dimanche 11 octobre 2015

Exil de Till


Exil de Till

Chanson française – Exil de Till – Marco Valdo M.I. – 2015
Ulenspiegel le Gueux – 6

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).

Pélerin pélerinant


Vois-tu, Lucien l'âne mon ami, il arrive un jour où l'oisillon quitte le nid. Mille circonstances y président. Parfois, l'oiseau reste à deux coups d'ailes du pays et sans presser y fait son nid. Parfois, il lui faut partir au loin sans que l'on sache trop bien quand il revient. Parfois, c'est de son plein gré, parfois il est exilé. C'est ce qui arrive à Till. Till doit partir en exil, Till doit s'humilier et devenir pèlerin. Les juges en ont décidé ainsi. Il est heureux pour Till qu'ils étaient du village…


Mais qu'avait donc fait ce brave garçon ?, demande Lucien l'âne un peu interloqué.


Oh, rien grand-chose ! Mais ce peu était encore de trop aux yeux des bigots. Till avait – au cours d'une petite beuverie dominicale entre amis – critiqué le parti, le parti des prêtres, le parti de la toute puissante Église Catholique. Il accusait l'Église de tirer profit de la Fête des Morts – ce qu'elle fait encore à présent. Bref, il la disait vénale et chère pour le peuple. C'était une manière de protestation. Et la protestation contre l'Église et ses exactions était vraiment mal vue en ce temps-là. S'en prendre à l'Église, c'était blasphémer et le blasphème était très sévèrement puni.


On en a brûlé pour moins que ça, dit Lucien l'âne. Je l'ai vu de mes propres yeux tout au travers de l'Espagne, la France, les Pays-Bas et même, l'Italie.


Je te disais le blasphème… C'est un truc pervers. J'y reviens pour une parenthèse à ce sujet, une parenthèse contemporaine… Till ne serait pas trop rassuré d'entendre nos bons religieux d'aujourd'hui s’efforcer remettre le délit (le « crime ») de blasphème au goût du jour – ici et maintenant, en Europe.


C'est à n'y pas croire, dit Lucien l'âne.


Et pourtant, si on laisse faire ces braves gens, on se retrouvera bientôt aux temps de Till et des bûchers. Il me paraît, Lucien l'âne mon ami, qu'il y a là matière à réflexion et à sonner l'alarme.


En effet, c'est là une nouvelle bien inquiétante. Le pire – et je l'ai vu faire souvent – c'est que ça commence toujours doucement, tout doucereusement. Puis, on serre, on serre jusqu'à l'étranglement des mécréants. Ces religieux ont de ces manières et toujours, ils tentent de faire croire que c'est pour notre plus grand bien. Mais dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, qu'arrive-t-il à Till ?


Écoute, Lucien l'âne mon ami. Écoute bien, car cela pourrait t'arriver. Tout est donc parti d'une petite fête entre amis… Pourtant, il ne serait rien advenu s'il n'y avait eu un traître dans la bande, qui s'empressa d'aller dénoncer Till.


C'est toujours comme ça dans les régimes policiers, dictatoriaux, totalitaires, inquisitoriaux ou théocratiques, qui ne sont finalement qu'une seule et même chose, dit Lucien l'âne qui était allé partout. Il y a toujours de bonnes âmes ou de bons citoyens pour aller dénoncer les récalcitrants.


Comme je te le disais, les juges avaient été assez cléments et sans doute, avaient-ils – comme souvent le font les juges face à des régimes autoritaires – usé de la loi en usage pour protéger Till... À ce stade, même si l'amende, le mois de cachot et l'exil sont de terribles sanctions, Till échappe à bien pire. Ensuite, la chanson narre le départ de Till et le désespoir de sa mère Soetkin, de son père Claes et de son amoureuse, Nelle. Il y a un fait sur lequel j'aime attirer l'attention : c'est cette étrange manie du pardon et de l'humiliation. Ce sont deux pratiques des plus perverses qui soit. Car leur véritable fonction, leur but réel, c'est de rabaisser l'homme libre, la femme libre, l'être libre au rang du disciple, au niveau d'un membre de la communauté. En somme, la brebis doit rentrer dans le troupeau. C'est d'ailleurs là le point central de l'affrontement entre Till le Gueux et le pouvoir, entre l'individu intelligent et la communauté. C'est de cela que veut parler Charles De Coster en écrivant cette épopée.

Eh bien, attendons la suite, même si elle doit être terrible et reprenons notre tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde totalitaire, policier, délateur, dictatorial, religieux, communautaire et cacochyme.




Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Au milieu des fleurs d'avril
Till parlait et Nelle souriait 
Et le vent de la mer chantait.
J'ai froid, j'ai chaud, disait Till.

Le jour des Morts, Till fit la fête.
L'ami Lamme payait les bières.
Tous s'amusaient. Till faisait la bête.
Il dit : la messe des Morts nous coûte cher.

Avec l'Église, on ne badine pas.
Un bon fils collabore, se dit un Judas.
Aux bons pères, il se confessa.
Till a dit ceci, Till a dit cela.

Un mois en prison, un mois en cage.
Les juges tenaient compte de son jeune âge.
Tristesse, repentance, humiliation.
Till allait pieds nus dans la procession.

On bannit l'enfant du pays ; une vilaine punition.
À Rome, on l'envoya chercher sa rémission.
Claes paya l'amende de trois florins
Et munit Till de l’habit de pèlerin.

Tous accompagnèrent Till
Quand il dut partir en exil.
Claes et Soetkin pleuraient.
La belle Nelle se taisait.

Nelle se taisait, Till partait.
Les morts déçus pleuraient.
Tristesse, repentance, humiliation.
À Rome, elle coûte cher la rémission.

Tous les amis accompagnèrent Till
Sur les premiers pas de l'exil.
Sois prudent, dit Nelle, ou ils te feront brûler.
Till dit : Je suis d'amiante et je reviendrai.

Au bout du chemin où se perd la vue,
Till continua sans se retourner.
Claes et Soetkin ont pleuré.
Nelle encore plus belle s'est tue.



LA VALISE

LA VALISE

Version française – LA VALISE – Marco Valdo M.I. – 2015

Chanson italienne – La valigiaLeo Valeriano1970





Et tout notre courage,
Dans la valise.



La question, Lucien l'âne mon ami, que je me pose… c'est : y a-t-il autant de valises dans les chansons en d'autres langues que l'italien ?


Franchement, Marco Valdo M.I. mon ami, je n'en sais rien. En fait, je ne le pense pas. J'ai même l'impression que cette foutue valise, qui tient à peine debout parfois, est le symbole-même de l'émigration italienne. C'est en tout cas, comme ça, que les immigrés ici en Wallonie le ressentent.


De fait, à propos de l'émigration des gens de tous les pays, j'ai entendu parler de bagages, de sacs, de malles, de boîtes, de caisses… de toutes sortes d'autres objets destinés à contenir les affaires de l'exil, mais pas autant de valises que chez les émigrés italiens… Faudrait voir dans d'autres émigrations et donc dans d'autres langues… Peut-être y en a-t-il chez les émigrés espagnols, portugais, grecs, roumains, russes, tchèques , irlandais… Que sais-je ?

Enfin, quoi qu'il en soit, ces chansons du départ sont toujours assez mélancoliques ; il est vrai qu'on ne quitte pas son village, sa ville, son pays, sa campagne, ses amis, ses parents pour un exil contraint et indéfini sans y être obligé par des circonstances graves, qu'elles soient économiques ou politiques, ce qui revient au même, car il s'agit toujours d'épisodes de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin de conserver leurs privilèges, accroître leurs richesses, étendre leur pouvoir, multiplier leurs bénéfices et renforcer l'exploitation. L'exil de l'émigré est toujours un départ forcé et sans joie, sans enthousiasme. On est loin là de l'aventurier séduit par la perspective des grands espaces ou les mystères de l'inconnu ; d'ailleurs, ce dernier n'emporte pas de valise… Quant à nous, dit Lucien l'âne en hochant son grand col, même si je connais l'exil itinérant depuis très, très longtemps, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde plein d'émigrés volontaires ou non, d'exils politiques, de fuites devant les persécutions, de courses vers la vie et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Une bouteille de vin du pays,
Dans la valise ;
Une poignée de terre,
Dans la valise ;
Et un ciel bleu,
Dans la valise ;
Et tout notre courage,
Dans la valise.

Et tous les champs qu'on a pu voir,
Dans la valise ;
Et les mots qu'on n'a jamais su dire,
Dans la valise ;
Et une grappe de rêves,
Loin, loin, loin, loin, loin…

Et maintenant, le train nous tire vers demain.
Il y a la terre perdue avec l'espérance,
Les rêves qui naissent à l'aube,
Et ne se couchent jamais.

