Le
Lapin fumé
Chanson
française – Le Lapin fumé – Marco Valdo M.I. – 2020
ARLEQUIN
AMOUREUX – 51
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Dialogue
Maïeutique
Donc,
Lucien l’âne mon ami, Matěj le déserteur avait – en plein
milieu du chaos engendré par la bataille d’Austerlitz – une fois
encore, déserté.
Eh,
dit Lucien l’âne, c’est dans la nature même du déserteur de
déserter.
Exactement,
reprend Marco Valdo M.I., et il avait, pour ce faire, emprunté un
chemin de traverse et après avoir pris du champ par rapport au champ
de bataille, il s’était débarrassé de tout son fourniment et
avait trouvé sous une meule (il fait chaud sous une meule) un lieu
de repos et une excellente cachette. Il s’y était benoitement
endormi sans trop se soucier du déroulement des graves événements
militaires auxquels il était censé participer et apporter sa
contribution. Il trouvait qu’il en avait fait assez et il avait dit
« Qu’ils continuent sans moi ! » Par-devers lui,
il pensait : ce sont là des affaires d’Empereur et il en a
trois en lice là.
Hé,
Marco Valdo M.I. mon ami, ce déserteur endormi va quand même bien
se réveiller à un certain moment.
Précisément,
Lucien l’âne mon ami, c’est le moment où commence cette chanson
du « lapin fumé ». Matthias, telle une princesse au bois
dormant, s’éveille et puis, voir la chanson qui dit tout ce qu’il
faut savoir.
À
savoir, Marco Valdo M.I.
mon ami ?
À
savoir que le déserteur
a repris sa route vagabonde et qu’il évite à nouveau de se faire
remarquer. Par ruisseaux et chemins forestiers, il traverse de
colline en colline, le pays. Une fois encore, il retourne chez lui.
Il s’arrête parfois dans une ferme et là, un moment à l’abri,
il reprend force et se repose un peu de son errnce en coupant du bois
pour le chauffage – je te rappelle qu’on est en décembre- ou en
donnant un coup de main pour les travaux en cours. En échange de
quoi, il bénéficie d’un toit, de repas et quand il s’en reva de
pain et oh, merveille, d’un lapin, une lapin entier, tout un lapin
fumé.
Quoi,
dit Lucien l’âne, un lapin qui fume ?, je n’ai jamais vu
ça.
Mais
non, Lucien l’âne mon ami, pas un lapin qui fume, mais un lapin
fumé comme un jambon, comme un poulet, comme un saumon, comme un
hareng. Le lapin fumé se conserve fort bien et supporte dès lors le
voyage vagabond dans la musette de Matěj. Par ailleurs, la chanson
nous raconte que Matthias, alias Andrea, le marionnettiste, a perdu
son petit théâtre et s’en trouve fort désemparé.
Enfin,
dit Lucien l’âne, il a toujours un lapin fumé, c’est déjà
quelque chose pour repartir dans la vie ; toi et moi, on n’a
jamais eu ça. Tissons pourtant le linceul de ce vieux monde
chaotique, bousculé, déboussolé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L’aube
est là. Matthias s’éveille.
Matěj
sent des élancements,
Matěj
se tourne sur le flanc,
La
paille craque, passe une abeille.
Matthias
tâte sa tête avec tact
Palpe
ses jambes, ses bras, son tronc :
Tout
est intact.
Son
ventre grogne, il se lève d’un bond.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Matěj,
Andrea, orphelin de ses pantins,
Reprend
les chemins de son destin :
Les
grand-routes sont aux marchands,
Des
itinéraires d’armées en mouvement.
Le
fuyard prend par le travers des collines,
Longe
les petits rus, les médiocres rivières ;
Déserteur,
il se tient à l’écart, il chemine,
Il
marche en biais vers son éternité entière.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Tout
va bien Matthias, ce matin.
Je
ne sais pas, vraiment, je l’ignore.
J’ai
perdu ma hotte, tous mes pantins.
Il
ne me reste que la vie encore.
Ris,
chantonne, sois en gaîté.
On
t’a promis du pain,
Peut-être
même un lapin.
Un
lapin ? Tout un lapin fumé.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.