dimanche 1 novembre 2015

La Marseillaise

La Marseillaise

Chanson française – Claude Joseph Rouget de Lisle – 1792

 « noï non siamo cristiani, siamo somari », il n'y a pas l'ombre d'une hésitation : Primum vivere.


Version Marthe Chenal 1915 : https://www.youtube.com/watch?v=pks2kV6EjG0
Version « La vie en rose » : http://www.youtube.com/watch?v=EIzzugI7Tdo
Version officielle – par une chorale militaire : https://www.youtube.com/watch?v=QY8tdnqdPwI
Version chantée par Mireille Mathieu : https://www.youtube.com/watch?v=SIxOl1EraXA
Histoire de la Marseillaise : http://www.youtube.com/watch?v=H9UIIlutkxg

Version Django Reinhardt : http://www.youtube.com/watch?v=QyjJ3ThpRkA

Version Groupe Oberkampf : 1984 : http://www.youtube.com/watch?v=i1ORXrQ6r9k
Version Marseillaise Greame Allwright : http://www.youtube.com/watch?v=OPMWD29OyVg
Version Catherine Ribeiro : http://www.youtube.com/watch?v=sb98k32vlzo



S'il y a bien une chanson contre la guerre, Lucien l'âne mon ami, c'est la Marseillaise et je suis fort étonné de ne pas la trouver ici dans la page d'accueil, juste à côté de L'Internationale. Avec toutes ses traductions. Non seulement, c'est une chanson contre la guerre et les envahisseurs, mais c'est aussi, un chant revendiqué par les révolutionnaires de tous pays. Wiki remarque d'ailleurs ceci : « La Marseillaise a été traduite dans pratiquement toutes les langues du monde, comme chant révolutionnaire et de résistance, notamment dans les camps de concentration nazis. » Elle joue d'ailleurs encore aujourd'hui un rôle très important dans la mémoire de la Révolution française et dans celle des droits de l'homme qui y furent conquis et instaurés. Il suffit d'écouter une fois cette Marseillaise pour comprendre qu'elle prend aux tripes populaires et qu'elle exalte en réalité – dans son langage de 1792 – le triptyque essentiel : Liberté-Égalité-Fraternité, que les paysans et les ouvriers de la France d'alors ont imposé au fronton de tous les bâtiments publics de France et comme devise de la République, même si cela ne plaît pas aux riches et aux puissants.


Et s'il n’en restait que cela : la Marseillaise et ces principes, ce serait encore grandiose, dit Lucien l'âne en relevant le front.


Je rappelle – à toutes fins utiles – que je ne suis pas Français, dit Marco Valdo M.I. ; ça a une certaine importance, comme tu vas le voir. Cependant, le français est ma langue, c'est dans cette langue que vit ma culture et donc cette Marseillaise n'est pas pour moi un hymne officiel d'une République à présent abâtardie. Pour moi, la Marseillaise est cette chanson qui a bouleversé bien des peuples, qui a nourri l'imaginaire de bien des révoltés… et qui le fera encore.


Je pense que tu as raison et l'Internationale a connu le même destin ; elle fut ramenée de chant révolutionnaire français à hymne national soviétique. Et révolution pour révolution : un destin aussi trahi est advenu à la Révolution russe qui fut capturée, violée, bafouée, maquillée, phagocytée vampirisée, et in fine, revendue à perte par les tsars particratiques qui se sont succédés jusqu'aujourd'hui. Tout ça n'empêche pas  l’Internationale d'être encore aujourd'hui un chant qui a sa place dans la Guerre de Cent Mille Ans et d'être revendiquée comme tel par les révoltés … Un destin similaire a touché la révolution mexicaine, les chemises rouges de Garibaldi…


