mercredi 30 juillet 2014

MES BIEN CHERS FRÈRES... Enfin vous voilà !


MES BIEN CHERS FRÈRES... Enfin vous voilà !

Version française - MES BIEN CHERS FRÈRES... Enfin vous voilà ! – Marco Valdo M.I. – 2014
d'après la version italienne de Stanislava
d'une
Chanson tchèque – Tak vás tu máme (Bratři) – Karel Kryl – 1968



Ryzsard Siwiec (née à Dębica le 7 Mars 1909, mort à Varsovie le 12 septembre 1968) fut la première personne à s'immoler par le feu pour protester contre l'invasion de la Tchècoslovaquie en 1968. Il accomplit ce geste au stade de Varsovie à l'occasion de la fête de la récolte. Bien que son suicide fut repris par une caméra et que tout se fut produit en présence des chefs du parti communiste polonais et de très nombreux spectateurs, son geste n'eut pas d'écho dans les moyens de communication de masse et son nom resta presque méconnu. La presse polonaise n'en fit pas mention et le Parti Communiste Polonais en effaça toute trace. Peu de gens se rendirent compte de ce qu'il avait voulu obtenir par son sacrifice. Seulement après la chute du régime, on lui consacra un film documentaire tourné du réalisateur polonais Maciej Drygas (Usłyszcie mój krzyk – Entendez mon cri) et lui furent conférés des prix tchèque, slovaque et polonais.

Merci Krzysztof pour cette contribution ! Il y a quelque temps, je me suis fixé comme objectif d'agrandir un peu la section en langue tchèque de ce site, mais pour l'instant la chose va au ralenti… Honnêtement, il y aurait beaucoup à faire. Parmi tant de chansons que j'avais dans la tête, il y avait aussi celle-ci ici. :)
J'ai vu que dernièrement tu as inséré beaucoup de chansons en polonais. Je connaissais jusqu'à présent trop peu de la musique polonaise en général, c'est donc pour moi une occasion de nouvelles découvertes.
Merci aussi pour la note sur le « prédécesseur » polonais de Jan Palach, je dois admettre que je ne connaissais pas ce fait. Je savais que Palach ne fut pas le seul à accomplir ce geste fatidique mais je n'étais pas au courant qu'il y avait eu des cas même au-delà des frontières. Voilà ce qui se passe lorsque à l'insuffisante diffusion de l'information (souvent voulue et programmée, comme dans ce cas) s'ajoute aussi la barrière linguistique. ! Et ici de barrière linguistique, il n'est même pas licite d'en parler vu que les nôtres sont des « langues sœurs ». Mais souvent je me suis aperçue qu'en dehors de l'aire slave, il existe une énorme difficulté d'interpréter ce monde renfermé à l'intérieur de langues indéchiffrables. Comme du reste, cela se passe pour tant d'autres zones du monde dont les langues ne sont pas parmi les plus connues. Je suis optimiste de par nature et j'ai pu constater que dans le monde entier, il y a pourtant beaucoup de personnes ouvertes aux autres cultures et ce site me semble en être un témoignage des plus clairs, et un excellent point de rencontre. Mais il est plus que compréhensible que, étant donnée la difficulté linguistique, il y ait besoin d'un peu d'aide et collaboration. J'ai dans la tête d'insérer encore différentes chansons en langue tchèque (maintenant on peut dire que j'ai seulement commencé), en racontant un peu aussi leur histoire, et en tentant de les rendre en italien – même si, parfois, elle n'est pas une tâche facile. Pour mettre à disposition certain événement moins connu, quelque fragment d'histoire, des liaisons intertextuelles… Une manière de contribuer… Je ne sais pas à qui peut paraître intéressant ce que je fais, mais de toute façon, ça me plaît de le faire et s'il y a même seulement une personne qui par curiosité lira ce que j'ai écrit, je serai déjà contente. Salut à tous !
Stanislava- 11/9/2013 - 22:58

Et donc vous voilà là, mes frères du sang de Caïn,
Messagers de la nuit qui nous enfoncez un poignard dans le dos,
Vous voilà là, donc, frères, neveux de Staline,
Cependant, pas comme hier, désormais sans les fleurs de lilas.
Eh bien merci pour les colombes de la paix en fer,
Merci pour vos baisers au goût d'amandes amères.
Sur une terre gracieuse, on a assassiné la foi.
Sur le sentier les fruits rouges de l'églantier, en manière de monument aux morts.

