mardi 22 décembre 2015

PAUVRE DE MOI

PAUVRE DE MOI


Version française – PAUVRE DE MOI – Marco Valdo M.I. – 2015
à partir de la version italienne d’une chanson abruzzese – Scuramaja – Anonyme du Dix-Huitième siècle (Traduzione italiana sempre dal sito Alto Sannio, a cura di Enzo. C. Delli Quadri.)
et
une seconde version française
à partir de la traduction italienne de la version de Nino Rota interprétée par Anna Melato.




Pauvre de moi, pauvre de moi !
Tu es mort et moi je fais quoi ?






Selon it.wikipedia, Scura maje (connu même comme Mara maje) est un chant populaire d’auteur inconnu provenant des Abruzzes. Quelques sources le donnent comme d’origine balkanique et remontant au XVme, à l’époque des migrations dues à l’invasion ottomane. Selon d’autres, l’origine pourrait être même médiévale ; mais de toute façon, c’est au XVIIIème que remonte le premier témoignage écrit de ce chant, publié sous le titre Scura mai dans un livre de poèmes dialectaux de Romualdo Parente, poète de Scanno, province de l’Aquila.

Selon Antonio De Nino (1833-1907),
chercheur des Abruzzes, la lamentation se composait originairement de 17 strophes écrites autour de 1830 par Sebastiano Mascetta de Colledimacine, dans la province de Chieti.
Je reprends le texte – en 9 strophes, par Enzo. C. Delli Quadri – du site Alto Sannio.
Je
signale que le texte sur le Réseau est par contre celui réduit dans l’arrangement de Nino Rota pour le « Film d’amour et d’anarchie », dirigé en 1973 par Lina Wertmüller, dans lequel la chanson est interprétée par Anna Melato (comme même Antonio Soffiantini, detto Tunin‎ e Canzone arrabbiata, déjà présentes dans les CCG).J’ajoute enfin que « Mare maje » pourrait avoir inspiré Mario Panzeri pour sa Maramao perché sei morto?, immortalisée par le Trio Lescano en 1939.

La chanson décrit le sentiment d’abandon et de douleur d’une femme contrainte à élever toute seule ses enfants, car elle a perdu subitement son mari. De la cause de la mort de celui-ci, il n’y a pas trace dans le texte, mais dans le temps, il était très fréquent que dans les classes subalternes, on mourut à la guerre, ou massacrés par la soldatesque de passage, ou de fatigue dans les champs ou de maladies dues aux conditions de vie… Je crois que pour cela-même la chanson mérite sa place dans les CCG, dans ce super-parcours qui idéalement, unit tous les parcours existants, celui de la « Guerre de 100.000 ans que les riches font aux pauvres »… Je crois aussi qu’elle peut figurer dans le parcours de la « Violence contre les femmes », vu que l’organisation sociale de ce temps – pas entièrement passée encore aujourd’hui sur de vastes portions de la Terre – n'imaginait même pas qu’une femme puisse survivre une fois abandonnée par son mari, à moins que quelque autre mâle l’accepte comme esclave en l’incorporant à son éventuelle famille précédente. Et en effet dans la dernière strophe, la protagoniste désespérée arrive à souhaiter de trouver même seulement un « sterpone » (rustre, ignorant, mauvais, laid,…) qui la prenne avec lui, elle et son enfant…


Pauvre de moi, pauvre de moi !
Tu es mort et moi je fais quoi ?
Je déchire mes nattes et mon visage,
Je me jette sur ton corps sage :
Pauvre de moi, pauvre de moi !

J’avais une maisonnette, avant ;
Je n’ai plus de lieu, maintenant,
Sans lit et sans toit,
Sans pain et sans accompagnement :
Pauvre de moi, pauvre de moi !

Il me reste une famille
Affamée, nue et amaigrie
Et la nuit, elle crie.
Elle veut du pain et je n’en ai pas :
Pauvre de moi, pauvre de moi !
Hier, je suis allée chez le beau-frère,
Demander de l’aide,
Il me réprimanda,
Avec une latte, il me frappa:
Pauvre de moi, pauvre de moi !

Sois maudit, sois maudit,
Tout le bien que je t’ai fait !
Pour le sang d’une chatte qui sourit,
Qui ensorcelle, c’est moi qui subis.
Pauvre de moi, pauvre de moi !

Et la nuit subitement,
Quand tu dors, subrepticement,
Je vais entrer par le trou de la porte,
Je vais boire tout ton sang :
Pauvre de moi, pauvre de moi !

J’étais grasse comme une ourse,
Je suis devenue sèche, sèche.
Pas un chien qui me lèche,
Qui me chasse et qui aboie pour moi :
Pauvre de moi, pauvre de moi !

Qu’ai-je fait au ciel ?
Au monde pauvre fille,

Je suis restée jeune veuve,
À présent je me fâche, je me fâche :
Pauvre de moi, pauvre de moi !

Oh ! Ciel, fais-moi don
Pour mari d’un barbon,
Car quand on n’a pas le mouton,
Le chiot toujours aboie :
Pauvre de moi, pauvre de moi !


AMÈRE MOI
seconde version française

à partir de la traduction italienne de la version de Nino Rota interprétée par Anna Melato.

Amère moi, triste moi,
Tu es mort et moi, que fais-je ?
Je déchire mes nattes et mon visage,
À présent, je me tue au-dessus de toi.

Amère moi, amère moi, amère moi,
Triste moi, triste moi, triste moi,
Maintenant je me tue, maintenant je me tue, maintenant je me tue.
Au-dessus de toi.

Je suis une brebis perdue,
Le mouton m’a laissée,
Le chiot toujours aboie,
De faim, maintenant, il s’enrage.

Amère moi, amère moi, amère moi,
Triste moi, triste moi, triste moi,
Maintenant je me tue, maintenant je me tue, maintenant je me tue.
Au-dessus de toi.

J’avais une maisonnette,
Je suis sans remède,
Sans lit et sans toit,
Sans pain et sans repas.

Amère moi, amère moi, amère moi,
Triste moi, triste moi, triste moi.
Maintenant je me tue, maintenant je me tue, maintenant je me tue.
Au-dessus de toi.