En effet, Lucien l'âne mon ami, et il en va de même de la Marseillaise. On a beau vouloir en faire un hymne officiel pour l'anesthésier, elle reste ce qu'elle est : un magnifique appel à l'autodéfense populaire. Et puis, un peu de réflexion amène à voir que la Marseillaise – d'abord Chant des volontaires de l'Armée du Rhin – n'est pas un chant de militaires, elle n'a rien de pompeux ou de guindé ; et certainement, rien de soumis à une autorité. C'est un chant de gens du peuple, de paysans, d'artisans, d'ouvriers partis volontairement à la guerre pour défendre leur république, pour défendre le peu de dignité et de liberté qu'ils venaient de conquérir, choses que les puissants et les riches détestaient au plus haut point. Il s'agissait tout simplement de résister à un étranglement, à une lapidation, à une croisade. Qu'ils se soient ensuite fait avoir, qu'ils aient été roulés dans la farine, qu'ils aient été trahis, qu'ils se soient fait enfermer à nouveau dans les lois des puissants, tout cela ne remet pas en cause le caractère libératoire de leur combat et de leur chant.


Si je t'ai bien compris, reprend Lucien l'âne, dans cette Marseillaise, il s'agit d'autodéfense et de résistance – Ora e sempre, Resistenza ! 


Exactement et ce n'est donc pas parce que les riches et les nantis l'ont mise dans une cage dorée d'hymne national que la Marseillaise devrait leur être abandonnée. Il nous revient à notre tour de prendre sa défense et de lui rendre sa place parmi les chansons de résistance et de révolte. C'est d'ailleurs un hymne national assez étrange, si on le compare à ceux de ses principaux voisins, cette Marseillaise fait décidément mauvais genre, elle vous a un parfum révolutionnaire, elle sent la canaille.


C'est vrai, dit Lucien l'âne, elle au moins, elle ne fait pas l'apologie des rois et des puissants, elle ne veut pas avec l'aide de Dieu sauver le roi ou la reine (God save the King, the Queen...), elle ne prétend pas dominer le monde ou l'océan (Rule, Britannia!), elle n'entend pas être « au-dessus de tout et de tous dans le monde » (Deutschland über alles in der Welt), c'était le rêve d'Otto ; en fait, il s'agit d'une partie de l'hymne allemand qui heureusement n'est plus officiellement d'actualité ; mais qui le fut très longtemps et à présent encore, il y a des nostalgiques. Il y a donc une aberration dans les Chansons contre la Guerre à ne pas donner sa place à la Marseillaise… À l'égal de l'Internationale, dont elle est d'ailleurs la source d'inspiration.


Parfois, dit Marco Valdo M.I., certains hypocrites s'insurgent contre son caractère sanguinaire et ce « sang impur abreuve nos sillons » les chatouille… Mais ce « sang impur » n'abreuverait jamais les sillons, s'il n'était venu jusque là avec des intentions criminelles. ce sang impur, impur car criminel, n'est rien d'autre que celui des envahisseurs et des armées des monarques de toute l'Europe, venus châtiés ces insolents gens du peuple. Si on veut transposer l'expression en d'autres lieux et d'autres temps, par exemple, ce sang impur rien d'autre et pour des raisons criminelles analogues que celui des troupes félonnes de Franco en Espagne, des SS de Kesselring en Italie, des miliciens de la République de Salò, des troupes des colonisateurs en tous genres et de tous temps. Il faut savoir parfois de quel côté on se place … Soit du côté des tueurs, soit du côté des gens qui se défendent contre ces bandes sanguinaires. Comme tu le vois, la Marseillaise, c'est le chant des partisans, le chant des gens du peuple, des paysans contre les armées professionnelles, contre les troupes mercenaires ou contre les croisades… Toute l'Amérique latine voit, depuis longtemps, cet affrontement entre les populations (généralement paysannes ; ouvrières où il y a des ouvriers) et les armées « nationales » au service de l'étranger. Pour parler comme Ulenspiegel, la Marseillaise, c'est un chant des Gueux.


Il me vient à l'idée, Marco Valdo M.I., que pour comprendre cela, il suffit que l'on songe un instant à l'Asie et au Moyen-Orient… Imagine que certains se mettent à chanter la Marseillaise en Arabie Saoudite ou en Syrie, ou… les Kurdes, par exemple.