À vous nos remerciements et nos bras chaleureux
Pour les provocations et pour les tirs contre nos enfants,
Que nos maisons soient vos maisons.
Les cimetières odorant de plomb sont témoins.
Je sais, ce serait une erreur de cracher sur les tombes,
À nous reste l'espoir, nous fûmes et nous serons.
Bien merci à vous, frères agresseurs,
Merci beaucoup, nous n'oublierons jamais,
Nous n'oublierons jamais !

mardi 29 juillet 2014

Les Funérailles d'antan


Et même, à la grande rigueur, ne pas mourir du tout.


Les Funérailles d'antan
Chanson française - Georges Brassens 1958



http://www.youtube.com/watch?v=bwb5k4k2EMc (idem avec texte en espagnol)

Et en cadeau : Brassens chez lui :





J'avais traduit « L'Uomo » de Guccini et il y avait là un relent d'âme pas très ragoutant. Mais j'avais quand même traduit, juste primo parce que c'était Francesco Guccini, ensuite, deuzio, parce que je dois d'abord traduire pour comprendre, troizio, car il y avait une excellente (que dis-je, une superbe... rien que pour elle, j'aurais tout traduit) introduction de Riccardo Venturi et quatrio, car le Guccini m'avait tellement pompé l'air avec son histoire d'âme que j'ai voulu y mettre aussi une petite introduction à ma façon. On ne se refait pas, même si on se réincarne – en âne, par exemple, comme tu en es le plus estimable représentant.
Et puis, cette conclusion du bon Guccini :
« Seulement quelque chose qui s'envole
Dans l'air calme
Et puis s'évanouit,
On ne saura jamais pour où.
jamais, jamais, jamais, jamais, jamais... », j'y avais répondu à ma manière, celle du mécréant élémentaire, descendant par vocation du célèbre Monsieur de Cro-Magnon, lequel campait en Europe bien avant toute racine de l'âme.


Cependant, dit Lucien l'âne en riant de plus belle, il y avait déjà à l' époque de Cro-Magnon et même bien avant, et là tu peux le croire sans réserve, ce « quelque chose qui s'envole
Dans l'air calme Et puis s'évanouit, On ne saura jamais pour où. jamais, jamais, jamais, jamais, jamais... »... Quoi donc ? Les pets et, je te l'assure, ceux de l'ure et l'auroch trouaient à qui mieux mieux la couche d'ozone. Imagine les diplodocus ou les tyrannosaures... Mais quel rapport que tout cela peut bien avoir avec la chanson dont tu veux me tenir le texte et l'interprétation ?


Bien. Je t'explique. Comme disait Ferré : « On vit, on mange et puis on meurt », voilà le point de contact. On meurt. Généralement, on ne le fait pas exprès, mais peu importe. Et puis, une fois mort, il y en a qui se rengorgent, qui se font porter en terre ou en feu comme des divinités égarées, fiers de leur importance (dès lors passée), rodomontades et compagnie, pleurs, fleurs, couronnes, discours, cortèges... Bref, pompes funèbres à tout va. Évidemment, la chose coûte et cher encore bien. C'est là un des aspects de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres – même déjà morts. Même morts, ils veulent parader, ils veulent imposer. La chose est folle, mais c'est la chose. Elle est folle, elle est ridicule, elle est pédante, elle est arrogante et c'est ce que raconte la chanson. Oh, ce n'est pas n'importe quelle chanson et surtout, ce n'est pas n'importe quel chanteur, auteur, poète ironique... C'est Tonton Georges soi-même qui les chante en rigolant dans ses moustaches ces « Funérailles d'antan ». Et cette merveilleuse approche de la lutte finale : « J'aimerais mieux mourir dans l'eau, dans le feu, n'importe où
Et même, à la grande rigueur, ne pas mourir du tout. »


Oui, ben moi aussi... et en plus, elle permet de faire un peu le point sur cette vieille blague qu'est la mort et ce qui s'ensuit. Tu vois, Marco Valdo M.I., mon ami, nous les ânes, on ne fait pas tant d'histoire. On se contente de finir la vie en mourant – comme Boris Vian, qui disait, je cite de mémoire d'âne : « Un mort, c'est complet. C'est terminé. On n'est pas complet tant qu'on n'est pas mort. »  Le fond de l'affaire, c'est la complétude. Après, ce n'est plus notre affaire, peut-être et même certainement, est-ce celle des mouches et des vers. Ou des flammes, maintenant qu'on vous brûle pour que l'on prenne moins de place. Au fait, à partir en fumée, on est des millions, on est des milliards et finalement, on le sera tous quand la Terre explosera... En attendant, occupons-nous de la vie en souriant, en riant même et tissons sans nous en faire le linceul de ce vieux monde prétentieux, superstitieux, religieux, imbécile et décidément, cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Jadis, les parents des morts vous mettaient dans le bain,
De bonne grâce, ils en faisaient profiter les copains.
" Y a un mort à la maison, si le cœur vous en dit,
Venez le pleurer avec nous sur le coup de midi... "
Mais les vivants aujourd'hui ne sont plus si généreux,
Quand ils possèdent un mort, ils le gardent pour eux.
C'est la raison pour laquelle, depuis quelques années,
Des tas d'enterrements vous passent sous le nez.

