ATOMEPOÈME
57
Version
française – Atomepoème
57 – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
allemande – Atomgedicht
57 – Gerd Semmer
– 1957
Paroles
de Gerd Semmer (1919-1967), poète, journaliste et traducteur
allemand, considéré comme le « père de la
chanson de protestation allemande ».
Musique
de Dieter Süverkrüp (1934-), important auteur-compositeur allemand,
ainsi que cabarettiste
et artiste graphique, avec lequel Gerd Semmer collabora jusqu’à sa
disparition prématurée.
Une
chanson écrite en solidarité avec les « 18 de Göttingen »
(Göttinger Achtzehn), dix-huit physiciens nucléaires allemands –
parmi lesquels Max Born, Otto Hahn, Werner Heisenberg, Max von Laue e
Wolfgang Pauli, tous prix Nobel – qui en 1957, en publiant leur
fameux manifeste, s’opposèrent au projet du chancelier Konrad
Adenauer et du ministre de la défense Franz-Josef Strauss de doter
l’armée de l’Allemagne de l’Ouest d’armes nucléaires
tactiques.
Je
voudrais rappeler que parmi les « 18 de
Göttingen », il y avait aussi des savants qui avaient été
complètement actifs sous le régime nazi, mais il y en
avait un, Fritz Straßmann (1902-1980),
un chimiste dont le nom est lié à la découverte de la
fission nucléaire, qui en 1933 préféra se retirer de toute charge
en déclarant : « Nonobstant ma passion pour la chimie,
j’ai tant d’estime pour ma liberté personnelle que pour la
préserver j’irais casser des pierres toute ma vie ».
Durant la guerre, le docteur Straßmann et sa femme
cachèrent chez eux un ami juif, en mettant en danger leur propre vie
et celle de leur enfant de 3 ans. Fritz Straßmann a
été reconnu « Juste parmi les nations » et son nom est
présent dans le Yad Vashem à Jérusalem.
Dialogue
maïeutique
Souviens-toi,
Lucien l’âne mon ami, toi qui as parcouru tant de siècles que je
ne saurais dire combien il y en eut, en ce temps-là –
dans les années cinquante du siècle dernier (autant dire hier), le
monde vivait dans une étrange atmosphère composée principalement
de deux grands éléments : la guerre froide et la
menace nucléaire. Je laisse évidemment de côté ici l’immense
effort contraire qu’était la tentative pacifique des Nations
Unies, système aberrant qui repose sur l’existence des nations
lors même que la nation et son extension, le nationalisme, est un
des plus sûrs fondements de la guerre. C’est comme
si on composait le corps des pompiers avec des
pyromanes confirmés.
Enfin
quand je dis le monde, je n’en sais trop rien. Ce dont je suis sûr,
c’est que c’était l’ambiance qui prévalait dans
tous les pays qui avaient été mêlés à la Deuxième Guerre
Mondiale et dont les habitants s’attendaient tous à une Troisième,
laquelle, pensait-on alors, couplée à l’usage de l’arme
nucléaire aurait fait énormément de dégâts et
aurait vraisemblablement entraîné la disparition d’une grande
partie de l’humanité. Certains envisageaient déjà
la disparition de l’espèce humaine et les plus imaginatifs
pensaient que la planète elle-même exploserait. Il circulait
toutes sortes de récits nés de cette inquiétude.
Cependant,
comme on peut le voir, il n’en a encore rien été.
Et
c’est heureux, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est heureux,
car nous n’aurions jamais eu la possibilité d’entretenir
ce dialogue aussi morcela que divers et interminable. Cependant,
la menace est encore là et bien réelle, même si elle n’imprègne
plus autant notre quotidien. Le climat de
l’époque étant ainsi fixé et le danger actuel rappelé,
peux-tu me dire un peu plus de choses à propos de cette canzone, de
ce poème de l’atome.
D’abord,
répond Marco Valdo M.I. tranquillement, il te faut
considérer que ce poème atomique est écrit en allemand, par un
Allemand vivant dans la partie de l’Allemagne dite fédérale,
c’est-à-dire celle qui fait partie intégrante de l’Otan
(Organisation du traité de l’Atlantique Nord),
l’Allemagne, dite Allemagne Occidentale. Une Allemagne qui vivait
alors sous domination étrangère et sous la protection
du parapluie nucléaire occidental. Ceci implique évidemment que
d’autres pays (notamment, l’Allemagne dite
Allemagne démocratique) vivaient sous la protection du parapluie
nucléaire soviétique, autrement dire russe.
