dimanche 28 juillet 2013

Ballade des Pauvres

Ballade des Pauvres


Chanson française – Ballade des Pauvres – Marco Valdo M.I. – 2013



Holà, Marco Valdo M.I. mon ami, j'entends que tu viens de nous faire une parodie et de Villon encore... De sa si belle Ballade des Pendus [[5843]]... Et bien, mon ami, mon frère humain, là, je te le dis tout net, tu oses... faut espérer que Villon voudra bien t'absoudre...


Faut l'espérer, tu as raison... Mais enfin, Lucien l'âne mon ami, cette parodie, je l'avais promise... Je l'avais commencée ici même lorsque, tout récemment, nous commentions « Vamos a trabajar » [[45160]], l'inénarrable chanson des Charlots. Cependant, tu as raison, s'en prendre ainsi à François Villon, c'est une gageure... mais enfin, j'ai bien traduit des chansons de Riccardo Venturi...


Certes, certes... Là aussi, il faut oser. Mais, passons... Qu'en est-il de ta chanson parodique ? De quoi cause-t-elle ?


En somme, cette chanson est un pendant à celle sur la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres depuis déjà fort longtemps... Aussi loin que se porte la mémoire des hommes. C'est la chanson des pauvres. Elle rappelle Villon, mais aussi Jean Richepin ; elle se tourne vers le bon curé Meslier, vers Brassens, Ferré, Mouloudji, Fanon et bien d'autres. Sans oublier évidemment, Pierre Valdo et la Fraternité des Pauvres, dont nous nous réclamons volontiers. Ce n'est donc pas une simple parodie ; elle se veut en quelque sorte l'hymne de la fraternité des pauvres. Même si, pour les besoins du genre, elle a conservé – question de forme – quelques réminiscences chrétiennes, dans lesquelles baigne le texte de Villon, lui-même pris par les lois du genre... alors que les pauvres que nous sommes et que nous voulons être "non sono cristiani" : ne sont pas chrétiens, comme le disaient les paysans sans terre, travailleurs sans avenir, jeunes sans travail ... là-bas en Lucanie à Carlo Levi.


Tu fais bien de le rappeler : « Noi, non siamo cristiani, siamo somari » - « Nous, nous ne sommes pas des chrétiens, nous sommes des bêtes de somme » et cela nous ne le renierons jamais. C'est d'ailleurs pour cela que nous tissons jour après jour le linceul de ce vieux monde malade de la richesse, de la religion, des croyances et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Frères humains qui près de nous vivez
Et qui de nous pauvres cure n'avez,
Qui les cœurs avez contre nous endurcis,
Jamais n'avons de vous merci.
Vous nous voyez ci à travailler toute notre vie
Et notre chair de malbouffe nourrie
Par mille maladies épuisée et pourrie
Demain nos os seront cendre et poudre
De ce sort infernal, vous faites notre vie
Même Dieu ne pourra vous absoudre !

Si frères vous nommons, pas n'en devez
Avoir fierté, car vous nous avez proscrits
Par votre justice. Toutefois, vous savez
Que les hommes n'acceptent pas ainsi
De vivre à genoux, de rester transis
Appelez-en au fils de la Vierge Marie
Si sa grâce n'est pas déjà pour vous tarie
Afin de vous préserver de l'infernale foudre
Vivants, vous êtes morts et terne votre vie
Et Dieu lui-même ne pourra vous absoudre !

La pluie vous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis:
Pognon, boulot vous ont les yeux crevés
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps vous n'êtes assis;
Puis ça, puis là, comme le vent varie,
À son plaisir sans cesser vous charrie,
Plus affairés pour tant aimer en découdre.
Ainsi ne serez donc de notre confrérie;
Et Dieu lui-même ne pourra vous absoudre !

L'humaine nation, qui de tous est patrie,
N'a que faire de vos seigneuries :
Il ne vous reste qu'à les dissoudre
Hommes, ceci n'est point moquerie;

Car Dieu lui-même ne pourra vous absoudre !

Vamos a trabajar


Vamos a trabajar


Chanson française – Les Charlots – 1984



http://www.wat.tv/audio/charlots-vamos-trabajar-1984-3s8f5_2hz8l_.html



Il est temps de rendre hommage au grand Stakhanov, idole grandiose de tous les travailleurs du monde. Il ouvre devant nous l'abîme d'un avenir radieux où nous nous précipiterons avec enthousiasme.






