mardi 27 mai 2014

Secret, secret

Secret, secret

Canzone française – Secret, secret – Marco Valdo M.I. – 2014

Le Livre Blanc 3

Opéra-récit contemporain en multiples épisodes, tiré du roman de Pavel KOHOUT « WEISSBUCH » publié en langue allemande – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1970 et particulièrement de l'édition française de « L'HOMME QUI MARCHAIT AU PLAFOND », traduction de Dagmar et Georges Daillant, publiée chez Juillard à Paris en 1972.












Voici donc, Lucien l'âne mon ami, le troisième épisode de cette curieuse histoire d'Adam Juracek, l'homme qui vainquit la pesanteur. Il te souviendra – on le sait par la déposition du professeur de physique au commissariat, celle qui se termine par

« Pourquoi ? Ô pourquoi t'ai-je quittée Elisabeta ?
Pour ce merdeux de Newton ... »,

il te souviendra donc qu'Adam était monté au plafond en plein conseil de professeurs du lycée de K, où il enseigne la gymnastique et le dessin. Cette fois, c'est un soliloque d'Adam lui-même, Adam qui entend une voix qui lui parle... Celle de sa raison, celle de sa conscience, celle de quoi exactement, je ne saurais le dire, mais une voix.


En somme, dit Lucien l'âne tressautant d'hilarité, en somme, outre de se promener au plafond comme une mouche, Adam entend des voix comme une pucelle...


En quelque sorte, oui. Et à propos de pucelle apparaît ici celle qui va libérer Adam de la mutité, de l'autarcisme où l'avait plongé la mort de son père. Au moment où éclate le coup de foudre (Urinacek... je t'aime déjà...), Adam a seize ans ou presque, sa séductrice doit bien en avoir trois. Elle s'appelle Katerina et sans même trop le savoir, c'est elle qui va le pousser à faire le grand saut. C'est pour elle, tel Don Quichotte affrontant les géants pour sa Dulcinée, que des années durant, Adam va réserver son cœur et lutter pour réaliser cet exploit. Ainsi donc, en amour, là aussi, Adam est hors norme. Hors norme, hors système. C'est le ressort fondamental de cette histoire. En somme, si on la considère dans toutes ses dimensions, c'est l’histoire d'un mouton noir dans un troupeau de moutons blancs. Mais tant qu'Adam ne fait pas de vagues, tant qu'Adam a l'air d'être à l'intérieur d'un périmètre tolérable, tant qu'il ne met pas ouvertement en cause le système, tout reste étale ; évidemment, dès qu'il va déroger à la règle générale, il va déclencher autour de lui une sorte de tohu-bohu... Cependant, Adam n'est en rien agressif et n'a a priori aucune visée « révolutionnaire » , mais...


Je l'imagine assez bien en jeune homme sage et pondéré, vu la manière dont les choses se dessinent. Pourtant, il avait dit à sa maman

« Maman, Maman, je fais une révolution. »


Certes, mais c'était une révolution scientifique, une révolution dans la théorie dont les incidences dans le réel viendraient sans doute plus tard. Bien sûr, il reste quand même que cette histoire est imaginaire, que c'est une parabole... On en verra les développements au fur et à mesure que notre Adam va se retrouver confronté à la réalité. Cependant, un professeur qui monte au plafond et en redescend comme s'il se déplaçait à l'horizontale, il y a de quoi inquiéter un directeur d'établissement, qui en bon dirigeant va d'abord – le temps de se couvrir auprès de ses autorités – imposer le silence sur l'affaire :
« Motus et bouche cousue, dit le directeur
Secret, secret, il ne s'est rien passé »


Il y a certainement encore mille choses à dire, mais à ce train, on n'en sortira pas, dit Lucien l'âne un peu perplexe. Et puis, si tu racontes tout maintenant où serait le plaisir...


Tu as raison, Lucien l'âne mon ami. Il vaut mieux se laisser porter par les chansons et petit à petit, découvrir une chose après l'autre.



Alors, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde méfiant, inquiet, secret, prudent, politiquement correct et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




De là-haut, hého, de là-haut
Tout semblait sans défaut
La prof de math gisait inconsciente
Les autres professeurs muets en attente

Comme papa, comme papa
Il avait toujours rêvé d'être
Chef de train, chef de gare comme papa
Une passion, un espoir, un besoin élémentaire
Chef de train, chef de gare comme papa
Comme papa, comme papa

Adam, pas vraiment arriéré
Adam, juste un peu retardé
Adam, après la mort de papa
Adam, jusqu'à seize ans, dans le coma

Urinacek, ils se moquent de toi
Ne pleure pas, je t'aime déjà
Urinacek, ils se moquent de toi
Je t'épouserai et tu les étonneras
Urinacek, ne pleure pas,
Urinacek, je t'aime déjà.