Voilà
qui précise le cadre dans lequel se situe ce poème de l’atome et
j’ai bien noté ce que disait l’introduction à propos de ces
« savants » qui interviennent fortement dans le débat
pour mettre en garde les gens et les responsables politiques contre
le fait de voir le pays où ils vivent s’engager dans la
nucléarisation de ses armées ? J’imagine que ce n’est pas
sans arrières-pensées et sans effroi, leur pays étant ce qu’il
est et dans les faits, l’initiateur des deux premières guerres
mondiales.
C’est
exactement la situation sur laquelle vient se greffer cette chanson
qui, avec beaucoup d’ironie, prend le point de vue des
responsables politiques qui font valoir aux savants que
leur savoir et leur « expertise » comme on dit à
présent, n’ont pas de pertinence dans le champ politique et que
dès lors ils prient les savants de retourner à leurs recherches.
Cependant,
il y a un deuxième niveau à l’ironie de la canzone, c’est que
par le biais de la réflexion des « politiques », elle
avance l’idée impertinente elle aussi que les savants eux-mêmes
ont bien tardé à faire pareille mise au point (par parenthèse, du
côté soviétique, il faudra encore au moins dix ans pour voir une
telle réaction des physiciens, dont Andrei Zakharov, dont on fit par
la suite un prix Nobel de la paix pour sa prise de position) – du
moins, les dix-huit signataires de la lettre ont-ils eu le mérite de
faire entendre leur voix. Pour les autres, on ne sait.
La
situation paraît bien embrouillée, dit Lucien l’âne.
En
effet, c’est le cas, car comme il est aisé de le
comprendre, les armes nucléaires ne peuvent exister que parce
que des savants les avaient inventées, mises au point et
développées. Ainsi, la science depuis qu’elle avait
pris une dimension technique n’était pas
neutre, ne pouvait pas l’être et entretenait
des relations étranges, complexes et compliquées avec
le pouvoir, car depuis toujours, mais de plus en plus au fil
du temps, elle a eu besoin d’énormes
investissements, d’une quantité gigantesque de moyens pour exister
et que ce sont les puissants et les riches – et eux seuls –
qui les accaparent et les détiennent. En
lui donnant d’énormes moyens, en l’incitant à les utiliser, les
« scientifiques » ont mis le doigt, la main, et tout le
bras dans l’engrenage infernal. Et non seulement, ils ne peuvent
s’en départir, mais ils en réclament encore plus ; ils sont
dans la même spirale que la société qui s’en va tout droit vers
son autodestruction. Du moins dans la forme que nous connaissons. Il
est vrai que certains pensent qu’un autre monde est possible.
Nous
par exemple, dit Lucien l’âne en dressant fièrement les oreilles
et la queue. Évidemment, ceci suppose la fin de la Guerre de Cent
Mille Ans, que les riches et les puissants font aux pauvres et c’est
pourquoi nous tissons le linceul de ce vieux monde amer, atomique,
avide, ambitieux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Dix-huit
professeurs ont brisé
Le terrible mur du silence
Développé par un journal stipendié
Autour du projet atomique de défense.
Mais enfin, messieurs, ça ne vous regarde pas.
Vous croyez, qu’on peut en discuter comme ça ?
C’est de la politique, vous n’y comprenez rien !
Tenez vos langues, chercheurs, silence !
On ne vous demande rien !
Pas de discussion ! On continue !
Le terrible mur du silence
Développé par un journal stipendié
Autour du projet atomique de défense.
Mais enfin, messieurs, ça ne vous regarde pas.
Vous croyez, qu’on peut en discuter comme ça ?
C’est de la politique, vous n’y comprenez rien !
Tenez vos langues, chercheurs, silence !
On ne vous demande rien !
Pas de discussion ! On continue !
Depuis des générations, vous vous êtes lavé
Les mains dans la science.
Vous n’avez jamais assumé les conséquences.
Finalement, dix-huit ont osé parler,
Des hommes ont démontré avoir une conscience.
Mais enfin, messieurs en quoi ça vous concerne ?
Vous croyez, qu’on peut en discuter comme ça ?
Faites votre travail, là vous comprenez quelque chose !
N’avez-vous pas donc de déontologie professionnelle ?
On ne vous demande rien au-delà !
Pas de discussion ! On y va !
Derrière
leur mère et regardent
Anxieux
le ciel et les inventions des savants »
Mais enfin, messieurs en quoi vous concernent les enfants ?
Vous croyez, qu’on peut en discuter comme ça ?
C’est notre politique, que vous ne comprenez pas !
Laissez cela aux experts mandatés !
Pas de discussion ! Disparaissez !
Mais enfin, messieurs en quoi vous concernent les enfants ?
Vous croyez, qu’on peut en discuter comme ça ?
C’est notre politique, que vous ne comprenez pas !
Laissez cela aux experts mandatés !
Pas de discussion ! Disparaissez !