La Danse de Lamoral
Chanson
française – La Danse de Lamoral – Marco Valdo M.I. –
2018
Ulenspiegel le Gueux – 42
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XVI)
Ulenspiegel le Gueux – 42
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XVI)
Décidément,
Marco Valdo M.I. mon ami, tu
as le chic pour donner des titres équivoques à tes chansons et si
je ne l’avais pas déjà vu écrit, j’aurais pensé que ta
chanson évoquait je ne sais quelle cérémonie d’initiation
civique ou religieuse ou une sorte d’audacieuse méthode
avant-gardiste d’enseignement de la morale, une variante de « La
danse du feu », par exemple. Je me serais imaginé une
explication ethnologique ou une discipline ethnographique. Bref,
j’aurais cherché quel aurait pu être l’objectif d’une
chorégraphie, intitulée « La Danse de la Morale » ;
j’essayais de me figurer toute une classe, toue une jeunesse
entraînée dans des mouvements d’une grâce singulière. À moins
encore qu’il ne s’agisse d’une sorte de description d’un
personnage dénué de principes : « La danse de
l’amoral », un
ballet objectif ou réaliste, en quelque sorte.
Ce n’est évidemment
pas ça. J’ai cru un moment à une erreur de composition et que ce
serait une chanson de marine : « La danse de l’amiral ».
Mais non, je le vois à tes yeux rieurs, il ne s’agit pas de ça
non plus. J’aurais
vogué en plein mystère. J’y
suis encore avec le titre effectif,
vraiment, je ne suis pas
plus avancé, car que
peut bien être « La danse de Lamoral » ?
Alors, dis-le moi !
Je brûle de le savoir.
En
tout cas, Lucien l’âne mon ami, j’ai réussi à susciter ton
intérêt. C’est déjà une bonne chose. Mais venons-en au fait et
à ce Lamoral qui t’intrigue tant. Lamoral, comme beaucoup de gens
l’ignorent, est un prénom français, fort peu usité, sauf dans
certaines familles nobles et ce Lamoral de ma chanson n’est autre
que le Comte d’Egmont, fort titré et dont la fonction principale
est d’être le Gouverneur (stadthouder) de Flandre et d’Artois,
soit la partie sud-ouest des Pays-Bas, qui sont encore à ce moment
entièrement sous domination espagnole. Il est le plus haut
représentant du roi dans ces régions. Son influence et sa
réputation sont considérables. Il est également un de ceux qui se
font traiter de « gueux », même s’ils sont encore
« fidèles au roi ». C’est ce même Egmont à qui
Beethoven consacrera une de ses œuvres (op.84) les plus célèbre,
sous le titre « Egmont » ; mais de cela, on aura
l’occasion de reparler quand on remémorera son exécution, le
8 juin 1568 – il y
a exactement 450 ans ; une
exécution que Till, tel une Cassandre moderne, annonce dans un
diptyque énigmatique :
« Quel
est le plus rouge ? Le vin qui entre au gosier
Ou
le sang qui coule du cou tranché ? »
à
Egmont, lequel ne semble pas vouloir le comprendre, ni même
l’entendre. On ne connaîtra jamais la réponse que Lamoral
d’Egmont aurait pu apporter à ces questions. Ainsi, ma chanson
aurait pu aussi bien s’intituler « L’annonce faite à
Egmont ».
Oui,
dit Lucien l’âne, c’est une chanson dramatique et de cette mort
d’Egmont, on en reparlera certainement. En attendant, il nous faut
continuer notre tâche et tisser, tisser encore le linceul de ce
vieux monde sanguinaire, dramatique et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco
Valdo M.I. et Lucien Lane
Lamoral
lui-même, Lamoral
Prince
de Gavre, comte d’Egmont
S’en
revient au pas de son cheval
De
souper avec l’abbé de Saint-Bavon.
Soudain,
une voix dans la nuit
Parle
des lendemains.
Un
homme marche à côté de lui,
Une
lanterne à la main.
Egmont
grogne : « Que veux-tu ?
Laisse-moi,
va-t’en, malotru ! »
« Je
cherche un homme, j’éclaire ton chemin
Pour
que demain soit certain. »
« Quand
même, dit Till, écoute mon avis ! »
« Cette
lanterne est un fanal
Qui
d’ici, éclaire dedans l’Escurial. »
« Peu
me chault ta lanterne, l’ami. »
Et
Till prend le cheval au mors,
Il
tient la bête qui rue fort.
« Sur
ton cheval, Lamoral, tu danses ;
Sur
ton col, Egmont, ta tête pense.
Egmont,
homme sans défiance,
Le
roi espagnol en sa démence
Veut
laisser intact ton corps
Et
s’assurer de ta tête de mort.
« Du
fouet, méchant ratiocineur ! ».
« Les
cendres sur ma poitrine encor
Disent
qu’Egmont, comte et seigneur,
Seul
peut sauver les Pays du Nord. »
Le
fouet s’élève, Till cavale
Loin
des coups furieux de Lamoral.
« Mange
des lanternes, écoute la nuit,
Fais
ce qu’elle dit, sauve les Pays. »
Un
jour d’été, le soleil rit.
Lamoral
arrête son cheval au Cochon bigarré,
Une
auberge tenue par Musekine, la gentille souris.
Egmont
crie « À boire ! », dressé sur ses étriers.
C’est
Till le serveur, c’est Till qui vient
Avec
à la main, un plein flacon de vin.
« Quel
est le plus rouge ? Le vin qui entre au gosier
Ou
le sang qui coule du cou tranché ? »