Les deux poupées se tiennent là
Deux blondes angéliques
Mascha la mécanique
Et l'amour de chair Katerina

On peut vaincre la pesanteur
C'est une affaire de volonté
Motus et bouche cousue, dit le directeur
Secret, secret, il ne s'est rien passé
Et pourtant Adam comme une mouche
Malgré la pesanteur, au plafond s'est posé

Secret, secret, motus et bouche....

LA FARINE DU DIABLE

LA FARINE DU DIABLE

Version française – LA FARINE DU DIABLE – Marco Valdo M.I. – 2014
d'après la version italienne d'une
Chanson frioulane – La farina dal Diàul – Braùl – 2005
http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=it&id=47410#agg224124



Et quand le monde connaîtra enfin ton destin,
De Genève pour te porter en Paradis viendront les saints :
Pour l'éternité, vin, pommes et eau douce
Avec tes yeux d'alors, tu traverseras les montagnes.







C'est l'histoire malheureusement réellement arrivée à Domenico Scandella, dit « Menocchio » (en frioulan, langue du Frioul-Vénétie-Julienne « Menòcjo »), meunier de Montereale Valcellina, dans la province de Pordenone, qui vécut au XVI° siècle. Il soutenait des thèses extraordinaires tant sur l'origine de l'Univers que sur la présence et le rôle de Dieu et de l'Église sur la Terre. Thèses cosmogoniques qui remontent aux anciens Védas indiens dont sans doute il n'avait pas connaissance.

Reconnu hérétique, il fut « naturellement » poursuivi en justice une première fois et incarcéré par la « Sainte » Inquisition et ensuite, à nouveau « accusé » et, jugé relaps, finalement condamné au bûcher pour sorcellerie.

L'enième exemple à ne pas oublier, d'abus, de cruauté et d'assassinat du pouvoir humain, perpétré au nom de….Dieu !




Oh, Lucien l'âne mon ami, voici un homme selon notre cœur... Tu sais bien un homme dont le destin rejoint des centaines d'années plus tard celui de Pierre Valdo et des compagnons de la Fraternité des Pauvres de Lyon. Un homme qu'on fit passer pour un sorcier et comme tu sais, nous quand l'Inquisition, l'Église ou toute institution du genre mènent la chasse aux sorcières, nous sommes toujours du côté des sorcières et bien évidemment, dans la chasse aux sorciers, toujours du côté des sorciers.


Pour que la chose soit claire, dans la chasse à l'homme, nous sommes toujours, moi y compris, du côté de l'homme..., dit l'âne Lucien en raidissant le long ruban de poils qui marquent son épine dorsale... Mais il en est toujours ainsi dans la Guerre de Cent Mille Ans... Dès qu'un homme relève la tête (ou un âne d'ailleurs), on le poursuit, on le bat, on le terrorise et s'il ne plie pas encore ou s'il plie mais ne rompt pas, alors, c'est tout simple, on le massacre.

Ah, Lucien l'âne mon ami, ton commentaire rejoint totalement celui de notre ami aux mille surnoms – je lui en suggère d'ailleurs un nouveau, qui les engloberait tous...


Et lequel suggères-tu, Marco Valdo M.I. mon ami ? Quel surnom à toutes épreuves proposes-tu à notre ami ?



Je lui propose tout simplement : « Alias... ». Avec les trois petits points à l'horizontale... cela dit, voici son commentaire :
« Imagine que j'écrivais (sous le premier de mes nombreux surnoms), il y a cinq ans, dans un des commentaires à « Pòvri avans 'd la guèra infausta: » :[« Le fromage et les vers »] (sur l'histoire de ce meunier du Frioul-Vénétie-Julienne de 1500 exécuté pour hérésie car il était assez cultivé et libre pour s'être créé sa cosmogonie, antithétique à celle des classes dominantes), ce sont les microhistoires qui m'intéressent, des histoires de sans voix et de sans visage, de ce qu'ils ont vécu avec peine, qui ont connu le pire, le monde des vaincus, qui furent vaincus très souvent car jusqu'au dernier instant, ils voulurent conserver leur dignité d'êtres humains, même dans les circonstances plus difficiles, même dans les guerres voulues par les puissants dans lesquelles vaincus, ils furent de la chair à canon… »

Pardonnez l'autocitation : il était seulement pour dire combien ce livre ait été important pour moi.

