mercredi 27 octobre 2021

Le grand Métingue du Métropolitain

 


Le grand Métingue du Métropolitain

Chanson française – Le grand Métingue du Métropolitain – Marc Ogeret – 1988.

Texte : Maurice Mac Nab – Musique : Camille Baron – 1880

Diverses interprétations :

Jacques Grello – Le grand Métingue du Métropolitain

Marc Ogeret - Le grand Métingue du Métropolitain

Pierre Perret – Le grand Métingue du Métropolitain


 


 JEAN JAURÈS EN MÉTINGUE – 1913.


Dialogue maïeutique


Oui, oui, Lucien l’âne mon ami, on l’avait perdu de vue ou d’ouïe cette histoire du grand métingue du Métropolitain, mais comme le temps des cerises, elle flotte dans la mémoire et resurgit parfois. C’est le sort de la chanson populaire ; souvent même, on n’en connaît pas l’auteur et on ne sait ce qu’est devenue celle qui en fut l’inspiratrice. Tout ce qu’on en sait, c’est ce qu’en dit plus tard l’auteur, Jean-Baptiste Clément :


« Nous sûmes seulement qu’elle s’appelait Louise et qu’elle était ouvrière.
Naturellement, elle devait être avec les révoltés et les las-de-vivre !
Qu’est-elle devenue ? »


Ah, dit Lucien l’âne, le grand métingue ; ça me rappelle quelque chose. Rien que le titre ouvre des horizons de Bastille, de bistrot et de cachot.


Oui, c’est bien cette chanson-là, reprend Marco Valdo M.I., où un ouvrier parisien, un samedi soir après le turbin, au lieu d’aller au bal ou spectacle avec sa Poupoule, comme le chanta le premier Mayol, dans sa tout aussi populaire « Viens, Poupoule ! », s’en va au grand métingue du Métropolitain. À vrai dire, il est déjà fort entamé et pas mal éméché – dame, il a touché sa paye :


« J’avais déjà vidé plus d’une bouteille,
Si bien que je m’avais jamais trouvé si rond. »


Une chanson qui connaît bien son monde, vu qu’on y croise, allusion à Robespierre à la République ou à la proximité entre le courant socialiste et la libre-pensée :


« Les citoyens, dans un élan sublime,
Étaient venus guidés par la raison. »


Je passe le reste.


Je comprends, dit Lucien l’âne, mais il faudrait faire un petit lexique pour ceux à qui certains mots ne seraient pas familiers.


Bien volontiers, Lucien l’âne mon ami. Voici donc :

rond : soûl, saoul

zingue : comptoir du bistrot (en zinc)

turbin : boulot, travail

métingue : réunion, assemblée. Mot passé en anglais sous le nom de « meeting ».

municipaux – pluriel de municipal : agents de police

pékin : civil

orgueille : orgueil

bastringue : chahut, tumulte

brind’zingue : dans le gaz, soûl

géants de 48 : les révolutionnaires de 1848 qui chassèrent Louis-Philippe et créèrent la IIe République.

Fourrer au violon : mettre en cellule.


Et ainsi, pour une fois, dit Lucien l’âne, on s’est fendu d’un peu de didactisme. Je dis « pour une fois », puisque ce n’est vraiment pas dans nos habitudes, car s’il fallait faire de l’explication de texte à chaque fois, on n’en finirait pas et on ne s’en sortirait plus. Maintenant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde fatigué, rond, tremblant et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane







C’était hier, samedi, jour de paye,
Et le soleil se levait sur nos fronts
J’avais déjà vidé plus d’une bouteille,
Si bien que je m’avais jamais trouvé si rond.
Voilà la bourgeoise qui rapplique devant le zingue:
« Feignant, qu’elle dit, t’as donc lâché le turbin ? »
« Oui, que je réponds, car je vais au métingue,
Au grand métingue du Métropolitain ! »

Les citoyens, dans un élan sublime,
Étaient venus guidés par la raison.
À la porte, on donnait vingt-cinq centimes
Pour soutenir les grèves de Vierzon.
Bref, à part quatre municipaux qui chlinguent
Et trois sergents déguisés en pékins,
J’ai jamais vu de plus chouette métingue,
Que le métingue du Métropolitain !

Y avait Basly, le mineur indomptable,
Camélinat, l’orgueille du pays.
Ils sont grimpés tous deux sur une table,
Pour mettre la question sur le tapis.
Mais, tout à coup, on entend du bastringue ;
C’est un mouchard qui veut faire le malin !
Il est venu pour troubler le métingue,
Le grand métingue du Métropolitain !

Moi je tombe dessus, et pendant qu’il proteste,
D’un grand coup de poing, j’y renfonce son chapeau.
Il déguerpit sans demander son reste,
En faisant signe aux quatre municipaux
À la faveur de ce que j’étais brind'zingue,
On m’a conduit jusqu’au poste voisin
Et c’est comme ça qu’a fini le métingue,
Le grand métingue du Métropolitain !

Morale :

Peuple français, la Bastille est détruite,
Et y a z'encor des cachots pour tes fils !
Souviens-toi des géants de quarante-huit
Qu’étaient plus grands que ceusses d’au jour d’aujourd’hui,
Car c’est toujours le pauvre ouvrier qui trinque,
Même qu’on le fourre au violon pour un rien.
C’était tout de même un bien chouette métingue,
Que le métingue du Métropolitain !