Mais où sont les funérailles d'antan ?
Les petits corbillards, corbillards, corbillards, corbillards
De nos grands-pères,
Qui suivaient la route en cahotant,
Les petits macchabées, macchabées, macchabées, macchabées
Ronds et prospères...
Quand les héritiers étaient contents,
Au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux même,
Ils payaient un verre.
Elles sont révolues,
Elles ont fait leur temps,
Les belles pom, pom, pom, pom, pom, pompes funèbres.
On ne les reverra plus
Et c'est bien attristant,
Les belles pompes funèbres de nos vingt ans.

Maintenant, les corbillards à tombeau grand ouvert,
Emportent les trépassés jusqu'au Diable Vauvert.
Les malheureux n'ont même plus le plaisir enfantin
De voir leurs héritiers marrons marcher dans le crottin.
L'autre semaine des salauds, à cent quarante à l'heure,
Vers un cimetière minable emportaient un des leurs,
Quand, sur un arbre en bois dur, ils se sont aplatis,
On s'aperçut que le mort avait fait des petits.
On s'aperçut que le mort avait fait des petits.

Mais où sont les funérailles d'antan ?
Les petits corbillards, corbillards, corbillards, corbillards
De nos grands-pères,
Qui suivaient la route en cahotant,
Les petits macchabées, macchabées, macchabées, macchabées
Ronds et prospères...
Quand les héritiers étaient contents,
Au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux même,
Ils payaient un verre.
Elles sont révolues,
Elles ont fait leur temps,
Les belles pom, pom, pom, pom, pom, pompes funèbres.
On ne les reverra plus
Et c'est bien attristant,
Les belles pompes funèbres de nos vingt ans.

Plutôt que d'avoir des obsèques manquant de fioritures,
J'aimerais mieux, tout compte fait, me passer de sépulture,
J'aimerais mieux mourir dans l'eau, dans le feu, n'importe où
Et même, à la grande rigueur, ne pas mourir du tout.
Ô, que renaisse le temps des morts bouffis d'orgueil,
L'époque des m'as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil,
Où, quitte à tout dépenser jusqu'au dernier écu,
Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul.
Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul.

Mais où sont les funérailles d'antan ?
Les petits corbillards, corbillards, corbillards, corbillards
De nos grands-pères,
Qui suivaient la route en cahotant,
Les petits macchabées, macchabées, macchabées, macchabées
Ronds et prospères...
Quand les héritiers étaient contents,
Au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux même,
Ils payaient un verre.
Elles sont révolues,
Elles ont fait leur temps,
Les belles pom, pom, pom, pom, pom, pompes funèbres.
On ne les reverra plus
Et c'est bien attristant,
Les belles pompes funèbres de nos vingt ans.








dimanche 27 juillet 2014

LES EMPERLEUSES

LES EMPERLEUSES


Version française – LES EMPERLEUSES – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson italienne (vénitien) – Le ImpiraresseLuisa Ronchini – 1977
D'après la version italienne de Rino De Michele d'une canzone de la seconde moitié du XIXième siècle

http://chansonsdumonde.blogspot.com/2014/07/lesemperleuses-versionfrancaise-les.html

Chant de lutte recueilli par Luisa Ronchini et publié en 1978 dans le disque « la femme dans la tradition populaire ». Les « impiraresses », les enfileuses de perles vénitiennes, travaillaient à domicile pour le « conterìe », les verreries de Murano. Un travail qui consistait à enfiler des petites perles de verre ou sur des fils de coton spécial, pour être utilisé dans l'habillement (des broderies et des colliers), ou bien sur le fil de fer, pour créer des objets décoratifs. Un métier qui demandait de la patience et de l'adresse et qui aussi était une des activités les moins payées, avec une exploitation de la main-d’œuvre à bas coût qui commençait dès huit ans et se poursuivait jusqu'à un âge tardif.





Nous sommes les enfileuses de perles
Nous sommes là le cœur plein
Dans nos veines coule
Le feu du sang vénitien.