Une bouteille de vin du pays,
Dans la valise ;
Et tous les champs qu'on retient,
Dans la valise ;
Les au revoir à ceux qu'on ne reverra plus,
Dans la valise ;
Et les yeux de la mère,
Loin, loin, loin, loin, loin…
Dans la valise,

Dans la valise.

NOUS QUICHOTTE ou LE RETOUR DE QUICHOTTE

NOUS QUICHOTTE ou LE RETOUR DE QUICHOTTE



Version française – NOUS QUICHOTTE ou LE RETOUR DE QUICHOTTE – Marco Valdo M.I. – 2015

Chanson italienne - Noi, Chisciotte (Prima : Il ritorno di Quixote) Marco Rovelli



Il faut imaginer un incendie immense

Pour éclairer les lieux où le noir déborda.
Ainsi Quichotte empoigne à nouveau sa lance
Avec l'autre cavalier, au nom de Sancho Panza







Voici donc la version française de la chanson de Marco Rovelli. Elle intègre les deux versions en une seule et voici pourquoi.
J'étais revenu à cette chanson, un peu par hasard… Comme le titre en avait été changé, et comme ma mémoire est assez déroutée par les centaines de chansons présentes sur ce site, j'ai traduit cette chanson une nouvelle fois et c'est en tenant de la retrouver dans le site, que j'ai trouvé ma précédente version française et votre requête à traduire la nouvelle strophe introduite entretemps.
Je le fais bien volontiers. Cependant, je trouve dommage d'abandonner la première version et tout spécialement cette deuxième strophe qui était à mes yeux, le passage le plus important de la chanson. Il suffit de lire le long commentaire que j'en avais fait : comment abandonner, occulter Spartacus, les anabaptistes de Münster, Giordano Bruno, Baruch Spinoza, William Blake, Van Gogh et Mattei ? Tous, étoiles éclairant la grande ombre qui enfouit les hommes.
Comment et pourquoi occulter l'histoire ?
Mais bien évidemment, l'auteur peut proposer de nouvelles versions et cela n'empêche pas les anciennes versions d'exister.
Je propose donc une version française où l'on trouve les deux deuxièmes strophes.



Cela me paraît la meilleure des solutions, dit Lucien Lane. Mais cela implique qu'on remette dans la version italienne la première version de la deuxième strophe. On aurait ainsi une chanson complète.



Certes, dit Marco valdo M.I. et j'ai donc reconstitué une version complète en italien, que voici :



Il ritorno di Quixote ou Noi, Chisciotte





Dedicata a don Quixote e al coro di tutti i folli visionari della Storia.

trascritta dal video




Ma la libertà mio caro Cervantes
Che parola strana
libertà perché, libertà di chi
Libertà puttana
Sola libertà inseguire un sogno senza padrone
E da quel che amo, da quello solo dipenderò

In un tempo di astuti rapaci
In cui dei son banchieri e mercanti
Io ritorno a montar Ronzinante
E la lancia in resta è la mia libertà
Libertà è potersi dire. io ti stringo
Ti stringo la mano
Anche se l’uomo è un lupo per l’uomo
Se non c’è perdono per chi ama di più
Non ho mai smesso di lottare
Contro il mulinar del male
La sua libertà di macinare vento Incatenare
Di spargere tempesta mentre il trono se la ride
Perciò il cielo dei giganti io ritorno ad assaltare

Ma la libertà mio caro Cervantes
Che parola strana
libertà perché, libertà di chi
Libertà puttana
Sola libertà inseguire un sogno senza padrone
E da quel che amo, da quello solo dipenderò

Seminare visioni sulla terra come il sale
Non affrettare il tempo
che qualcosa al tempo viene
Come
Spartaco che spezza con la spada le catene
Come poi fecero a Miuster quei fratelli spiritati
E sui monti
Dolcino con la bella Margherita
Che in mezzo al fuoco
Il sole le si sciolse tra le dita
Come
Giordano Bruno in quella piazza
Ormai sfiorita sapeva che la vita è una sola ed infinita…
e
Baruc il rinnegato sulla sulla sua stola di stelleWilliam Blake canta gode, ride a crepapelle
e il mio amato
Van Gogh lui santo tra i santi
insieme a George Matai una comunità d'amanti
e il poeta illuminato alla comune in grande gente
e un'infinita schiera d'innominata gente
ed io tra loro a fare il coro e a sfoderar la lancia
insieme ad un altro cavaliere di nome Sancho Panza




Ma la libertà mio caro Cervantes, che parola strana
Libertà per che? Libertà di chi? Libertà puttana!
Sola libertà è inseguire un sogno senza padrone
E da quel che amo, da quello solo dipenderò

