mercredi 9 novembre 2022

Bruit de Fond

 

Bruit de Fond


Chanson française - Bruit de Fond - Marco Valdo M.I. - 2022

LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.




LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 6: Que faire ? ; Épisode 65 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 66 : Le Congé éternel ; Épisode 67 : À perdre la Raison ; Épisode 68 : Les Sauveurs de l’Humanité ; Épisode 69 : L’Eau qui dort ; Épisode 70 : Le Régime en Place ; 071. Épisode : Un Conflit avec l’Étranger ; 072 : Petit Manuel de Survie ; 073. La Banalité ; 074. La Ligne de Conduite ; 075 : Les Femmes de Zinovie ; 076. La Légende ; 077 : Le Devoir sacré ; 078 : Les nouveaux Soldats ;



Épisode 79




LE VIEUX

Anonyme - s.d.





Dialogue Maïeutique



Dans ce voyage en Zinovie, Lucien l’âne mon ami, ce qu’on entend la plupart du temps forme une sorte de brouillard sonore, ce sont ces voix qu’on entend et qui émergent de ce brouhaha de gens qui parlent, qui parlent ; c’est la vie de Zinovie qui se fait vague sonore. C’est l ‘écume de leurs parlotes, de leurs sempiternelles discussions qui vont et viennent dans tous les sens. En quelque sorte, on pourrait imaginer que tous ces gens parlent pour parler comme s’ils parlaient pour faire du vent, pour souffler du souffle et d’autre part, on dirait que de cette façon, ils affirment leur existence.


Oh, dit Lucien l’âne, les oiseaux font la même choses et si les hommes braillent, les ânes braient ; quant aux limaçons, je ne les ai jamais entendu.


Passons, dit Marco Valdo M.I., passons et venons-en à la chanson qui est quand même plus fournie que ça. En fait, c’est un monologue, le monologue d’un vieux, du vieux. C’est lui qui parle du bruit de fond et puis de lui-même, de sa vie détruite par son internement en camp, dont il ne connaît même pas la raison. Il pérore, mais dit cependant des choses fort dures sur la Zinovie telle qu’elle fut et telle qu’elle est, sur le poids inique du collectif qui écrase l’individu, sur la puissance du Guide ; en vérité, des Guides successifs. Il évoque, avec une sacrée dose d’incroyance et d’ironie, l’homme nouveau :


« Il faut des caractères d’acier trempé,

Des cœurs blindés face aux sentiments.

L’homme nouveau vivra mieux,

Il marchera d’un pas content

Sur la route de l’avenir radieux. »


Oh, dit Lucien l’âne, les bâtisseurs d’empire veulent toujours créer un homme nouveau, empreint de pureté et de force, allant d’un pas décidé vers un avenir lumineux. Le bonheur est toujours pour demain. Je connais ça, j’en ai rencontré beaucoup dans mon périple. Cela dit, il m’a l’air plutôt sympathique ce vieux.


Je pense aussi qu’il l’est, répond Marco Valdo M.I. et sans trop en avoir l’air, il dit aussi des choses terribles et il fait entrevoir l’univers destructeur qu’est, en réalité, la Zinovie du Guide. Il fait aussi surgir cette rébellion qui couve comme la lave du volcan dans le cœur des gens :


« Au bout du compte, au bout de tout ce temps,

En secret, on s’y fabrique très patiemment

Une terrible cassure de la conscience

Et l’envie de bousiller toutes les instances. »


En même temps, dit Lucien l’âne, je trouve aussi très drôle ce monument en forme d’œuf pour glorifier le Guide. Enfin, laissons courir la chanson.


Oui, Lucien l’âne mon ami, laissons courir, dire, parler la chanson ; elle dit tout et tant et tant de choses qu’on ne les découvre qu’en la laissant conter.


C’est ça, dit Lucien l’âne, laissons la chanson conter et tissons le linceul de ce vieux monde terne, morne, oppressif, oppressant, oppresseur et cacochyme



Heureusement !




Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Allonger la vie, tous pluricentenaires ?

En Zinovie, dit le vieux, ce serait l’enfer.

Ici, il y a toujours ce bruit de fond

Ce ne sont que discussions et rediscussions ;

De ci, delà, on parle, on cause de tout, de rien,

N’importe où, n’importe quand, de n’importe quoi.

On dit, on redit, on re-redit, on rabâche tant de fois ;

À la fin, on ne comprend plus, on ne sait plus bien,

On parle pour parler, on parle pour exister.

On entend un brouhaha sans système, sans logique.

Pour le reste, les gens vivent retirés

Ils font leurs petites affaires, c’est psychologique.


Moi, dit le vieux, j’ai une chienne de vie ;

C’est comme ça pour beaucoup en Zinovie.

Quand les dirigeants priment,

Les peuples dépriment,

Disait la grand-mère et bien entendu,

Toujours, le collectif écrase l’individu ;

Toujours, le collectif mate les réticents.

Ainsi, le Guide est très puissant.

On annonce un objectif limpide :

On va construire, en forme d’œuf,

Un monument à la gloire du Guide,

Qui refait le monde à neuf.


Avec les opinions, les émotions,

Dit le Guide, on ne fait pas de caleçon.

En Zinovie, tout ça ne compte pas,

Que faire du sens moral, de la dignité ?

Que faire de la conscience, de la bonté ?

Chez nous, c’est encombrant, ça ne sert pas.

Résidus surannés, restes du passé.

Il faut des caractères d’acier trempé,

Des cœurs blindés face aux sentiments.

L’homme nouveau vivra mieux,

Il marchera d’un pas content

Sur la route de l’avenir radieux.


Moi, dit le vieux, j’étais pilote-officier,

J’aimais voler, j’aimais mon métier.

Ils m’ont arrêté, ils m’ont séparé de ma famille,

Ils ont brisé ma carrière et gommé ma vie.

Ensuite, ils m’ont expédié au camp,

Dans ce bout du monde, j’y suis resté dix ans.

Le camp, dit le vieux, c’est l’école du désarroi ;

Le camp, dit le vieux, c’est une amputation de soi.

Au bout du compte, au bout de tout ce temps,

En secret, on s’y fabrique très patiemment

Une terrible cassure de la conscience

Et l’envie de bousiller toutes les instances.