mardi 28 juin 2016

KAMIKAZE

KAMIKAZE


Version française – KAMIKAZE – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – KamikazeAlessandro Sipolo – 2013






Voyage intérieur vers une mort violente et destructrice. Écrite en 2003, inspirée des guerres d’Afghanistan et d’Irak, la chanson parle d’un choix en même temps désespéré et « logique », fille de l’impuissance face à la douleur de ses gens. Le morceau conteste la rhétorique « occidentale » qui décrit le kamikaze comme un être inhumain et irrationnel en présentant sa décision comme un geste volontaire de protestation contre une guerre inégale, subie sans possibilité de réplique.


Dialogue maïeutique



Mon ami Lucien l’âne, nous vivons tous au Danemark, dans l’empire ou dans le royaume, je ne sais ; sans doute dans les deux.


Au Danemark, Marco Valdo M.I. mon ami ? Que vient faire le Danemark dans cette histoire de kamikaze ? À première vue, je ne le comprends pas, sauf si tu fais allusion au prince Hamlet et à la célèbre réplique, tirée de la pièce qui lui fut consacrée, qui disait exactement – du moins dans sa version française de François-Victor Hugo : « Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark ». Ou alors, peut-être, est-ce à cause de ces histoires de caricatures qui avaient titillé la barbe du prophète ?


Lucien l’âne mon ami, c’est toujours un plaisir de converser avec toi, car tu as l’esprit vif et tu en uses avec intelligence. En premier lieu, si tu le veux bien, laissons de côté ces caricatures et la barbe du prophète qui ne sont que des péripéties, tout comme le kamikaze lui-même. Car, en tant que tel, le kamikaze revêt une importance qui tend nettement vers zéro. L e kamikaze est un accident de parcours et comme tel, sans incidence sur l’ensemble du cheminement de la vie.

Autrement dit, son importance réelle est nulle, même si sa nuisance est grande et même si ponctuellement, son acte apparaît catastrophique. Cependant, la destruction et l’autodestruction ne sont en rien une manière de modifier le cours du réel. De toute façon, comme la rivière sur le noyé ou sur le silex, la vie passe dessus et l’oublie.


Cependant, c’est bien d’Hamlet qu’il s’agit et de cette réplique, que je ferai mienne pour la circonstance. Car, en effet, il y a quelque chose de pourri dans le monde dès lors que des gens en viennent à jouer au kamikaze et à assassiner d’autres gens au seul motif qu’il s’agit de complaire à leur désespoir ou à je ne sais quels religion, dieu, prophète, foi, croyance. Face à cela, l’humaine nation n’a qu’une seule voie à suivre, c’est d’user de sa raison – oui, cette bonne vieille raison qui guidait déjà certains philosophes grecs et que depuis deux mille ans, des prédicateurs et des illusionnistes, je veux dire par là des marchands d’illusions et des bonimenteurs, ont mise à l’index, ont avilie par leurs mensonges et leurs délires théologiques. Je te le répète l’homme doit encore construire son humanité.


Construire son humanité ? Que veux-tu dire par là, Marco Valdo M.I. mon ami ?


Je te réponds en quelques mots : il s’agit pour l’homme individuel de se reconnaître comme membre de l’humaine nation, de considérer celle-ci comme encore à construire elle aussi ; de reconnaître qu’il est un être vivant et que l’espèce humaine, comme son nom l’indique, est une espèce « vivante » parmi les autres et sans aucun doute, minoritaire et absolument dépendante de l’ensemble de son biocosme. Il s’agit pour l’être humain de construire jour après jour sa propre humanité. Un peu comme l’artisan, le compagnon réalise son chef-d’œuvre, l’homme se doit de faire de sa vie son propre chef-d’œuvre d’humanité. Encore une fois, dans des temps anciens, aux origines de la pensée, avant l’arrivée des prédicateurs, certains philosophes de la Grèce antique avaient commencé à faire ainsi de leur vie une œuvre en tant que telle. Quand on réfléchit, on découvre qu’il est d’autres façons de combattre le désespoir et les horreurs de la vie que de jouer au kamikaze. Candide avait raison : il importe (et il suffit au bonheur des jours) de cultiver son jardin, sentence qui s’applique aussi bien à l’être humain individuel, à l’humaine nation qu’à l’ensemble du vivant.


Quant aux kamikazes, dit Lucien l’âne en penchant un peu la tête sur le côté, je pense que tu as raison et qu’au vu de leur place insignifiante dans la suite des événements, de leur effet dérisoire sur le réel et sur le cours des jours, on ne peut que leur suggérer d’appliquer notre jolie sentence : « Fanatiques de tous les pays, calmez-vous ! » et reprenons notre tâche, elle-même minuscule et sans effet immédiat, qui est de tisser le linceul de ce vieux monde illusionniste, kamikaze, croyant, crédule, religieux et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dans les ventres vides, la rancœur
Amplifie songes et courage
Et la répression demeure
Pour venger l’outrage.
Les fleurs sont couchées sur le champ,
La faux les abat dans le sang.
Les chenilles du char écrasent
Un soleil qui se traîne.
Et tu te demandes où est la voix de Dieu ?

Et par terre tombe fauché
L’enfant pauvre
Au petit visage marqué
Par un triste destin et par la misère.
Soudain, il se lève et ses yeux extasiés
S’irisent de mille couleurs.
Son visage se fond dans les prés
Parmi l’espérance et les fleurs.
Et tu me demandes où est la main de Dieu ?

Et il court loin du néant
D’un Dieu sourd-muet et impuissant ;
Loin des yeux du père,
Il court avec son assiette pleine de rien
Et sa lèvre gelée souffre
Et n’esquisse plus de sourires enfantins.
Trop verte est sa prairie,
Morceau de champs élyséens.
Et tu te demandes où est le visage de Dieu ?

Et le visage de Dieu va-t’en le chercher
Parmi les autres gens rassemblés.
Son poing qui est le mien à présent
S’élève féroce et puissant.
Écoute le miracle arrivé
De son cri qu’il m’a donné
À l’instant où retentit l’explosion.

L’entends-tu la voix de Dieu ?