Quando il cuore ha sostanza non c'è niente da fare
E un mattino di luglio partii a conquistare
Mi scuoteva la vita, il suo eroico furore
E la buona novella, Dulcinea è la più bella
Seminare visioni sulla terra come sale
Ed affrettare il tempo che qualcosa al tempo viene
Che lo schiavo può spezzare con la spada le catene
Perché libertà è godere delle rose e avere il pane
Un fuoco di incendio bisogna immaginare
Far luce dove il buio sembra straripare
Perciò un Chisciotte torna ad impugnar la lancia
Con l'altro cavaliere, di nome Sancho Pancza


Ma la libertà mio caro Cervantes
Che parola strana
libertà perché, libertà di chi
Libertà puttana
Sola libertà inseguire un sogno senza padrone
E da quel che amo, da quello solo dipenderò

E per la libertà solo per quella noi viviamo
la libertà è essere all'altezza dell'umano
perché lo so lo credo che qualcosa poi accadrà
noi scambieremo più il timore libertà





Voilà qui est bien... Voyons donc cette fois en français, cette version complète. Et cela fait, retournons à notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde couvert d'ombre, sombre, pénible, baigné de terreur, arrosé de peur et cacochyme.






Heureusement !






Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Mais la liberté cher Cervantès
Quel mot étrange, liberté
Liberté pourquoi, liberté qu'est-ce
Liberté putain, putain de liberté
La seule liberté de rêver sans maître
Celle que j'aime, la seule dont je veux dépendre

En un temps de rapaces rusés
Où les dieux sont marchands ou banquiers
Je reviens avec Rossinante combattre
Avec ma lance qui est ma liberté
Liberté est pouvoir se dire. Je te serre
Je te serre la main
Même si l'homme est un loup pour l'humain
S'il n'y a pas de pardon pour les amants
Je n'ai jamais cessé de lutter
Contre le mal tourbillonnant
Sa liberté de moudre du vent, de déchaîner
D'épandre la tempête pour amuser les puissants
Je reviens prendre d'assaut le ciel des géants



Mais la liberté cher Cervantès
Quel mot étrange, liberté
Liberté pourquoi, liberté qu'est-ce
Liberté putain, putain de liberté
La seule liberté de rêver sans maître
Celle que j'aime, la seule dont je veux dépendre



Semer comme le sel des visions sur la terre
Ne pas précipiter les moments
Chaque chose vient en son temps
Comme Spartacus brisa les chaînes
Comme ensuite firent à Munster ces frères inspirés
Et dans les montagnes Dolcino et la belle Marguerite
Dont le soleil au milieu des flammes maudites
Dénoua les doigts suppliciés.
Comme Giordano Bruno sur cette place
Maintenant défleurie savait que la vie est une et infinie…
et Baruc le renégat dans son étole d'étoiles
William Blake chante heureux, rit à pleine gorge
Et saint parmi les saints, mon Van Gogh tant aimé,
Avec George Matai font une communauté d'amants
Et le poète illuminé de la Commune, grandes gens
Et un cortège infini de gens jamais nommés
Et moi parmi eux dans le chœur et je dégaine ma lance
Avec Sancho Panza, l'autre cavalier d'errance.




Mais la liberté cher Cervantès
Quel mot étrange, liberté
Liberté pourquoi, liberté qu'est-ce
Liberté putain, putain de liberté
La seule liberté de rêver sans maître
Celle que j'aime, la seule dont je veux dépendre


Lorsque le coeur a de la substance, il n'y a rien à faire
Et un matin de
juillet, je repartis à la conquête.
La vie me secouait, en sa fureur héroïque
Et la bonne nouvelle, Dulcinea est la plus belle.
Répandre sur la terre des visions comme de grains de sel
Et
presser le temps car chaque chose à son temps vient.L'esclave peut briser ses chaînes,La liberté c'est jouir des roses et avoir le pain.Il faut imaginer un incendie immense
Pour éclairer les lieux où le noir déborda.
Ainsi Quichotte empoigne à nouveau sa lance
Avec l'autre cavalier,
au nom de Sancho Pancha




Mais la liberté cher Cervantès
Quel mot étrange, liberté
Liberté pourquoi, liberté qu'est-ce
Liberté putain, putain de liberté
La seule liberté de rêver sans maître
Celle que j'aime, la seule dont je veux dépendre


Et nous vivons pour la seule liberté
La liberté d'être à la hauteur de l'humain
Car je sais ce qui adviendra demain :
Nous changerons la peur en liberté.