vendredi 5 février 2016

DYNAMITE

DYNAMITE

Version française – DYNAMITE – Marco Valdo M.I. – 2016

Chanson suisse alémanique (Schwyzertüütsch) – DynamitMani Matter – 1973





L’avocat Hans-Peter Jan Matter, plus connu comme Mani Matter, est par la force des choses un phénomène exclusivement suisse ; bien plus, de la seule Suisse allemande. Il a été, reste et restera le plus célèbre et célébré Liedermacher (faiseur de chansons, trouvère) produit par la Confédération Helvétique, mais aussi, un « enfant » de la chanson d’auteur française et de Georges Brassens, en particulier. Les chansons de Mani Matter sont « in toto » brassensiennes, mais avec une touche suisse qui pourrait se révéler difficilement perceptible à qui ne l’est pas (Suisse), mais a été un peu initié aux choses de ce pays pas commun. Toujours assez, évidemment, pour qu’il réussisse à comprendre au moins un peu ce qui est dit dans ses chansons ; Mani Matter, Bernois jusqu’à la moelle (malgré sa mère hollandaise), écrivait et chantait exclusivement in Bärndüdsch, l’allemand alémanique bernois, un idiome absolument incompréhensible même aux locuteurs de la langue allemande standard.

Logique qu
e, malheureusement, ses chansons soient connues (et même : très connues, archiconnues) seulement en Suisse allemande ou un peu au-delà ; et c’est vraiment un péché, car ce sont des chefs-d’œuvre d’ironie sulfureuse. Comme ce « Dynamit », où dans une venteuse et froide Berne nocturne qui rappelle au moins un peu l’atmosphère du Juge et son bourreau (Der Richter und sein Henker) d’un autre grand Bernois, Friedrich Dürrenmatt, l’avocat Hans-Peter Matter affronte rien moins qu’un barbu auteur d’attentat anarchiste (l’ombre de Marco Camenisch [[3735]] plane toujours sur la vertueuse Suisse, dit Lucien l’âne) qui veut faire sauter le Parlement Fédéral. En tant que bon citoyen, et avec une ardeur toute patriotique, il réussit à faire renoncer l’auteur d’attentat à ses intentions insensées, tellement bien que ce dernier s’en retourne chez lui, presque ému, remballant sa dynamite. Sauf que, une fois rentré chez lui tout fier, c’est l’avocat Matter qui commence à avoir des doutes…

Une petite note personnelle.
À traduire cette chanson des années et des années après, à savoir après avoir un peu pratiqué le Schwyzertüütsch, j’ai eu l’étrange impression qu’on ressent lorsque quelque chose se déroule en des lieux connus. Je suis passé au moins une dizaine de fois sur la Terrasse Fédérale de Berne et sur la Place Fédérale, j’ai acheté, au marché du quartier, une chemise de bûcheron que je porte encore (à un étal où on vendait seulement des pipes, des allumettes et des chemises de montagnard, tenu par un certain M. Frankenstein, sic). Quant au « discours de Premier Août » (Le Premier Août est le Quatorze Juillet des Suisses – et inversement, dit Lucien l’âne), j’ai assisté une fois à un de ceux-ci, prononcé par le maire (de droite) de Fribourg. À l’heure actuelle, c’est le discours le plus bref et le plus incroyable qu’on ait entendu en une occasion du genre : en trente secondes, le maire a dit : « Citoyennes, citoyens, aujourd’hui, c’est jour de fête pour tous : Suisses, étrangers, immigrés, touristes. La Suisse est à tous ; et maintenant amusez-vous ! » Alors, commencèrent les bals et commencèrent à circuler de gigantesques marmites de soupe au fromage. [RV]



Une nuit, je rentre tard chez moi,
Je traverse la Terrasse Fédérale.
Un gars s’en vient vers moi
Et putain, voyez l’animal,
À l’heure où les gens cuvent leur cuite,
Vient faire sauter le Parlement à la dynamite.

Un peu effrayé, quand même, je lui dis :
Excusez-moi, mais il me semble, l’ami,
Que vous avez le désir surprenant
De faire sauter le Parlement.
Oui, dit-il, c’est bien mon envie :
Foutre en l’air la boutique, je suis pour l’Anarchie.

Qu’aurais-je, comme citoyen, pu tenter
Si ce n’est de l’en dissuader ?
Je lui parle de tous les avantages
De notre État et même davantage,
Je lui dis le Rütli, la démocratie, la liberté
Et je le supplie de laisser tomber.
L’angoisse me donne un talent d’orateur.
Autour de nous souffle un vent glacial,
Mooi, je lui tiens un discours de rhéteur
Qui rendrait patriote un cheval.
Le gars, ému de mes mots jusqu’à l’âme,
Tente vainement de retenir ses larmes.

Et c’est ainsi que j’ai sauvé l’État
Et que le gars est reparti avec sa dynamite.
Ce soir-là, en rentrant chez moi,
Je me félicite de ma conduite.
Mais chose étrange, le jour suivant,
Je me mis à douter de mon jugement.

J’aurais, à ce gars, vanté à bon droit la Suisse ?
Je me le demande encore à présent.
M’aurait-il passé son envie interdite ?
Car depuis, quand je passe devant le Parlement,
Je pense qu’il n’en a plus pour longtemps.
Car pour le faire sauter, il suffit d’un peu de dynamite.


LES FEMMES PEINTURLURÉES

LES FEMMES PEINTURLURÉES

Version française – LES FEMMES PEINTURLURÉES – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Le donne pitturate – Anonyme – 1943-45

Chanson « partisane et amoureuse » répandue dans les monts du Val d’Arda, provincia de Piacenza.




Nous, nous avons nos fées
Les brunes pastourelles.


Les femmes peinturlurées
Ne sont pas nos belles
Nous, nous avons nos fées
Les brunes pastourelles.

Ô comme l’amour est charmeur
Finie la bataille
Au milieu de la broussaille
Unis à cœur à cœur.

Les mousses parmi les roches
Sont nos tapis cachés
À l’ombre des hêtres
Où il est bon de rêver.

Rêver l’Italie grande
L’Italie libérée
Rêver notre aimée
Qui attend d’une si longue attente.

On descendit dans la plaine au printemps
Avec, à la main, notre mitraillette
Effroi des fascistes,
Terreur des Allemands.