vendredi 7 février 2020

LA MAISON BRUNE

LA MAISON BRUNE


Version française – LA MAISON BRUNE – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson allemande – Das Braune HausErich Mühsam – 1931

Un poème de Mühsam publié en mars 1931 dans l’hebdomadaire « Die Welt am Montag - Unabhängige Zeitung für Politik und Kultur », fondé en 1896 et fermé en 1933 (évidemment…).
Musique de Dieter Süverkrüp
Album « Erich Mühsam : Ich lade Euch zum Requiem » (1995), avec Walter Andreas Schwarz.



LA MAISON BRUNE



« Das Braune Haus » (La Maison Brune) se trouvait à Munich, ville considérée – in illo tempore – comme la capitale du mouvement national-socialiste. Elle était située au 34 de la Brienner Straße qui est une des quatre avenues royales à Muncih, elle-même capitale de l’ancien Royaume de Bavière. « Das braune Haus » fut le quartier général du parti nazi de 1920 à 1945. C’était l’ancien Palais Barlow de style classique acquis par le NSDAP grâce l'aide financière de l’industriel Fritz Thyssen ; la siège national du parti nazi y emménage en 1931.
La Maison brune fut fortement endommagée en 1943 et presque totalement détruite plus tard par les bombardements de l’aviation alliée. Les ruines furent enlevées en 1947 et le terrain laissé à l’abandon. Un projet de musée fut élaboré entre 1990 et 2010 afin de remplacer les ruines des fondations par un lieu de mémoire et de documentation : le centre de documentation sur l'histoire du national-socialisme, qui y a finalement été érigé.



Dialogue Maïeutique

Oui, je sais, Lucien l’âne mon ami, tu te demandes encre une fois ce que peut cacher ce titre-là. Eh bien, tout simplement ce qu’il indique : une maison brune, car brune, elle l’était au propre : sa façade était ocre, et au figuré : elle était la maison nazie en uniforme S.A., le siège du NSDAPNationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, Parti national-socialiste des travailleurs allemands. Ceci dit, j’indique tout ce qui la concerne au passé, car véritablement, elle n’existe plus : la guerre l’a ruinée.

Quelle excellente idée, dit Lucien l’âne, qu’elle a eue la guerre de raser la Maison Brune et d’éliminer son résident principal et toute sa clique. Mais donne-moi, si tu en connais, quelques informations sur cette maison brune.

Une idée d’autant meilleure, enchaîne Marco Valdo M.I., qu’elle pouvait devenir une sorte de symbole, de lieu de pèlerinage nazi qui aurait inopportunément rappelé que la ville de Munich avait été « honorée » par le Parti à partir de 1935 du titre d’« Hauptstadt der Bewegung » – « Capitale du Mouvement », chose qu’il convenait de faire oublier. Donc, dans un premier temps, elle fut quasiment détruite par les bombardements et par la suite, la ville a fait déblayer les ruines et a fait bâtir à sa place un Centre de Documentation sur l’histoire du National-Socialisme, qui en rappelle méticuleusement tous les méfaits et les crimes, afin qu’on sache ce qu’il a fait réellement.

Merci de toutes ces précisions, Marco Valdo M.I. mon ami. À présent, ne pourrais-tu pas me parler un peu de la chanson elle-même, car pour ce qui est de son auteur Erich Müsham, je me souviens que tu avais écrit toi-même une chanson à sa mémoire et à cette occasion, on avait longuement dialogué à son sujet. Elle s’intitulait, si je me souviens bien : « Erich Mühsam, poète, anarchiste et assassiné ».

C’est exact, Lucien l’âne mon ami, tu as une très bonne mémoire. C’était même la soixante-troisième chanson du cycle des Histoires d’Allemagne, qui couvrait tout le siècle dernier en plus de cent-vingt chansons. Pour ce qui est de cette chanson-ci, elle est principalement la réflexion d’un chômeur qui met en balance la misérable condition qui est la sienne ainsi que son triste logement :

« Dans notre cage à lapins, affamés,
On est coincés dans un logement confiné »

et celle du nazi de base : « il vit lui-même dans un trou à rat » et le palais d’Hitler, la Maison Brune. Il en détaille le décor et en profite pour ramener le Führer à sa médiocrité artistique au travers de cette péremptoire affirmation de la Maison :

« Alors la Maison Brune clame clairement :
Qu’il reste ce qu’il était avant ! »

Je me souviens aussi, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu avais fait la version française de « Das Lied vom Anstreicher Hitler » de Bertolt Brecht sous le titre LA CHANSON DU PEINTRE HITLER. C’était la soixante-cinquième chanson du cycle des Histoires d’Allemagne. Ainsi, concluons et tissons le linceul de ce vieux monde aux relents nazis (une poignée de mains en Thuringe ébranle ces jours-ci toute la République Fédérale Allemande), bégayant, insouciant et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Pointer n’est pas un passe-temps !
Travailleuses et travailleurs,
Chaque jour vont en de longs rangs
Demander un travail, une occupation
Et sans respect pour le demandeur,
On leur répond : « Merci beaucoup – non ! »


Dans notre cage à lapins, affamés,
On est coincés dans un logement confiné.
Seul le nazi peut supporter ça,
Car après Munich, son rêve s’est élevé,
Mais il vit lui-même dans un trou à rat
Et Hitler vit dans un palais doré.


Entre le marbre, le verre et le bronze,
Les persans, les curiosités et les damasseries,
Sous le poids de la dette allemande,
Tristement soupire le bonze.
Triomphantes, les croix gammées pendent
Au-dessus du mobilier de leur infamie.


Sur les parois de la grande salle,
Se désolent d’héroïques croûtes banales,
Des épées, des drapeaux, des armures, des étendards
Et un râtelier plein d’armes – légal !
La Maison Brune d’Hitler clame sa gloire
Jusqu’à ce que le peuple allemand en ait marre.


Les trouffions en chemise marron,
Jour et nuit, assurent sa protection.
Et du danger et de la juiverie,
Défendent les tapisseries
D’où, croisée de la croix gammée,
L’âme personnelle d’Hitler s’est envolée.


Adolf Hitler, qui avait été
Autrefois peintre-décorateur de métier,
Marche par marche poursuit haut
Son ascension, toujours plus haut.
Alors la Maison Brune clame clairement :
Qu’il reste ce qu’il était avant !