plus. Parle-moi de la
canzone.
Si
je t’ai tant parlé de l’Indochine et du Vietnam, Lucien l’âne
mon ami, c’est que, vois-tu, si la chanson s’intitule 42
écoliers, il s’agit de 42 écoliers du village vietnamien de Mang
Quang, victimes d’un bombardement étazunien lors de cette fameuse
guerre. Ce sont des écoliers, en quelque sorte, emblématiques de
l’ensemble des Vietnamiens victimes de cette effroyable
confrontation, des 3 000 000 de morts, sans compter les
blessés, les veufs, les veuves, les orphelins, les villes, les
villages, les forêts, les fleuves et bien évidemment, les animaux.
L’essentiel de ces destructions a été le fait des bombardements
aériens entre 1965 et 1972, on a relevé 3 400 000 sorties
aériennes, rien que du côté des Zétazunis et de leurs alliés.
Dans une région, Quang Tri, on a calculé qu’il était tombé 3000
bombes au km².
Un
observateur étazunien, travaillant pour le US Forest Service, Arthur
Westling notait en 1973 à propos du paysage de Quang Tri :
« Malgré
un an de combat sur le front de Corée et malgré trois voyages
précédents en Indochine pour étudier les zones de guerre au
Cambodge et au Sud-Vietnam, je n’étais pas préparé (à voir)
l’horrible dévastation que j’ai rencontrée partout où je suis
passé…
Jamais
nulle part ailleurs, nous n’avions rencontré un panorama infini de
cratères. Aussi loin que nous pouvions voir pas un seul bâtiment,
urbain ou rural, n’était intact : plus d’habitations, plus
d’écoles, plus de bibliothèques, plus d’églises ou de pagodes
et plus d’hôpitaux… la seule voie de chemin de fer à travers
cette province avait aussi été effacée. »
Ces
42 écoliers emblématiques de ce village rasé à l’heure de
classe étaient ceux-là qui étaient censés se poser la question de
la distance entre Mang Quang et toutes sortes de villes ou entre ces
villes elles-mêmes ; toutes ces villes – on trouve aussi le
nom d’une personne : Adolf H., comme ce village, comme
aujourd’hui Alep en Syrie et demain d’autres encore évoquent des
bombardements et des massacres de civils. Il faut dire que depuis
Mang Quang, on ne compte plus les écoliers écrasés sus les bombes,
depuis cette lointaine guerre du Vietnam (depuis il y a eu
l’Afghanistan, le Biafra, l’Irak, le Liban, la Libye, l’Iran,
l’ex-Yougoslavie et que sais-je encore la Grenade, on a eu le temps
d’en fabriquer – et d’en vendre – des avions, des bombes et
toutes ces sortes de choses écrasantes. Au fait, les B 52 qui
ravagèrent le Vietnam sont toujours en service.
J’imagine,
dit Lucien l’âne, que depuis la fin de cette guerre militaire, le
Vietnam a pu reprendre une vie plus tranquille. Quant à nous,
reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde où
fleurissent les canons et les guerres, ce vieux monde meurtrier,
avide et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
De Guernica à Mang Quang, quelle distance ?
De Washington à Berchtesgaden, quelle distance ?
De Munich à Prague, quelle distance ?
De Berlin et de Moscou à Varsovie, quelle distance ?
De Guernica à Munich, quelle distance ?
Une année et cinq mois, au fond,
Ce n’est pas très long.
Quelle distance y avait-il de Guernica à Varsovie,
D’Hitler à n’importe qui et à n’importe quel pays ?
De Saigon à Hanoi, de Berlin à Kiev, quelle distance ?
Ou de Münster à Guernica, quelle distance ?
J’ai cherché Guernica sur la carte soigneusement,
Car je ne peux pas me représenter Mang Quang autrement.
Qu’ont appris des bombes les écoliers de Mang Quang ?
Qu’avons-nous appris des écoliers Mang Quang ?
De Guernica et de la Pologne, qu’avons-nous appris ?
De Coventry, Stalingrad, Dresde, Nagasaki, Suez et Sakiet, qu’avons-nous appris ?
Que ce n’est vraiment pas si loin,
Ou qu’il n’est pas encore assez loin,
Ou que ça ne peut pas venir de si loin ?