Le
grand Métingue du Métropolitain
Chanson française – Le grand Métingue du Métropolitain – Marc Ogeret – 1988.
Texte :
Maurice Mac Nab – Musique : Camille Baron
– 1880
Diverses interprétations :
Jacques Grello – Le grand Métingue du Métropolitain
Marc Ogeret - Le grand Métingue du Métropolitain
Pierre Perret – Le grand Métingue du Métropolitain
JEAN JAURÈS EN MÉTINGUE – 1913.
Dialogue maïeutique
Oui, oui, Lucien l’âne mon ami, on l’avait perdu de vue ou d’ouïe cette histoire du grand métingue du Métropolitain, mais comme le temps des cerises, elle flotte dans la mémoire et resurgit parfois. C’est le sort de la chanson populaire ; souvent même, on n’en connaît pas l’auteur et on ne sait ce qu’est devenue celle qui en fut l’inspiratrice. Tout ce qu’on en sait, c’est ce qu’en dit plus tard l’auteur, Jean-Baptiste Clément :
« Nous
sûmes seulement qu’elle s’appelait Louise et qu’elle était
ouvrière.
Naturellement, elle devait être avec les révoltés
et les las-de-vivre !
Qu’est-elle devenue ? »
Ah, dit Lucien l’âne, le grand métingue ; ça me rappelle quelque chose. Rien que le titre ouvre des horizons de Bastille, de bistrot et de cachot.
Oui, c’est bien cette chanson-là, reprend Marco Valdo M.I., où un ouvrier parisien, un samedi soir après le turbin, au lieu d’aller au bal ou spectacle avec sa Poupoule, comme le chanta le premier Mayol, dans sa tout aussi populaire « Viens, Poupoule ! », s’en va au grand métingue du Métropolitain. À vrai dire, il est déjà fort entamé et pas mal éméché – dame, il a touché sa paye :
« J’avais
déjà vidé plus d’une bouteille,
Si bien que je m’avais
jamais trouvé si rond. »
Une chanson qui connaît bien son monde, vu qu’on y croise, allusion à Robespierre à la République ou à la proximité entre le courant socialiste et la libre-pensée :
« Les
citoyens, dans un élan sublime,
Étaient venus guidés par la
raison. »
Je passe le reste.
Je comprends, dit Lucien l’âne, mais il faudrait faire un petit lexique pour ceux à qui certains mots ne seraient pas familiers.
Bien volontiers, Lucien l’âne mon ami. Voici donc :
rond : soûl, saoul
zingue : comptoir du bistrot (en zinc)
turbin : boulot, travail
métingue : réunion, assemblée. Mot passé en anglais sous le nom de « meeting ».
municipaux – pluriel de municipal : agents de police
pékin : civil
orgueille : orgueil
bastringue : chahut, tumulte
brind’zingue : dans le gaz, soûl
géants de 48 : les révolutionnaires de 1848 qui chassèrent Louis-Philippe et créèrent la IIe République.
Fourrer au violon : mettre en cellule.
Et ainsi, pour une fois, dit Lucien l’âne, on s’est fendu d’un peu de didactisme. Je dis « pour une fois », puisque ce n’est vraiment pas dans nos habitudes, car s’il fallait faire de l’explication de texte à chaque fois, on n’en finirait pas et on ne s’en sortirait plus. Maintenant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde fatigué, rond, tremblant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
C’était
hier, samedi, jour de paye,
Et le soleil se levait sur nos
fronts
J’avais déjà vidé plus d’une bouteille,
Si
bien que je m’avais jamais trouvé si rond.
Voilà la
bourgeoise qui rapplique devant le zingue:
« Feignant,
qu’elle dit, t’as donc lâché le turbin ? »
« Oui,
que je réponds, car je vais au métingue,
Au grand métingue du Métropolitain ! »
Les citoyens, dans un élan
sublime,
Étaient venus guidés par la raison.
À la porte,
on donnait vingt-cinq centimes
Pour soutenir les grèves de
Vierzon.
Bref, à part quatre municipaux qui chlinguent
Et
trois sergents déguisés en pékins,
J’ai jamais vu de plus
chouette métingue,
Que le métingue du Métropolitain !
Y
avait Basly, le mineur indomptable,
Camélinat, l’orgueille du
pays.
Ils sont grimpés tous deux sur une table,
Pour
mettre la question sur le tapis.
Mais, tout à coup, on entend
du bastringue ;
C’est un mouchard qui veut faire le
malin !
Il est venu pour troubler le métingue,
Le
grand métingue du Métropolitain !
Moi je tombe
dessus, et pendant qu’il proteste,
D’un grand coup de poing,
j’y renfonce son chapeau.
Il déguerpit sans demander son
reste,
En faisant signe aux quatre municipaux
À la faveur
de ce que j’étais brind'zingue,
On m’a conduit jusqu’au
poste voisin
Et c’est comme ça qu’a fini le métingue,
Le
grand métingue du Métropolitain !
Morale :
Peuple
français, la Bastille est détruite,
Et y a z'encor des cachots
pour tes fils !
Souviens-toi des géants de
quarante-huit
Qu’étaient plus grands que ceusses d’au jour
d’aujourd’hui,
Car c’est toujours le pauvre ouvrier qui
trinque,
Même qu’on le fourre au violon pour un rien.
C’était
tout de même un bien chouette métingue,
Que le métingue du Métropolitain !