Salut.
Bernart Bartleby » - Fin de citation.


Voilà donc notre ami Bernart Bartleby, rebaptisé Alias... En fait, il peut ajouter ce petit appendice à tous ses alias, à tous ses surnoms... Nous le retrouverons toujours bien. Pour le reste, je le rappelle, il nous faut tisser le linceul de ce monde inquisitorial, tortionnaire, ecclésiastique, catholifère et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Tu te seras demandé où regardaient les yeux de Dieu
Lorsque ta vie a fini entre leurs mains.
Conte-moi Menocchio tes espoirs et ton coeur :
Fumée, feu, étincelles de la « Sainte » Inquisition !
Astrologue et philosophe, poète ou Benandante (1),
Avec un livre que tu avais, tu faisais des choses étonnantes.
Quand la lune était pleine, quand les étoiles s'alignaient sur les planètes
Le diable n'arrivait plus à arrêter tes pensées.



Des racontars, des histoires sans vérité,
Mais quand part l'éclair, rien ni personne ne peut l'arrêter.
« Je dirais tant de choses qui étonneraient les gens :
Un monde sans différences de couleur, de langue ou de religion. »
« Tous les anges et même le seigneur sont nés d'un brouillon
Comme les vers sortant du fromage puant. »



Et quand le monde connaîtra enfin ton destin,
De Genève pour te porter en Paradis viendront les saints :
Pour l'éternité, vin, pommes et eau douce
Avec tes yeux d'alors, tu traverseras les montagnes.


Mais à Carnaval (5) naît et meurt le monde à l'envers
L'Enfer (7) existe encore, si on éveille l'Orcolàt (6)
Religions, larmes, doctrines, sang, tortures, calvaires :
Crois maintenant Menocchio ou portes-tu aussi ta Croix ?



NOTES:


  1. les benandantes (à la lettre signifiant « bons marcheurs ») étaient les pratiquants d'un culte paysan pagano-chamanique basé sur la fertilité de la terre, répandu dans le Frioul vers les XVI - XVII siècles.

  1.   la ville de Genève, étant protestante, était considérée comme la capitale des libertés d'expression religieuse. Manocchio pensait que ceux qui l'auraient porté en Paradis, seraient luthériens.
  2. Concepts tirés du Coran.
  3. « Les yeux de l'esprit » des défunts.
  4. À Carnaval tout était permis, même le renversement des rôles établis. On se souvient du célèbre Carnaval de 1511, durant lequel des masses de paysans du Frioul-Vénétie-Julienne, en proie à l'exaspération pour leur condition sociale, massacrèrent énormément de représentants de l'aristocratie et détruisirent par le feu leurs châteaux
  5. En frioulan, signifie « Tremblement de terre »
  6. Entendu ici comme recours à la terreur afin d'obtenir l'obéissance absolue et l'asservissement au pouvoir religieux de la part du peuple.

LA SOCIAL-DÉMOCRATIE

LA SOCIAL-DÉMOCRATIE


Version française - LA SOCIAL-DÉMOCRATIE – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson italienne – La socialdemocrazia - Claudio Lolli – 1977
http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=it&id=6373#agg224106

Texte et musique de Claudio Lolli
Album: Disoccupate le strade dai sogni



On marche déjà dans cette sainte paix

Avec l'uniforme de la fête.
Sans ennemis ni bottines
Et surtout sans tête !



Social-démocratie est un mot-valise, un mot fourre-tout et le reste. Donc, Lucien l'âne mon ami, dans social-démocratie, il y a social et démocratie. Pour le social, passe encore, avec un peu de bonne volonté, on peut envisager la chose – et il y en a quand il faut apaiser les gens. Alors, on fait du social, on fait dans le social. C'est un genre, en politique ; il complète l'éventail. Mais le vrai problème, c'est la démocratie, le pire système qui soit...


Quoi ? Qu'est-ce que tu dis, Marco Valdo M.I. mon ami, tu renies la démocratie ? Je n'aurais jamais cru ça... Je te croyais opposé à toute forme de dictature, je te croyais libertaire et je croyais que tu ne méprisais pas les gens...


Mais tu as raison, Lucien l'âne mon ami, tu as raison sur tout cela. Je suis en effet , pour reprendre tes mots : « opposé à toute forme de dictature, libertaire et je ne méprise pas les gens (sauf évidemment, ceux qui se comportent de façon méprisable)... » et c'est précisément pour ces raisons-là, et d'autres encore, que je suis à tout le moins sceptique en ce qui touche à la démocratie. En fait, je la considère comme le plus énorme attrape-nigaud qu'on aie jamais inventer. C'est un piège, un fameux narcotique et dans certains cas, une potion létale, un piège mortel.