La Marseillaise, c'est le chant de la Révolution française à ses débuts. C'est la réponse des paysans et des ouvriers à l'agression préparée, planifiée, organisée et déclenchée par les puissants et les riches dans le but d'éradiquer ce mauvais exemple de libération populaire. Il leur faut écraser cette hérésie républicaine et sociale afin d'empêcher toute contagion. Car, vois-tu Lucien l'âne mon ami, il faut replacer la Marseillaise dans son cadre réel, c'est-à-dire la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres afin de conserver leur domination, de poursuivre l'exploitation, de faire croître leurs richesses et de pérenniser leurs privilèges, de restaurer et de maintenir l'ordre établi.


On ne saurait mieux la décrire. Ainsi, la Marseillaise est un chant pacifique. En fait, ce que les petites gens, la valetaille comme ils disaient dans les cours, voulaient, c'est de pouvoir tout tranquillement vivre leur vie. La question est centrale pour les Chansons contre la Guerre : fallait-il vraiment que ces gens qui avaient mis fin au servage, conquis leur dignité humaine – eux qu'on considérait du haut comme des bêtes et souvent moins encore, et qui souhaitaient simplement une société libre, égalitaire et fraternelle, fallait-il qu'ils se laissent à nouveau « domestiquer » ? Et ma réponse d'âne est tout carrément : Non !

Évidemment, quelle autre réponse peut-on honnêtement envisager ? La Marseillaise, il faut voir ce qu'elle dit et surtout, à qui elle dit. On ne saurait incriminer l'agressé – ici, les petites gens de France afin de gommer la responsabilité de l'agresseur. Et l'agresseur, le tueur, le massacreur, la bande d'assassins et de prédateurs n'est pas celui chante la Marseillaise, ce sont ceux à qui elle s'adresse. Il ne faut pas confondre les époques : au moment où se conçoit la Marseillaise, la Révolution française n'est pas encore infectée d'ambitions impériales. Cela ne viendra que par la suite. Et pour comprendre la suite, Lucien l'âne mon ami, il me semble qu'il convient de lire La Ferme des Animaux de George Orwell. Il va se produire, ce qui s'est produit dans toutes les révolutions jusqu'à aujourd'hui : les plus avides prendront le pouvoir. Ceci jette un autre regard sur la révolution française et la Marseillaise : la libération populaire va être congelée, avalée, domestiquée, exploitée par la réaction des riches, anciens et nouveaux, revenus ou parvenus. Après la grande marée, il y eut le ressac terrible et trompeur. Oh, ce n'est pas la paix qu'il amène, ce retour au calme. Bien au contraire, il impose l'écrasement de tous les espoirs.

Et le résultat pour les petites gens, comme dit Boris Vian, on vit comme ça jusqu'à la prochaine fois. Tout à l’heure, on évoquait ici les Kurdes. Appliquons un instant à ce cas contemporain et singulièrement, par exemple, aux femmes de Kobané. Doivent-elles, elles qui vivaient pacifiquement et qui ne souhaitaient que vivre tranquillement leur vie quotidienne, doivent-elles au nom du pacifisme se laisser violer, assassiner, esclavager par l'envahisseur ? Autrement dit : oui ou non, ont-elles le droit à l'autodéfense, c'est-à-dire à faire ce que précisément propose la Marseillaise ? À mes yeux d'âne, ma « noï non siamo cristiani, siamo somari », il n'y a pas l'ombre d'une hésitation : Primum vivere.
Certains, me dira-t-on, fuient et bien évidemment, c'est une excellente solution quand on peut l'appliquer. Fuir, là-bas fuir  à condition qu'il y ait un refuge accessible quelque part et qu'on en ait le temps et les moyens. On le voit bien avec les émigrants actuels sur les routes de Turquie et d'Europe. Les paysans pauvres n'ont pas pu fuir… Et puis, où donc auraient-ils pu fuir ces paysans de France ? Chez leurs agresseurs ? Dans les bras de l'envahisseur ? Là-bas où les riches et les nobles avaient trouvé refuge et avaient constitué les armées qui venaient les massacrer ? Il suffit de se mettre un instant dans pareille situation pour crier aussi : « Aux armes, citoyens ! »