D'abord, Lucien l'âne mon ami, je voudrais rapprocher cette chanson des Charlots, de celle des Righeira [[42445]] Vamos a la playa, avec laquelle elle ne partage pas seulement le titre, mais une certaine tournure d'esprit et de dérision...Elle raconte d'où vient le goût du rat pour la course au fromage...




Et moi, dit Lucien l'âne en riant d'un air sérieux, qui me demandais pourquoi tous ces humains couraient dès l'aube...




Tu sais, Lucien l'âne mon ami, on leur ferait bien une ballade sur la trame de celle des pendus du père François... Quelque chose comme : frères humains, qui près de nous vivez, cessez de vous démener ainsi... Pour te montrer, voici une strophe ... Une imitation de la ballade... Chez Villon, c'est la dernière...


La pluie vous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis:
Pognon, boulot vous ont les yeux crevés
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps vous n'êtes assis;

Puis ça, puis là, comme le vent varie,
À son plaisir sans cesser vous charrie,
Plus affairés pour tant aimer en découdre.
Ainsi ne serez donc de notre confrérie;
Mais priez Dieu que tous vous veuille absoudre!





Oh, Marco Valdo M.I., mon ami, tu devrais en faire une entière de ballade en imitation de François Villon.




Je sais, je sais... La vraie question, c'est le temps... Mais j'y songe, pendouillant moi aussi selon le sens du vent... Mais deux mots encore à propos de la chanson pour dire que les Charlots avaient mis dans le mille (Émile...) et en noyant tout dans une sorte de curry fait de poivre comique et d'acide ironique. Une chanson décapante... Toute la mécanique de l'aliénation démontée...




Le pire, c'est qu'elle est juste et que ceux qui s'y sont laissés prendre y tiennent et en redemandent. Comme dans la chanson... Et puis, ce qu'ils craignent par dessus tout, c'est d'en être privés... Ainsi, le piège est bien refermé. Tu vois, moi qui suis un âne, moi qui ai une longue expérience du travail obligatoire, imposé par la force du bâton et la séduction de la carotte, je comprends qu'on travaille car on est contraint de le faire, qu'il faut bien vivre, qu'on n'a pas le choix, bref, qu'on doive subir l'esclavage. Ou alors, et c'est plus rare et là, ça vaut la peine, on fait ce qu'on aime et on y trouve une sorte de tranquille plénitude ou de réalisation de soi. Mais ce qui m'échappe chez les accros du STO, c'est leur manie d'en redemander... jusqu'à en crever. Aucun âne n'accepterait ça.. Alors, Marco Valdo M.I., mon ami, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde laborieux, stakhanoviste, glouton, infantile et cacochyme.






Heureusement !






Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Le soleil montre son nez
Puerta de la Chapelle
Il est 7 heures
On met les pinces à vélo
La conchita tendrement
Nous tend la gamelle.
Quel panard, on va au boulot.



Vamos a trabajar,
Vamos a gagner les dollars.
Vamos a trabajar,
Pour la mouquère et les moutards.



De huit heures jusqu'à midi
De une heure à six heures
C'est déjà bien mais il nous faudrait du rab.
Si on pouvait passer la barre des 40 heures
On vivrait tous comme des nababs.



Vamos a trabajar,
Vamos a gagner le caviar.
Vamos a trabajar,
Pour la Mercedes, la Jaguar.



Nous l'aurons la villa et la piscine
Le chauffeur et le jardinier
Pour Pepita le manteau de zibeline
Il suffit d'aller bosser.



Vamos a trabajar,
Vamos a gagner l'or en barre.
Vamos a trabajar,
Pour le cognac et les cigares.



L'été Saint Tropez, Tahiti et l'hiver
Le petit yacht et l'avion.
Si on fait quelques heures supplémentaires
On aura satisfaction.




Vamos a trabajar,
Vamos a gagner les dollars.
Vamos a trabajar,
Pour la mouquère et les moutards.

samedi 27 juillet 2013

LA MAISON AU BORD DU FLEUVE

LA MAISON AU BORD DU FLEUVE



Version française – LA MAISON AU BORD DU FLEUVE – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne - Una casa in riva al fiume – Riccardo Venturi – 2013

Sur l'air d'Un amore di Ricky Gianco











La maison que vous voyez sur la photo est à quelques mètres de la mienne, mais elle appartient à un monde disparu. C'est une très vieille maison paysanne plurifamiliale qui lorsque l'Isolotto était encore une étendue de champs, à savoir jusqu'aux années 50 du XXième siècle ; on ne sait pas comment elle survit, là sur une vieille route qui, après être passée sous le pont de l'Indiano, se perd le long de l'Arno entre un camp de nomades, une cimenterie et une implantation militaire. À un certain point, elle devient un sentier riverain jusqu'à l'embouchure de la Greve ; une ancienne campagne violée par la ville. Mais cette chose que j'ai écrite, ne croyez pas que soit une sorte de « ragazzo della via Gluck ». C'est, par contre, l'histoire d'un de mes rêves les yeux ouverts qui contraste avec la réalité.