Bon, admettons. Et comment expliques-tu un tel point de vue ?


En fait, si on veut comprendre la vraie nature de la démocratie - Ainsi pensait Pierre-Joseph Proudhon (et il n'est pas le seul) : « La démocratie n'est autre chose que la tyrannie des majorités ...: elle a pour base le nombre, et pour masque le nom du Peuple. » ( http://www.panarchy.org/proudhon/democratie.html)
, mais s'agissant de la démocratie socialement bien tempérée, le tyran majoritaire a beau être cauteleux, il n'en reste pas moins un tyran. Dès lors, il faut la replacer dans son contexte qui est la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres... Une fois remise dans son contexte, on comprend immédiatement sa nature... La démocratie, c'est l'appât que les riches et les puissants jettent aux pauvres pour leur faire accroire l'égalité par le vote... Quelle blague ! La démocratie est une serve, elle est entièrement acquise au pouvoir des riches et des puissants et le jour où elle se rebiffe, le voile tombe et on dissout ces institutions de dix sous. Cela dit, revenons à notre mot-valise, à cette social-démocratie, à cette étrange configuration qui est apparue au moment où il a fallu lâcher du lest face aux exigences des populations – notamment urbaines et ouvrières et canaliser les mouvements révolutionnaires en gestation. Par la suite, il a fallu y rallier la population rurale ; ce fut moins simple. En fait, par ses origines socialistes, d'une part et son ralliement au pouvoir, d'autre part, la social-démocratie est assise entre deux chaises et se voit perpétuellement contrainte au grand écart ; elle est un agent double. Par sa nature, elle se doit de dire ceci et de faire cela. Elle vit avec un agenda caché. C'est Tartuffe en politique, lequel disait (on transposera) : « Ah ! pour être dévot, je n'en suis pas moins homme » (acte III, scène 3, vers 966). Et comble de l'histoire, elle n'y réussit pas trop mal. La social-démocratie a ce côté patelin, paternaliste, ses fausses colères, ses vraies compromissions qui la tiennent comme l'église au milieu du village ; elle tient avec maestria la carotte et le bâton. En somme, fondamentalement, elle vise à la paix sociale. Pour un peu, lorsque les résultats électoraux ne lui sont pas (assez) favorables, elle se sent comme une maîtresse trompée, elle se lamente et déclarerait presque : « Si le peuple n'est pas d'accord, qu'on élise un autre peuple », paraphrasant on ne sait plus trop qui.


Certes, Marco Valdo M.I. mon ami, je pense comme toi que dans la Guerre de cent Mille Ans, la social-démocratie a sa place, son rôle à jouer et qu'en effet, elle l'a joué et continue à le faire. Elle est le préservatif du système, elle lui sert d'amortisseur social et met de l'huile dans les engrenages de l'exploitation. La seule chose que nous puissions faire – et c'est le minimum, c'est de ne jamais collaborer, c'est le sens profond de Non Mollare et de Ora e sempre : resistenza !. Et bien évidemment de tisser, inlassables, le linceul de ce vieux monde démocrate, tartuffe, social, électoral et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





L'ennemi, marche, toujours, à votre tête.
Mais la tête de l'ennemi où est-elle,
Qui marche sur votre tête.
Mais la tête de l'ennemi où est-elle,
Qui marche sur votre tête.
Mais quel brouillard, mais quel tourniquet,
Quel vent de tempête,
La social-démocratie est
Un monstre sans tête.

L'ennemi, marche, toujours, à votre tête.
Mais qu'est une tête aujourd'hui ?
Et qu'est un ennemi ?
Et aujourd'hui qu'est une marche?
Et qu'est une guerre ?
On marche déjà dans cette sainte paix
Avec l'uniforme de la fête.
Sans ennemis ni bottines
Et surtout sans tête !

La social-démocratie ne chasse pas
Les papillons dans les bois.
L'ennemi vous marche sur la tête
Mais aussi sur les épaules.
L'ennemi marche avec ses pieds
Dans vos chaussures.
Donc même si vous ne le voyez pas
Il est toujours là.

La social-démocratie est
Un monstre sans tête.
La social-démocratie est
Un coq sans crête.
Mais quel brouillard, mais quel tourniquet,
Quel vent de tempête,
La social-démocratie est
Ce nain qui vous arrête.