Rien ne nous arrête
Quand nous sommes en colère
Nous sommes des femmes qui emperlons
Et qui emperle a raison

Tout le jour, on travaille
Comme des machines vivantes
Entre tromperies et privations
Au milieu de mille humiliations.

Nous sommes des filles qui brûlent
Les plus belles années de leur vie
Pour quelques deniers
Qui ne suffisent pas pour manger.

Même notre écope peut le dire
Chaque larme que nous faisons
Chaque perle que nous enfilons
Est une goutte de sueur.

Pour nous autres pauvres
Il n'y a rien d'autre à faire
Qu'abaisser toujours la tête
Et travailler en silence.

Ils nous maltraitent quand nous sommes silencieuses
Si nous nous plaignons
Nous sommes traitées de voleuses
Et jetées en prison.

Aux patrons qui veulent
Tout pour eux
Avec notre écope, nous défaisons
À leurs dames le chignon .


jeudi 24 juillet 2014

Communiqués

Communiqués

Canzone française – Communiqués – Marco Valdo M.I. – 2014

Le Livre Blanc 8

Opéra-récit contemporain en multiples épisodes, tiré du roman de Pavel KOHOUT « WEISSBUCH » publié en langue allemande – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1970 et particulièrement de l'édition française de « L'HOMME QUI MARCHAIT AU PLAFOND », traduction de Dagmar et Georges Daillant, publiée chez Juillard à Paris en 1972.






















Mon ami Lucien l'âne, encore une canzone paradoxale, comme son titre te 
l'indique : « Communiqués ».


Eh bien, Marco Valdo M.I. mon ami, rien ne va droit dans cette histoire du Livre Blanc. A-t-on déjà vu une chansons constituée de communiqués ? Car j'imagine que c'est de cela qu'il s'agit...


En effet, c'est bien de cela qu'il est question : une chanson constituée de communiqués. Comme tu le sais, le communiqué est – dans notre univers médiatique – une forme très particulière de message. Je résume : entre personnes, on converse, on parle, on échange des propos, on communique l'un avec l'autre et réciproquement. C'est d'ailleurs le sens du verbe « communiquer ». Mais, si à ce stade la communication est assez informelle et s'en va au gré des relations entre les personnes et des mots, des idées, des sentiments qu'elles se communiquent, la communication prend d'autres allures quand il s'agit de communication venant d'institutions. Il s'agit de peser les mots et de peser du poids de l'institution sur le monde qui l'environne. On opère alors sur de plus grands nombres de gens. On ne peut laisser la chose au hasard, il s'agit d'une communication qui engage divers responsables et dès lors, elle prend des allures officielles et de ce fait, plus guindées. Ce type de message, cette communication formelle prend la forme du « communiqué ». C'est un texte « ne varietur » qui est diffusé par les moyens les plus appropriés et généralement, les plus étendus.


Tout cela est fort bien et cependant, je ne vois toujours pas ce que devient dans cette histoire de communiqués notre histoire d'Adam, qui marchait au plafond.


J'y viens, j'y viens. Évidemment, comme tu le dis, rien ne va droit dans cette affaire. L'aventure d'Adam, le premier homme qui marche au plafond – et pas seulement, il s'y assied, il s'y couche, il y dort … perturbe pas mal de monde et sape les fondements sur lesquels reposent de solides institutions qui ne peuvent dès lors laisser faire les choses sans réagir. Et c'est ainsi qu'on a droit à un communiqué de l'Académie des Sciences, un deuxième du Ministère de l'Éducation et un troisième de la Fédération sportive, sans compter tous les autres qui ne sont pas repris dans la chanson. Je te rappelle qu'on a déjà eu l'opinion du clergé avec Le Jeu du Diable. Je te laisse le plaisir de les découvrir. Mais une dernière réflexion, dans notre société médiatisée où la communication est en quelque sorte une phase de guerre, le communiqué est une arme lourde et plus lourde encore lorsqu'elle vise des personnes. D'ailleurs, la forme la plus achevée du communiqué est sans doute le communiqué de guerre et son double : le communiqué de presse. Le communiqué permet beaucoup de choses et vise avant tout pour l'institution qui l'émet à marquer sa position, désigner son camp et à stigmatiser ses ennemis. Ici, c'est notre Adam qui est au cœur de ce tir de barrage.


