La
Morte Eau
Chanson
française – La Morte Eau – Marco Valdo M.I. – 2019
ARLEQUIN
AMOUREUX – 25
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Dialogue
Maïeutique
Lucien
l’âne mon ami, comme tu vas le voir, notre Arlequin amoureux est
perplexe et fort attristé.
Hola,
Marco Valdo M.I. mon ami, qu’est ce qui lui arrive ?
Ah,
répond Marco Valdo M.I., depuis un certain temps, est sans nouvelles
de son Arlecchina, tout comme nous en ce moment, a vu finir l’été,
s’entamer largement l’automne, attend une fois encore la venue du
printemps (sans doute celui de 1803, si mes calculs sont bons) pour
reprendre la route des champs et des bois, ainsi qu’il en a convenu
avec son frère Lukas. Entretemps, il se tient dans la resserre de la
ferme, endroit où dans la soupente loge Barbora, la fille de la
femme de son frère Lukas, la quelle femme, prénommée Rosalie,
avait été mariée une première fois au savetier du village,
censément le père de Barbora.
Censément,
dit Lucien l’âne. Jusque-là, j’avais suivi cette histoire et
j’avais même eu connaissance d’événements qu’Arlecchino
ignore et particulièrement, le viol de Barbora perpétré par le
tout nouveau mari de sa mère Rosalie.
De
fait, dit Marco Valdo M.I., on en était là, mais ce viol, comme
tous les viols, va traumatiser la malheureuse jeune fille – ce dont
tout le monde, excepté notre Arlequin, se contrefout et au-delà de
l’événement crapuleux, d’autres conséquences vont se
développer. Ce viol va révéler un Matthias qu’on n’avait pas
encore rencontré, un homme profondément humain, très droit et
moral. Mais reprenons le fil tel qu’il apparaît dans la chanson.
C’est
précisément ce que j’allais te demander, Marco Valdo M.I. mon
ami ; et pur commencer, dis-moi ce que c’est que cette « morte
eau » qui lui donne son titre ; un titre, une fois de
plus, bien mystérieux.
Oh,
Lucien l’âne mon ami, cette morte eau n’est autre que Barbora
elle-même, mais une Barbora ravagée, une sorte de morte-vivante
ambulante un presque fantôme, une chimère. Donc, parmi les
conséquences de cette ignominie, il y a la brouille qui s’installe
entre les nouveaux mariés. Une brouille qui résulte plus de la
jalousie de la femme que d’une réprobation de la mère de
Barbora ; au drame de Barbora, elle n’en fait pas état. C’est
l’omerta ; c’est « que tout ceci ne sorte pas d’ici »
et que tout ça reste en famille ; ce sera un de ces fameux
secrets de famille. D’ailleurs, la mère va rapidement se faire à
l’idée et à la pratique de la chose par son mari. Mais
évidemment, on ne peut garder un tel secret ; bientôt, tout le
village est au courant, mais là aussi, l’affaire quoique connue,
doit rester secrète. Le voile est jeté sur ce qu’on ne peut voir.
C’est
ainsi, dit Lucien l’âne, que se perpétue le silence et prospère
la complicité. Mais ce n’est pas nouveau. À la base de ce
comportement de mauvaise solidarité, il y a qu’on hésite toujours
à mettre en cause ses voisins. Sait-on jamais. Dans le fond, que
sait-on des autres familles et de ce qui s’y passe ? Et si le
prêtre en est informé, il se réfugie derrière le secret de la
confession. Ainsi, va la vie.
Sans
doute, mais il y a Matthias qui ne sait pas, qui ne comprend pas ce
qui se passe et comme il voit Barbora sombrer dans une noire
dépression quasiment suicidaire, il essaye de la distraire de sa
confusion. Mais, c’est impossible, car – ça aussi, Matěj ne le
voit pas – Lukas, comme un rituel, renouvelle chaque nuit son
exploit de verrat et répète son crime. Ce faisant, il enfonce de
plus en plus la jeune fille dans un désespoir innommable et dans le
silence. Et ça dure des mois. Telle est l’histoire de la morte
eau.
Oh,
dit Lucien l’âne, ça me rappelle La
Source que chantait Isabelle Aubret, une chanson qui racontait le
viol et la mort d’une jeune femme. Je pense même qu’il est bon
de reprendre ici ce que tu disais alors :
« cette
sale habitude des hommes de vouloir dominer les femmes est
probablement une des racines les plus solides de La
Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants (ici,
les hommes qui se croient tels) font aux pauvres (ici, les femmes que
les « mâles » croient telles) afin d’imposer leur
domination, de satisfaire leur boulimie, de maintenir l’atmosphère
de peur et de terreur et de prolonger et de renforcer leur régime
d’exploitation (ici de la femme). Et cette sale habitude est
installée dans leur comportement dès l’enfance et renforcée par
la religion qui est franchement misogyne. »
Cela
dit, tissons le linceul de ce vieux monde violent, violeur,
dominateur, dissimulateur,
menteur, criminel
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
La
lune de miel n’est pas finie encore
Que
les époux se boudent, se grondent
Et
Barbora mutique se déplace
Comme
une âme privée de corps.
Matthias,
peiné, a beau sourire
Faire
le Paillasse pour la faire rire,
Toujours,
elle fuit du regard,
Se
cache et se traîne dans le noir.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Toutes
les nuits, depuis cette nuit,
Lukas
vient prélever sa méchante dîme
Au
bas de Barbora éteinte en son réduit,
Puis
s’en va se finir au lit de sa femme.
Dans
le village, ça jase à tout-va,
On
commente les exploits du verrat.
Seul,
Matthias, en la matière innocent,
Ne
comprend rien à ce tourment.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Et
l’affaire dure tant
Que
passent Noël et Nouvel An,
Que
s’en vient le printemps.
Barbara
dépérit, se desséchant.
Qu’a
cet enfant ?, pense Matthias inquiet.
Elle
fond comme neige, elle se tait,
Elle
ne peut plus lever un seilleau ;
Elle
se meurt, c’est une morte eau.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.