jeudi 3 juillet 2014

CHANSON FATIGUÉE

CHANSON FATIGUÉE


Version française - CHANSON FATIGUÉE – Marco Valdo M.I. – 2014

Chanson de langue allemande – Müdes Lied – Selma Meerbaum-Eisinger – 23 décembre 1941

Poème de Selma Meerbaum-Eisinger (Černivci, 1924 – camp de travail nazi de Michajlovka, 1942).

Else et Selma (1941)



Quelques jours après que Selma eut terminé la dixième année de l'école secondaire, la Roumanie entra en guerre aux côtés des puissances de l'Axe (juin 1941). Le 7 Juillet 1941, la synagogue de Černivci fut incendiée; le 30 Juillet 1941, une ordonnance signée du colonel Alexandru Rioșanu (ministre d'Ion Antonescu et gouverneur de la Bucovina) déclara les Juifs subversifs et dangereux pour la sécurité de l'État et par conséquent, il leur défendit de sortir dchez eux et il les obligea à porter sur leurs vêtements l'étoile de David. Le 11 octobre 1941, furent décrétées la constitution du ghetto et l'obligation pour tous les Juifs de s'y transférer. D'alors, les nouvelles sur la vie de Selma se font toujours plus douloureuses et, en même temps, difficiles à rétablir.
Au moment où elle écrivit sa « Chanson fatiguée », Selma et sa famille étaient déjà internées dans le ghetto depuis quelques mois. En juin 1942, ils furent déportés en Transnistrie et ensuite, au terme d'une marche exténuante, dans le camp de travail de Michajlovka, dirigés par des nazis et des collaborateurs ukrainiens. En Juillet, Selma écrivit ce qui peut-être furent ses derniers mots connus, dans une lettre envoyée et miraculeusement parvenue à son amie Renée Abramovici-Michaeli, elle aussi internée dans un autre camp en Transnistrie :
« […] J'imagine tous mes jours futurs comme congelés dans une unique masse solide, pour vivre toujours au dedans de moi. Rena, Rena, si seulement, tu étais avec moi ! Je ne le sais pas, peut-être, si nous étions ensemble, ce serait demander trop. Peut-être que non. De toute façon, nous pourrions résister pour un mois encore, si seulement nous fussions ensemble. Certes, on supporte de toute façon. On supporte, mais pour combien de temps encore ? Maintenant, maintenant c'est trop. Je ne peux plus résister, maintenant je vais céder [...] »

Selma mourut de typhus le 16 décembre 1942. Tous les membres de sa famille la suivirent peu après.



Je suis si fatiguée, je voudrais dormir,
Ma joie est blessée et si fatiguée.
Je suis si seule – même ma chanson préférée
Est loin et ne peut plus revenir .

Je dors, alors je rêve un peu,
Les rêves sont si merveilleux,
Ils enchantent d'un air fabuleux
Les moments les plus monstrueux.

Les rêves apportent avec eux l'oubli
Et des riens bariolés de couleurs.
Que sais-je – ils vont m'emporter tout à l'heure
Pour l'éternité dans leur pays.


N'ENTENDS-TU PAS QUE JE PLEURE APRÈS TOI...

N'ENTENDS-TU PAS QUE JE PLEURE APRÈS TOI...

Version française – N'ENTENDS-TU PAS, QUE JE PLEURE APRÈS TOI... – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson de langue allemande – Spürst du es nicht, wenn ich um dich weine - Selma Meerbaum-Eisinger – 23 décembre 1941

Poème de Selma Meerbaum-Eisinger (Černivci, 1924 – Camp de travail nazi de Michajlovka, 1942).



Selma Meerbaum-Eisinger  (à gauche)
et des amis (1940)

Nombre des poésies de Selma Meerbaum-Eisinger (1924-1942) furent traduites en yiddish et mises en musique par Leibu Levin (1914-1983), poète et compositeur, lui aussi juif et originaire de la Bucovine, région des Carpates aujourd'hui partagée entre la Roumanie et l'Ukraine, mais partie de l'empire autrichien jusqu'à la Grande Guerre.
Leibu Levin, survivant à l'Holocauste, émigra ensuite en Israël.


J'ignore si celle-ci aussi peut être attribuée au répertoire de Leibu Levin… Elle a sûrement été mise en musique par d'autres, par exemple Rolf Straver (1956-), compositeur néerlandais, dans son « Ich habe keine Zeit gehabt zu Ende zu schreiben op. 34 » entièrement basé sur les dernières poésies de Selma Meerbaum-Eisinger.

Un amour sans réponse, en plus de l'enfer de la persécution qui a déjà enfermé dans un ghetto une jeune femme sensible et malheureuse, malheureuse, sans salut, qui un an plus tard, finira ses jours, à peine âgé de dix-huit ans, dans un camp de concentration nazi en Ukraine… Une extraordinaire poétesse qui « n'eut pas le temps de finir »…





N'entends-tu pas que je pleure après toi,
Es-tu vraiment si loin ?
Tu es le plus beau, le seul, pour moi
Toi, la solitude qui me tient.