Je l'imaginais bien. Tout comme, j'imagine que ces communiqués rejoignent au panthéon des bêtises tous les communiqués du monde. De toute façon, avec le communiqué, comme on dit chez nous : « Ça ne rigole plus ». Le communiqué, c'est la parole en uniforme... Cela dit, il nous revient de poursuivre notre tâche et de tisser inlassablement le linceul de ce monde médiatique, communicant, institutionnel et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




L'Académie des Sciences communique :

L'homme devient le maître de la nature
Il a vu la face cachée de la Lune
Le monde est connaissable
Ses lois sont formulables
Galilée formula l'inertie
Newton formula la gravitation
Einstein formula sa théorie
Ce sont là les conceptions
De l'essor humain vers
Les limites de l'Univers.


Le Ministère de l'Éducation communique :

L'enseignement de la physique
N'est en rien modifié
Le programme des examens n'est pas changé
Enseignants et professeurs de physique
Doivent s'en tenir aux directives
Ils ne peuvent agir d'initiative
En aucune manière,
Sous peine, que la chose soit claire,
De sanctions disciplinaires
Extrêmement sévères.


La Fédération de l'Éducation Physique et des Sports communique :

Vive le sport ! Vive le sport ! Vive le sport !
Tous les records de saut en hauteur,
De saut à la perche, de saut en longueur
Et de triple saut restent valables
Les seules performances sportives acceptables
Sont celles réalisées sans intervention
De l'intellect et de la réflexion.
En saut, les nouveaux champions
Devront se soumettre aux tests normalisés
Leur quotient intellectuel ne pourra excéder
Les limites fixées, sous peine de disqualification.
Vive le sport ! Vive le sport ! Vive le sport !




mercredi 23 juillet 2014

NI RAISINS, NI AMANDES

NI RAISINS, NI AMANDES

Version française – NI RAISINS, NI AMANDES – Marco Valdo M.I. – 2014
d'après la version italienne de Riccardo Venturi
d'une chanson yiddish Nitkayn rozhinkes, nit kayn mandlen – Isaiah Shpigl – Dovid Beyglman [David Beygelman] – 1943




Ni raisins secs, ni amandes,
Papa est parti pour affaires

Dors, mon enfant, dors !
Dors, mon enfant, dors !

(Photo du ghetto de Lodz : Henryk Ross)



Paroles d'Isaiah Shpigl (1906-1990), écrivain, poète et professeur qui survécut à la liquidation du ghetto de Łódź et à l'Holocauste
Musique de David Beyglman, qui par contre fut tué Auschwitz en août 1944, peu de jours après sa déportation de Łódź.
La chanson a été interprétée par beaucoup, par exemple par Abraham Brun dans l'album « Songs of the Ghetto », Folkways Records, 1965.

Le texte translittéré du yiddish a été trouvé sur Music and the Holocaust ; le texte original en caractères hébraïques est par contre une image reproduite de Der Yidisher Tem-Tem, revue pour l'apprentissage de la langue yiddish. L'image reproduit même le portrait de l'auteur des vers, Isaiah Shpigl.


Isaiah Shpigl écrivit cette chanson en mémoire de sa fille Eva, morte de privations dans le ghetto, la même fin que fit la femme de Beyglman.

Il l'écrivit en parodiant avec douleur et amertume une célèbre berceuse yiddish, Rozhinkes mit mandlen, composée en 1880 par le poète juif russe Abraham Goldfaden. À la tendresse et à l'optimisme du texte original (un père est lointain pour affaires mais il reviendra en apportant à son enfant des raisins secs et des amandes pour qu'il grandisse en bonne santé et puisse devenir un étudiant et un homme d'affaires lui aussi) se substitue ici le désespoir d'une mère qui, malgré tout, cherche de quelque façon à consoler son enfant, en le leurrant mais sans lui cacher la vérité : "papa reviendra, il n'y a pas doute, avec un sac de petits raisins et d'amandes, mais il n'y a maintenant rien à manger, car papa est parti et pas pour affaires ; il est loin, si loin, à la fin du monde, pendant que tout autour de nous, ululent les hiboux et hurlent les loups…"




Ni raisins secs, ni amandes,
Papa est parti pour affaires
Dors, mon enfant, dors !
Dors, mon enfant, dors !

Il nous a laissés,
Au bout du monde, il s'en est allé.
Dors, mon enfant, dors !
Dors, mon enfant, dors !

Ululent les chouettes, hurlent les loups,
Dieu nous aide et ait pitié de nous,
Dors, mon enfant, dors !
Dors, mon enfant, dors !

Il est quelque part et cherche
Des tas de raisins secs et d'amandes
Dors, mon enfant, dors !
Dors, mon enfant, dors !

Il reviendra un jour et alors
Il prendra soin de toi, mon trésor,
Dors, mon enfant, dors !
Dors, mon enfant, dors !