mercredi 5 août 2015

La Bague de la Mère Morte

La Bague de la Mère Morte


Chanson française – La Bague de la Mère Morte – Marco Valdo M.I. – 2015

ARLEQUIN AMOUREUX – 11

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l'édition française de « LES JAMBES C'EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.




Famille paysanne vers 1800


Lucien l'âne mon ami, il te souviendra que nous avions laissé notre Arlecchino tout à la joie du bel accord intervenu lors de la Paix d'Amiens. On était en 1802 et il était déserteur depuis deux ans déjà, à vagabonder au travers de l'Europe, tentant en réalité de rentrer chez lui en évitant de se faire remarquer. On l'avait laissé au sortir de la forêt, à l'entrée du village.


Mais quand -même on ne peut pas le laisser là éternellement, dit Lucien l'âne en riant rien qu'à l'idée de ce déserteur suspendu à quelques pas de chez lui.


Certes, l'entrée du village, c'est l'entrée du village et le paysage qu'on y voit est très familier. Bref, on se sent déjà chez soi ; mais chez soi, c'est encore autre chose… On y a vécu, dormi, grandi… Que sais-je ? On y a un toit, un lit, un coin à soi et même, de quoi vivre. Pour Matthias, alias Matĕj, Matys, Matysek, Mathieu, Arlecchino le déserteur, Arlequin amoureux, chez soi, c'est dans la maison, dans la ferme familiale, dans ce qui devrait être aussi son héritage. C'est à ce retour de l'Arlequin qu'est consacrée cette chanson.


C'est une histoire classique, dit Lucien l'âne, qui a fait l'objet de bien des chansons. Par exemple : Quand un soldat [[718]], la très jolie chanson de Francis Lemarque et l’inénarrable Adèle [[8254]], que chantaient si drôlement les Quatre Barbus ou encore, La demoiselle de magasin [[8969]]. Et sans doute, bien des autres et dans d'autres langues.


Comme cela est arrivé à des milliers, si ce n'est des millions d'autres, notre déserteur de retour au foyer arrive à l'improviste et il va découvrir une situation nouvelle : entretemps, sa mère est morte, sa sœur est morte, il ne reste de la famille que son frère Lukas. Mais Lukas s'est doté d'une compagne et de la fille de cette matrone. Il faut bien faire tourner la ferme et seul, c'est seul. En fait, la chanson est tout entière consacrée à la découverte de la situation. En somme, un état des lieux, mais qui laisse transparaître certaines dérives embarrassantes. Matthias peut constater – de visu – qu'une puissante étrangère s'est emparée de la bague de la mère morte, un peu comme on s'empare des signes du pouvoir et a mis la main sur le faible Lukas. On dirait même qu'on n'espérait plus trop le retour du soldat.


C'est souvent le cas et parfois, l'aventure tourne au tragique et dans le fond, ce sera peut-être le cas. En attendant d'en savoir plus, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde oublieux, incertain, désolant et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Déserteurs, soldats
Même combat !
Il faut rentrer chez soi.
Ah ! Ça ira ! Ça ira ! Ça ira !

Une femme bien aimée, quand on en a,
Nous attend-elle ou ne nous attend-elle pas ?
A-t-elle trouvé un jeune homme avec des bras ?
L’agriculture manque de bras, tout le monde sait ça.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Pour le revenant, toute la question est là :
Être ou ne pas être
Par le chien, comme Ulysse, peut-être
Reconnu sous son propre toit.

Avant, il y avait Katerina
La puînée, tant aimée, de Matthias le soldat
À présent, elle n'est plus là, la bonne Katerina
Veuve et morte, la sœur d'Arlecchino le déserteur

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Il reste Lukásěk, mon frère,
Mon petit frère bien-aimé, Lukas
Il a grandi avec Katerina et moi
On en était si fiers

Être ou ne pas être ?
Comme je n'étais pas là
Qui sait ? Mort peut-être
À force d'être soldat.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Lukas, lui, n'était plus seul sous notre toit.
Il y avait Barbora et sa mère opulente :
Des seins comme des balles ballantes,
Un fessier marchant comme deux oies.

Puissante, avide, conquérante,
Elle avait tout pris : les vaches, leurs pis,
La ferme, la terre et l'homme dans le lit
Et la bague de la mère morte de la fièvre ardente.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.