Je le pense aussi, Lucien l'âne mon ami, il n'y a pas d'autre solution. Cela dit, poursuivons. Comme tu le sais, on a rajouté deux couplets aux 6 couples originels. Et pour percevoir le caractère particulier de chant populaire de la Marseillaise, il suffit de voir combien ces couplets rajoutés (les deux derniers et surtout le dernier, dit le chant pour les enfants) sont faibles, d'un autre ton, patriotards et hautement stupides. Eux ont une allure officielle et tentent de dévier le sens vers ce pâté d'alouettes qu'est l'union nationale autour des concepts d'Honneur, de Patrie et d'une France momifiée et repliée sur elle-même et ses institutions. Regarde bien, Lucien l'âne mon ami, ce glissement de sens et remarque que ce sont les seuls couplets qui font appel à ces hochets… Il est d'ailleurs question en hauts lieux de faire une Marseillaise émasculée, châtrée, affadie ; neutre, en quelque sorte, plus présentable, plus politiquement correcte, plus « soft », plus BCBG. En fait, et c'est bien la preuve de son caractère populaire, ils ne l'ont toujours pas digérée, cette chanson et sa révolution. Pour le reste, les autres couplets, ils valent pour n'importe quel homme dans le monde qui lutte pour sa libre dignité… d'où qu'il soit et contre qui il lutte. En ce sens, elle est proche de l'Internationale, car pour la Marseillaise aussi, il n'y a qu'une seule nation, une seule Patrie (au sens premier, de lieu paternel) : la Terre sans frontières.


Et puis, je m'étonne d'ailleurs que tu n'aies pas présenté cet argument, il y a déjà plein de Marseillaises dans les CCG… plein d'autres, mais pas l'originale, celle qui leur a donnée vie à toutes… Et comment savoir en quoi, pourquoi et comment ? Et comment comprendre que des auteurs, des révoltés s'en inspirent, si l'on ne connaît pas la Marseillaise d'origine, celle de Rouget de Lisle ? Enfin, l'omission est réparée et nous pouvons reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde plein de frontières, d'envahisseurs, de paysans en révolte et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie
L'étendard sanglant est levé,
L'étendard sanglant est levé.
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils, vos compagnes !

Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Que veut cette horde d'esclaves,
De traîtres, de rois conjurés ?
Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés ?
Ces fers dès longtemps préparés ?
Français, pour nous, ah ! quel outrage !
Quels transports, il doit exciter !
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage !

Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Quoi ! des cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers !
Quoi ! ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fiers guerriers !
Terrasseraient nos fiers guerriers !
Grand Dieu ! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient
De vils despotes deviendraient
Les maîtres de nos destinées !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Tremblez, tyrans et vous perfides
L'opprobre de tous les partis,
Tremblez ! vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix !
Vont enfin recevoir leurs prix !
Tout est soldat pour vous combattre,
S'ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à se battre !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Français, en guerriers magnanimes,
Portez ou retenez vos coups !
Épargnez ces tristes victimes,
À regret s'armant contre nous.
À regret s'armant contre nous.
Mais ces despotes sanguinaires,
Mais ces complices de Bouillé,
Tous ces tigres qui, sans pitié,
Déchirent le sein de leur mère !

Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs !
Combats avec tes défenseurs !
Sous nos drapeaux que la victoire
Accoure à tes mâles accents,
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !

Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

« Couplets des enfants »

Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront plus,
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus
Et la trace de leurs vertus
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil,
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre

Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !

Enfants, que l'Honneur, la Patrie
Fassent l'objet de tous nos vœux !
Ayons toujours l'âme nourrie
Des feux qu'ils inspirent tous deux.
Des feux qu'ils inspirent tous deux.
Soyons unis ! Tout est possible ;
Nos vils ennemis tomberont,
Alors les Français cesseront
De chanter ce refrain terrible :

Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons !