MASCARADE
Version
française – MASCARADE
– Marco
Valdo M.I. – 2019
Paroles
et
musique : Reinhard
Mey
Maskerade Karl Hofer 1928 |
Dialogue
Maïeutique
Vois-tu,
Lucien l’âne mon ami, au fur et à mesure que je pénétrais le
sens de cette chanson, je me disais qu’elle décrivait ce que dans
nos pays, on appelle de nos jours un cortège carnavalesque ou un
carnaval. Pour en avoir le cœur net, je me suis dit que le mieux
serait d’en trouver confirmation, par exemple, au dictionnaire et
c’est ce que j’ai fait. J’ai trouvé ceci qui correspond assez
bien à ce que raconte la chanson : comme définition :
Divertissement dont les participants sont déguisés et masqués et
comme caractéristique : « le caractère satirique et
parodique de ces cortèges de
carnaval, héritiers directs des mascarades du Moyen
Âge, issues elles-mêmes
des saturnales romaines… ».
Ce
sont de grands moments de folklore, dit Lucien l’âne.
En
effet, reprend Marco Valdo M.I. et outre l’Arlequin, personnage
d’importation italienne, on y retrouve des personnages typiques des
légendes allemandes. Kaspar n’est autre que la figuration
de Kaspar Hauser, Jakob le nain est connu en allemand sous son surnom
de Zwerg Nase, littéralement : Nain Nez ;
dans les faits du conte, il doit son surnom au sort que lui a jeté
une fée.
Ah,
dit Lucien l’âne, les histoires de fées et de sorts, je connais
ça.
Tu
ne penses pas si bien dire, réplique Marco Valdo M.I., car toi-même,
tu as vécu une aventure qui ressemble à celle de Zwerg Nase ;
tous deux vous avez été transformés et pour retrouver votre forme
originelle, il vous faut manger lui d’une herbe magique, toi des
roses trémières. La différence, outre le fait que Jakob n’a pas
perdu sa forme humaine – il est seulement devenu bossu, nain
(Zwerg) et pourvu d’un très long nez (Nase) – ce qui l’apparente
aussi à Pinocchio, la différence est que toi, tu as voulu conserver
ta forme asine, puisque en plusieurs
dizaines de siècles, tu n’as pas trouvé le moment de manger les
roses trémières salvatrices. Pourtant, on en trouve souvent au bord
des chemins. Peux-tu m’expliquer
pourquoi ?
C’est
que, vois-tu Marco Valdo M.I. mon ami, je n’en ai nullement envie.
Je te le dis bien haut, je n’ai aucune envie de recouvrer ma forme
humaine. Quelle régression, ce serait ! Il faut comprendre que
ma situation est totalement différente de celle de Jakob qu’on
avait changé en un nain au long nez, une sorte de Pinocchio ou de
Cyrano avant la lettre. Ce sont là des silhouettes, des personnages
de théâtre ou de cortège ; des intermittents du spectacle,
ils sortent à l’occasion du grand trou noir de la mémoire.
Certes, on m’a vu portant des célébrités en de joyeuses entrées,
mais en ce qui me concerne ce ne sont que des histoires, des
supputations et de plus, mon existence d’âne ne s’est jamais
interrompue. Ainsi, il te faut comprendre que manger des roses me
ramènerait à une vie où je trouverais rapidement la mort et moi,
moi, j’aime vivre.
Ah !
Lucien l’âne mon ami, je comprends parfaitement et j’approuve
ton dessein : Ne pas mourir, Lucien l’âne, la belle
histoire ! Mais pour en revenir à la chanson, il est un autre
personnage, qui lui aussi est en quelque sorte un de nos alters égaux
(Si, si : un alter, des alters ; un égo, des égaux, c’est
évident). Je veux parler d’Eulenspiegel, que nous connaissons plus
familièrement sous le nom de Till. Encore, un immortel. Au dernier
refrain, la fête se termine… La fête, le cortège qui n’est
autre que la vie elle-même. Finalement, j’y verrais volontiers une
danse macabre qui, sorte de carnaval, annonce la mort de l’hiver et
appelle le printemps.
Voilà
une chanson bien philosophique, dit Lucien l’âne. Mascarade, danse
macabre, ainsi va ce vieux monde cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Arlequin
a mis son habit de fête.
Les
paillettes scintillent quand il danse et saute,
Et
la foule au bord de la rue ravie jubile
Quand
le squelette maigre rate un poirier
Et
titubant, perd son équilibre
Et
que le masque devant son visage est arraché.
La
foule agite des petits drapeaux de papier multicolores,
Mange
des saucisses, des frites, boit du Coka et de la bière.
Six
et demi, Kaspar boite à six heures et demie,
D’un
seul bras, il présente arme.
Six
et demi, il trébuche et tombe à sept heures et demie,
La
foule hurlante rit de ses larmes.
Il
crie si quelqu’un veut l’aider,
Mais
personne ne répond, et alors, il se couche, figé
Sur
le pavé qui sous ses yeux, se brouille
Dans
la fumée d’amandes grillées et de cannelle.
Jakob
le nain passe par là, soutenu par des béquilles,
Quand
il titube, ses yeux brillent.
Et
il porte un nez en carton devant sa figure.
On
ne voit pas qu’il a perdu le sien à la guerre.
Eulenspiegel,
le ludion, vient aussitôt,
Son
bonnet et son habit sont décorés de grelots
Qui
tintent et qui sonnent, quand il les émoustille
Et
Jakob le nain bat le rythme avec ses béquilles.
La
guerre s’achève, la bataille finit.
Et
la foule ivre chante, se balance et rit.
Et
en braillant, s’engage dans la marche triomphante
Au
bout d’un moment, même la fanfare s’arrête.
Seul
un vent froid balaie le terrain de parade déserté,
Agite
de petits drapeaux et des papiers, pousse la poussière
Et
dans sa danse ronde, fait rouler les canettes de bière.
C’est
au meilleur moment, mes amis, qu’il
faut s’arrêter !