jeudi 10 novembre 2022

À 9 ANS

 

À 9 ANS



Version française — À 9 ANS — Marco Valdo M.I. — 2022

d’après la traduction italienne de Riccardo Venturi — A 9 anni — 2022

d’une chanson grecque — Ετών 9Katerina Gogou / Κατερίνα Γώγου — 2011

Paroles : Katerina Gogou
Du recueil Τρία κλικ αριστερά, 1978
Musique : Makis Seviloglou
Olia Lazaridou : Πάνω κάτω η Πατησίων » (βιβλίο με cd), Εκδόσεις Οδός Πανός, 2012.



L’ENFANT DORT

Athènes — 2022

 

 

 

Dialogue maïeutique


À 9 Ans, dit Marco Valdo M.I., est une chanson adressée à une enfant, à une petite fille par sa maman. Comme toujours chez Katerina Gogou, cette poésie est quasi certainement autobiographique. Ainsi, elle écrit une chanson, un poème à sa fille pour lui dire certaines choses mystérieuses concernant son propre départ pendant que l’enfant dort ; des choses mystérieuses et inquiétantes. Un mot à son enfant endormie — sans doute, n’aurait-elle pu partir si l’enfant avait été éveillée — pour lui dire son éclipse et lui laisser quelques instructions pour la suite. Et aussi, surtout, lui dire de ne pas trop chercher à savoir le pourquoi, à voir l’étendue de la misère contre laquelle s’est heurtée sa mère.


En effet, dit Lucien l’âne, tout ça paraît bien mystérieux.


Mais je pense que ce ne sont pas là des cachotteries cependant, Lucien l’âne mon ami. Ce sont juste des choses difficiles à dire, des arrières scènes qu’on a du mal à éclairer. Toutes les chansons de Katerina Gogou que j’ai rencontrées — et dont j’ai fait une version française — étaient pleines d’un hermétisme particulier et j’ai souvent dû m’y orienter à l’aveuglette. D’ailleurs, j’ai prévenu le lecteur en annonçant une version française et pas une traduction. Et encore, une version française tirée des traductions italiennes. Cependant, ce mystère-là finit par s’éclaircir ; la version finit par faire un tout et je crois bien qu’il donne une idée de l’original. Plus difficile est ce que Katerina Gogou entend dure tout en ne le disant pas directement. Elle avance masquée, mais c’est une des habitudes de la poésie qui procède par images, métaphores, allusions, faux semblants. Cette fois, par exemple, je n’ai pu conclure si cette disparition était une fugue ou si la chanson annonçait un suicide. À la vérité, je pense qu’il s’agit de l’intention profonde de Katerina Gogou de fuir sa vie quotidienne qui était fort difficile à vivre. La chanson le fait très bien comprendre ; elle anticipe, sans doute. De toute façon, à un moment ou plus tard, la fin de Katerina Gogou, fut parfaitement tragique.


Oh, dit Lucien l’âne, je pense que tu en as assez dit et la chanson elle-même est là pour dire le reste. À chacun d’aller y voir. Quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde terrible, dur, insupportable, invivable et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Si un matin, tu te réveilles

Et tu ne trouves pas à terre

Mes pilules, pull et soutien-gorge,

Si tu frappes à la porte

Sans entendre mon « Tais-toi ! » hystérique,

Surtout, ne pleure pas

Et puis, cherche-moi

Sur ma photo d’enfance où je te regarde.

Moi déjà, je n’y arrivais pas.

Même dans mes stupides écrits.

Je t’ai menti. Je t’ai toujours dit

Des gens, des couleurs, de la musique, la beauté.

Alors, compte ce que j’y ai gagné,

Ainsi tu sauras comment j’ai subsisté.

Puis compte notre loyer,

Je n’ai jamais eu assez pour le payer.

Et combien de lumière j’ai brûlé

À chercher un moyen d’y arriver.

Alors va chercher l’argent chez ton père

Pour la dernière fois, la dernière,

Pour payer mes dettes.

Ensuite, lave-toi la figure

Et ne laisse personne te dire

Ce qui est arrivé à ta mère.

Seulement, fais une chose :

Au bas de ces foutues factures

Et de ces rappels, dessine un soleil,

Un soleil comme toi seule en imagine

Et sous ce soleil,

Trace de tes lettres de petite fille :

PAYÉ ! PAYÉ !

PAYÉ ! PAYÉ !