Lorsqu'on passe devant, au coin de la décrépite et poussiéreuse via dell'Isolotto et de la via dello Scalo, dont le nom suppose quelque port de barques disparu, on a d'étranges sensations. Il y a un an, elle a été occupée par quelqu'un qui a dessiné sur la façade, avec un écrit et une étrange et belle figure qui englobe une fenêtre. C'est le style, que je connais bien , du squat ; mais, actuellement, elle doit être habitée par quelqu'un qui ne veut pas se faire voir. Et on imagine parfaitement qui cela peut être. Ce sont les invisibles de nos villes, qui ne sont pas seulement invisibles. Ils sont même inimaginables. Interdit même de se les figurer, alors qu'ils agitent de pauvres linges et qu'on entrevoit un fil de fumée.

Parfois quand j'y passe, le rêve les yeux ouverts est toujours le même ; elle est tellement grande, cette maison, que je voudrais la refaire, ou mieux la rendre habitable, à ma mode. En conservant l'écrit et l'étrange figure, et la transformer dans ce qu'elle a probablement déjà été pour une période : un squat ouvert à tous, plein de chats, de livres et de gens qui y vivent : rêve et lutte. C'est une sorte de « rêve communautaire » que j'emporte au travers de toute ma vie et que j'ai semé littéralement aux quatre coins du monde. Les vieilles maisons paysannes qui tombent en ruine à la périphérie des villes sont mon monde idéal, non par désir d'« oasis » ; mais par désir de partage, d'idéaux, de conscience. Ainsi je rêve, pour une minute ou toute une vie. À ce point du rêve, cependant, intervient toujours la réalité. Le présent. Les évictions forcées, les décapeuses, les démolitions. Le monde que j'ai en tête, qui est par ailleurs bien plus simple, succombe sous ce qu'ont en tête les patrons. Et je regarde la maison au bord du fleuve avec ses invisibles et ses décombres. Ils l'abattront, un jour, avant qu'elle ne croule toute seule. Jamais ne rayonnera ce que j'ai en tête, il n'y a du reste personne pour qui cela puisse arriver.

Et alors, une certaine nuit, je lui dédie une chanson. Une chanson que j'avais en tête depuis longtemps ; mais elle devait trouver, cette fois, sa musique. Elle l'a trouvée, parfaitement adaptée à sa structure métrique, dans la vieille et très belle chanson de Ricky Gianco qui parle de tout autre chose (et dont je présente la vidéo pour faire entendre la musique). Mais, peut-être, la mienne aussi parle d'un amour, et d'un rêve, et d'une rage qui augmente. Je la revois dans la nuit sombre du passé avec la vie qui y est passée, avec ses visages et ses vies, avec la respiration énorme du temps qui ne s'arrête pas. [RV]




Ah, Lucien l'âne mon ami, cette « maison au bord du fleuve » me rappelle une chanson française qui entretient avec elle je ne sais quelle parenté...


Laisse-moi donc deviner de quelle chanson il peut bien s'agir... N'est-ce pas cette chanson de Nino ferrer intitulée : « La Maison près de la Fontaine » ?[[41385]]

Bien sûr que si... Cela dit, ne penses-tu pas que notre ami Ventu a raison et que nos rêves sont parmi les ingrédients les plus importants de la matière de vie ? J'ajouterai que les CCG (Chansons contre la Guerre) sont un lieu étrange où grâce à ta présence, on peut sauter allègrement par dessus le trou noir du christianisme et retrouver le goût de la pensée et de la discussion débarrassée du fléau de l'Être suprême.






Il me paraît à moi que cette canzone de Ventu est aussi l’histoire des CCG … Ce rêve qui se bâtit malgré et en dépit... Quant au fond de cette chanson et de la réflexion sous-jacente de Riccardo, je voudrais juste rappeler, à l'instar d'Allais, Monnier et tant d'autres, qu'on a bâti les villes à la campagne et qu'on a créé la campagne elle-même en des lieux où la main de l'homme n'avait jamais mis le pied. Ce qui était hier n'y est plus, ce qui est aujourd'hui n'y sera plus... De la disparition des gens et des choses, il n'y a pas à s'en faire. Du reste, Pottier disait : Du passé faisons table rase... Nous ne sommes rien, soyons tout... [L'internationale].


