jeudi 4 avril 2019

MASCARADE

MASCARADE

Version française – MASCARADE – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson allemande – MaskeradeReinhard Mey – 1971
Paroles et musique : Reinhard Mey

Maskerade Karl Hofer 1928


Dialogue Maïeutique

Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, au fur et à mesure que je pénétrais le sens de cette chanson, je me disais qu’elle décrivait ce que dans nos pays, on appelle de nos jours un cortège carnavalesque ou un carnaval. Pour en avoir le cœur net, je me suis dit que le mieux serait d’en trouver confirmation, par exemple, au dictionnaire et c’est ce que j’ai fait. J’ai trouvé ceci qui correspond assez bien à ce que raconte la chanson : comme définition : Divertissement dont les participants sont déguisés et masqués et comme caractéristique : « le caractère satirique et parodique de ces cortèges de carnaval, héritiers directs des mascarades du Moyen Âge, issues elles-mêmes des saturnales romaines ».

Ce sont de grands moments de folklore, dit Lucien l’âne.

En effet, reprend Marco Valdo M.I. et outre l’Arlequin, personnage d’importation italienne, on y retrouve des personnages typiques des légendes allemandes. Kaspar n’est autre que la figuration de Kaspar Hauser, Jakob le nain est connu en allemand sous son surnom de Zwerg Nase, littéralement : Nain Nez ; dans les faits du conte, il doit son surnom au sort que lui a jeté une fée.

Ah, dit Lucien l’âne, les histoires de fées et de sorts, je connais ça.

Tu ne penses pas si bien dire, réplique Marco Valdo M.I., car toi-même, tu as vécu une aventure qui ressemble à celle de Zwerg Nase ; tous deux vous avez été transformés et pour retrouver votre forme originelle, il vous faut manger lui d’une herbe magique, toi des roses trémières. La différence, outre le fait que Jakob n’a pas perdu sa forme humaine – il est seulement devenu bossu, nain (Zwerg) et pourvu d’un très long nez (Nase) – ce qui l’apparente aussi à Pinocchio, la différence est que toi, tu as voulu conserver ta forme asine, puisque en plusieurs dizaines de siècles, tu n’as pas trouvé le moment de manger les roses trémières salvatrices. Pourtant, on en trouve souvent au bord des chemins. Peux-tu m’expliquer pourquoi ?

C’est que, vois-tu Marco Valdo M.I. mon ami, je n’en ai nullement envie. Je te le dis bien haut, je n’ai aucune envie de recouvrer ma forme humaine. Quelle régression, ce serait ! Il faut comprendre que ma situation est totalement différente de celle de Jakob qu’on avait changé en un nain au long nez, une sorte de Pinocchio ou de Cyrano avant la lettre. Ce sont là des silhouettes, des personnages de théâtre ou de cortège ; des intermittents du spectacle, ils sortent à l’occasion du grand trou noir de la mémoire. Certes, on m’a vu portant des célébrités en de joyeuses entrées, mais en ce qui me concerne ce ne sont que des histoires, des supputations et de plus, mon existence d’âne ne s’est jamais interrompue. Ainsi, il te faut comprendre que manger des roses me ramènerait à une vie où je trouverais rapidement la mort et moi, moi, j’aime vivre.

Ah ! Lucien l’âne mon ami, je comprends parfaitement et j’approuve ton dessein : Ne pas mourir, Lucien l’âne, la belle histoire ! Mais pour en revenir à la chanson, il est un autre personnage, qui lui aussi est en quelque sorte un de nos alters égaux (Si, si : un alter, des alters ; un égo, des égaux, c’est évident). Je veux parler d’Eulenspiegel, que nous connaissons plus familièrement sous le nom de Till. Encore, un immortel. Au dernier refrain, la fête se termine… La fête, le cortège qui n’est autre que la vie elle-même. Finalement, j’y verrais volontiers une danse macabre qui, sorte de carnaval, annonce la mort de l’hiver et appelle le printemps.

Voilà une chanson bien philosophique, dit Lucien l’âne. Mascarade, danse macabre, ainsi va ce vieux monde cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Arlequin a mis son habit de fête.
Les paillettes scintillent quand il danse et saute,
Et la foule au bord de la rue ravie jubile
Quand le squelette maigre rate un poirier
Et titubant, perd son équilibre
Et que le masque devant son visage est arraché.
La foule agite des petits drapeaux de papier multicolores,
Mange des saucisses, des frites, boit du Coka et de la bière.


Six et demi, Kaspar boite à six heures et demie,
D’un seul bras, il présente arme.
Six et demi, il trébuche et tombe à sept heures et demie,
La foule hurlante rit de ses larmes.
Il crie si quelqu’un veut l’aider,
Mais personne ne répond, et alors, il se couche, figé
Sur le pavé qui sous ses yeux, se brouille
Dans la fumée d’amandes grillées et de cannelle.


Jakob le nain passe par là, soutenu par des béquilles,
Quand il titube, ses yeux brillent.
Et il porte un nez en carton devant sa figure.
On ne voit pas qu’il a perdu le sien à la guerre.
Eulenspiegel, le ludion, vient aussitôt,
Son bonnet et son habit sont décorés de grelots
Qui tintent et qui sonnent, quand il les émoustille
Et Jakob le nain bat le rythme avec ses béquilles.


La guerre s’achève, la bataille finit.
Et la foule ivre chante, se balance et rit.
Et en braillant, s’engage dans la marche triomphante
Au bout d’un moment, même la fanfare s’arrête.
Seul un vent froid balaie le terrain de parade déserté,
Agite de petits drapeaux et des papiers, pousse la poussière
Et dans sa danse ronde, fait rouler les canettes de bière.
C’est au meilleur moment, mes amis, qu’il faut s’arrêter !