lundi 4 novembre 2019

RITOURNELLES D'EXIL

RITOURNELLES D'EXIL

Version française – RITOURNELLES D'EXIL – Marco Valdo M.I. – 2011
Chanson italienne – Stornelli d'esilio – Pietro Gori – 1895-98
Paroles de Pietro Gori sur la mélodie de la ritournelle populaire toscane « Figlia campagnola ».
La première publication remonte à 1898, sur la revue des anarchistes italiens réfugiés en Amérique « la Question Sociale ».



Une chanson que Pietro Gori pourrait avoir écrite soit à l'époque de son premier exil – quand il fut expulsé de Suisse où il était réfugié pour éviter son arrestation, accusé d'être l'inspirateur de l'attentat de Sante Caserio au président français Sadi carnot – soit à celle de son second exil, quand Gori fut contraint à fuir en Amérique du Sud suite à la répression déchaînée après les mouvements milanais de 1898.
« Notre patrie est le monde entier, Notre loi est la liberté »

Il m'est venu à l'esprit d'offrir cette chanson comme contribution des CCG/AWS contre toute la rhétorique patriotarde qui continue à empester ce 150ième anniversaire de l'Unité de l'Italie, événement célébré – entre autres – avec l'énième guerre d'Afrique, comme ce fut souvent le cas dans le cours de l'histoire nationale.
(Bartleby)




Que voilà une chanson selon notre cœur, dit Lucien l'âne carrément hilare, nous qui sommes pour la nation unique, pour un monde sans frontières, où tous les hommes sont frères... Ce qui ferait que pour nous les ânes, il en irait de même : plus de frontières, plus de rejets. On irait tout partout sans plus être inquiétés par des sbires d'aucune sorte. Cela dit, je crois bien me souvenir de Pietro Gori que j'ai transporté plusieurs fois ou que j'ai croisé aussi à plusieurs endroits – en plaine et en montagne... Dans les montagnes suisses où les chemins étaient encore escarpés pour franchir les cols alpestres, souvent enneigés, d'ailleurs. Parfois en pleine lumière, parfois dans une vraie ouate grise et pesante et glaciale...


Ce sont là les hasards d'une longue existence, mon ami Lucien et les péripéties naturelles d'une vie errante d'âne croisant des humains, errants eux-aussi. Les réfugiés d'Italie ont erré au travers de l'Europe et du monde entier... Des millions d'entre eux s'en furent ainsi dans des chemins mal fréquentés, dans des chemins tortueux, rugueux, pierreux – semblables aux chemins de leur région, de leur village et, ils ont dû en croiser des ânes, jusque dans les carrières, dans les usines, dans les mines, sur les chantiers.


Eh oui, Marco Valdo M.I., nous les ânes, on nous mettait aussi sur des bateaux et on nous envoyait aux bouts du monde... et nous aussi, comme ces réfugiés, comme ces exilés, comme ces émigrés, au bout du chemin, on nous forçait à travailler dans des conditions atroces de misère. On a usé nos sabots, on a cassé nos dos. Quand on ne nous repoussait tout simplement pas, quand on ne nous remettait pas sur le bateau pour nous renvoyer d'où on venait ou pourquoi pas, au diable.


Le destin des hommes et des ânes sont bien semblables et ces mésaventures sont le lot d'hommes et d'ânes de bien des époques, de bien des pays, de bien des régions, de bien des villages. Réfugiés d'hier, réfugiés d'aujourd'hui, mêmes destins. Peur et misère au départ, peur et misère à l'arrivée. Mais, à propos de cette chanson de Pietro Gori, je voudrais te conter une anecdote... Une coïncidence elle-aussi. Un de nos lecteurs, prénommé Luc, à propos de la traduction de « Ne maudissez pas notre temps », réagissait en citant Pietro Gori et l'idée centrale de la chanson du jour : « Notre patrie est le monde entier »... et c'est cette remarque qui m'a ramené à Pietro Gori et qui m'a fait traduire cette chanson et une autre encore que tu verras prochainement.


Et j'en suis particulièrement heureux. Car Pietro Gori, dans cette Guerre de Cent Mille Ans, dont l'émigration est une des facettes, cette Guerre où les riches trimbalent les pauvres (et les ânes) tout au travers du monde aux seules fins de leur exploitation (sinon comme je te l'ai dit, ils les rejettent à la mer, ils les renvoient sans trop de ménagements...), dans cette Guerre de Cent Mille Ans, Pietro Gori avait nettement choisi son camp et en connaissance de cause. Cette chanson le démontre à l'envi. Et comme nous voulons le faire et comme nous nous efforçons, toi et moi, de le faire, lui aussi à sa manière, tissait le linceul de ce vieux monde inhospitalier, mercantile et cacochyme.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.


Ô réfugiés d'Italie, à l'aventure
Allons sans peur et sans remords.

Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et une pensée
Et une pensée
Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et il y a une pensée
Rebelle en notre cœur

En élevant nos contestations des misères,
Nous fûmes mis au ban de toutes les nations.

Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et une pensée
Et une pensée
Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et il y a une pensée
Rebelle en notre cœur

Partout où un exploité se rebelle,
Nous trouverons des multitudes de frères.

Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et une pensée
Et une pensée
Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et il y a une pensée
Rebelle en notre cœur

Errants sur terre et par mer,
Pour une idée nous laissons nos chers.

Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et une pensée
Et une pensée
Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et il y a une pensée
Rebelle en notre cœur

De plèbes différentes, parmi les douleurs
De la nation humaine nous passons précurseurs

Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et une pensée
Et une pensée
Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et il y a une pensée
Rebelle en notre cœur

Mais nous reviendrons, ô Italie, tes proscrits,
Pour agiter le flambeau des droits.

Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et une pensée
Et une pensée
Notre patrie est le monde entier
Notre loi est la liberté
Et il y a une pensée
Rebelle en notre cœur