Les
Éléphants
Chanson
française – Les Éléphants – Sttellla – 1990
On
en parlait l'autre jour de ces éléphants quand on commentait une
chanson italienne dont le titre était particulièrement net :
Gli
Animali – Les Animaux et j'évoquais l'idée d'un bestiaire.
Juste,
juste. Un bestiaire, c'est là qu'on met les animaux, question de les
retrouver en sortant, tout comme le vestiaire est l'endroit où l'on
met les vêtements pour les retrouver en sortant.
On
continue ainsi à folatrer, juste pour se souvenir de dada, du
surréalisme louviérois et de Phantomas, la superbe revue de notre
ami Théodore, auteur de l'inoubliable Locoémotive… Enfin, tout ça
pour dire que ces éléphants n'ont rien d'étonnant dans nos
régions, où par inadvertance, à l'évidence, ils n'ont jamais mis
le pied.
On
l'aurait remarqué, dit Lucien l'âne. Quoique dans les Pyrénées et
dans les Alpes, il paraît qu'ils en ont déjà vu passer. Mais
c'était il y a longtemps. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne et
elle l'est, je les accompagnais. Ils ne se débrouillaient pas trop
mal, même s'ils n'avaient pas – comme nous les ânes – le pied
montagnard.
Mais
ces éléphants-ci n'ont
aucune raison d'aller en montagne ; ils
vivent de la chanson… C'est ce qui leur demande le moins d'efforts.
Les Alpes, les Pyrénées, les voyages marins et les délices de
Capoue, très peu pour eux. Ça leur donne la nausée, rien que d'y
penser. D'ailleurs, ici, ils ne font strictement rien. Ce qui est
leur droit le plus strict. Au fait, comme tous les animaux, les
éléphants sont placés sous la haute protection de La
Déclaration Universelle des droits de l'âne ,
étendue à tous les êtres vivants. Si, si, les éléphants et tous
les animaux cités dans la chanson ont ce même droit. Mais bon sang,
il y a quand même, un point mystérieux dans cette chanson, qu'on
avait promis d'insérer ici.
Oui,
c'est mystérieux, mais c'est précisément ce qui permet de classer
cette chanson dans les chansons contre le racisme idiot (charmant
pléonasme)… C'est ce « Mais j'aime pas les singes… Oh
guenon ! »
Tu
as parfaitement suivi ma pensée. Sans faire un cours sur le
surréalisme évolué de nos régions, une sorte de « concept
flou » où l'indéterminé affronte incidemment des vagues de
vague, il me reste à préciser qu'ici, on boit le surréalisme comme
une bière locale, assez fermentée et même, les astémiques et
autres hydrophores participent de cette coutume régionale, hors
fermentation et sans le secours de la religion s'entend. Une région
où on peut encore rencontrer un autre auteur des Chansons contre la
Guerre, l'ami Raoul Vaneigem. Tout ceci baigne dans une mer d'acide
ironique et de sels de dérision. Cependant, l'Éléphant de Saramago
continue à hanter l'Europe. Traduisons, puisque quand même,
finalement, on est là pour ça : ce « J'aime pas les
singes (ou les immigrés, les émigrés, les migrants, les nègres,
les Grecs, les sans-papiers, les chômeurs, les réfugiés, les
demandeurs d'asile, etc) » est pure dénonciation de ces gens
qui bâtissent des frontières, construisent des murs, établissent
des quotas, parquent dans des camps, une dénonciation qui s'exprime
avec toute sa puissance dès le Oh guenon ! , qui retire le
tapis sous la botte du défenseur de la civilisation, de la nation et
des valeurs chrétiennes – évidemment ramenées aux préceptes,
bulles, ukases et autres injonctions de l'Église catholique,
apostolique et romaine.
J'entends
bien tout cela et je le savais, Marco Valdo M.I. mon ami, dit Lucien
l'âne encore une fois hilare. Un dernier mot pour dire que j'ai une
tendresse particulière pour le point d'ironie, signe graphique qu'on
ne voit jamais ou plutôt, que perçoivent ceux pour qui il devrait
se trouver là. En fait, le point d'ironie ne se voit pas, il se
ressent. Foin de ces considérations et revenons à notre tâche qui
– faut-il le rappeler – consiste à tisser le linceul de ce vieux
monde assez rassis, raciste, rasoir et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
J'aime
bien les éléphants,
Fan-fan les éléphants ;
J'aime
bien les serpents,
Pan-pan les serpents ;
J'aime bien les
pingouins,
Gouin-gouin les pingouins ;
J'aime bien les
tigres, j'aime bien les lions
Mais j'aime pas les singes,
Oh
guenon !
J'aime bien les fourmis,
Mi-mi les
fourmis ;
J'aime bien les souris,
Ri-ri les
souris ;
J'aime bien les dalmatiens,
Sien-sien les
dalmatiens ;
J'aime bien les canards, j'aime bien les
girafes
Mais j'aime pas les singes,
Oh guenon !
J'aime
bien les hiboux,
Bou-bou les hiboux ;
J'aime bien les
chameaux,
Mau-mau
les chameaux ;
J'aime bien les crocodiles,
Dil-dil les
crocodiles ;
J'aime bien les lamas, j'aime bien les
pumas
Mais j'aime pas les singes,
Oh guenon !
Mais
j'aime pas les singes,
Oh guenon !