Cependant, avant que tu ne conclues, je voudrais préciser que tout comme la pipe de Magritte n'était pas une pipe, ceci n'est pas une traduction...


De fait, c'est juste notre manière de tisser le linceul de ce vieux monde qui doit disparaître et laisser place au destin bariolé et disert « entre les aubes et les couchants ». Vieux monde où règnent par la force des matraques, des armées et des lois de tristes personnages avides et cacochymes.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Une maison au bord du fleuve, une maison un peu croulant,
Un temps, sans doute, y ont vécu et y sont morts des gens
Quand autour il y avait le ciel, quand autour il n'y avait rien
Jusqu'à ce que la ville avance avec son cri bouleversant,
On passe maintenant devant, devant son mur au dessin
Qui cache les deux-trois choses d'un désespéré
Les restes d'un dîner, des fantômes de cannettes
Matelas éventrés, mégots de cigarettes.
J'y vais parfois et l'envie me vient de la rêver,
De remettre entre ses murs la chaleur et la vie ,
Un désir mord ma chair et mes os et me prie
D'opérer une reconquête, de lui offrir un futur libéré.

Une maison que tu ne connais pas,
Et qui jamais ne fut connue de toi,
Une porte que tu n'ouvriras pas
Quand tu la regardes et ne la connais pas

Certes je pourrais me rêver avec mes chats et mes copains
Barricader mes anarchies pendant que je remets en état les sanitaires,
Raccorder à l'infini le courant clandestin
Quand on se donne du bon temps et qu'on reste à rien faire,
On pourrait arroser de joie
De détritus et d'éclats cette banlieue,
À deux pas de ce champ aux parfums pénétrants
Aux yeux clairs et aux Mercedes aux sièges exorbitants,
Des accordéons étirés, et sous le bras, écoles et livres
Sur la via del Poderaccio, des vieux, des femmes aux fortes lèvres
Tandis que le ciel de printemps incendie l'espérance,
Mille vieilles maisons en fête, mille fleuves en partance.

Cette maison que tu n'as pas,
Et qui jamais ne fut à toi,
Une vie que tu ne vivras pas
Alors que tu la vis et ne le sais pas

Et j'imagine les entrecroisements du passé et du présent,
Terres brûlées avec nos outils pour bêcher l'inexistant,
Le paysan parle avec l'enfant pakistanais,
La fille de la campagne avec le vendeur népalais
La grand-mère à la fenêtre secoue la tête d'un adolescent
Et sa crête et lui sourit comme on sourit à un dément
Mondes submergés et mêlés, bariolés, désaxés,
Confusions des langues dans mes pensées armées
Avec les murs transparents de mes amours intermédiaires
Entre les aubes et les couchants où le fleuve est comme une mer
Qui ne veut jamais de frontières, qui ne veut pas limiter
Ni le demain ni l'hier, même pas le temps d'osciller

Cette maison que tu ne connais pas
Que je rêverai encore cette nuit
Cette maison, tu le sais
Est grande comme tes ennuis


Mais ensuite je pressens des bruits et des regards clandestins
Tandis que vole le linge et qu'on frotte des allumettes,
Il n'y a personne aux fenêtres et le rien dans les herbettes
De canots pneumatiques et de misères, et de guerres et de destins,
Je perçois des souffles sales, peut-être une main
De vies méconnues qui sont venues de loin,
Je tire, je pousse ; en avant, en arrière ; le ciel se fait bleuâtre,
Déjà on voit à l'horizon la décapeuse du bourgmestre
Et les uniformes, les casques, les boucliers et les matraques de la police
Évacuation et sécurité, férocité et folie
Et maintenant tu vois ces visages mixtes aux vieux paysans
Et la maison au bord du fleuve se dissout dans le vent


Une maison que tu ne connais pas,
Et qui jamais ne fut connue de toi,
Quand tu y repasseras
N'aura jamais existé pour toi


Vieille route maintenant barrée avec des blocs de ciment,
V
ieille maison là à se défaire avec ses spectres contre le vent,
Bâtisses fatalistes
et là-haut le pont avec son trafic délirant
Tandis
que je rentre à pied le regard un peu divagant,
Une maison au bord du fleuve, une maison un peu croulant,
Un temps, sans doute, y ont vécu et y sont morts des gens

Cette maison que tu ne connais pas
Et qui jamais ne veut mourir
Cette porte tu l'ouvriras
Quand avec ce monde tu pourras en finir.