samedi 31 octobre 2020

LE CARROUSEL DE L’AVORTEMENT

 

LE CARROUSEL DE L’AVORTEMENT


Version française – LE CARROUSEL DE L’AVORTEMENT – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – Il girotondo dell'abortoMaria Monti – 1977

Album : Muraglie




SANS ESPÉRANCE

Frida Kalho - 1945




Dialogue Maïeutique



Honnêtement, Lucien l’âne mon ami, je ne sais pas comment tes congénères traitent les ânesses, mais sincèrement, j’espère qu’ils les traitent mieux que les humains mâles traitent les femmes. J’admets immédiatement, pour couper court à toute polémique inutile, j’admets donc qu’il y a des exceptions et qu’il est des hommes qui se conduisent correctement. Cependant, la proportion de mecs corrects est assez réduite.


On peut toujours imaginer, dit Lucien l’âne, qu’avec le temps et l’éducation et la civilité, elle pourra s’étendre jusqu’à l’entièreté du genre. Cependant, tout est dans « avec le temps ». Quant aux ânes et à leurs pratiques sexuelles, et à leurs relations avec les ânes, la chose est bien documentée par les zoologues, les éthologues et les autres spécialistes des mœurs animales. Peut-être, cependant, pour démêler l’affaire du sexe des ânes faudra-t-il un concile. Un concile scientifique s’entend, car les ânes ne sont tout de même pas des anges et contrairement au sexe des anges – encore un de ces mystères insondables inventé par les religions – il est scientifiquement et rationnellement possible de débattre sereinement et efficacement du sexe des ânes.


En effet, c’est une matière palpable, reprend Marco Valdo M.I., mais assez parlé du sexe des ânes ; revenons à notre chanson et à son titre : Il girotondo dell'aborto LE CARROUSEL DE L’AVORTEMENT, qui est tout un programme, car il résume parfaitement la situation des femmes en Italie, un demi-siècle après l’instauration légale du droit à l’avortement et de cette aide salutaire qu’est l’avortement médicalement assisté. C’était une loi sage qui tenait compte de la réalité – l’avortement est un soin comme un autre, qui soigne une blessure profonde infligée à la femme et dès lors, doit être traité comme tel et qui prenait la mesure de la détresse des femmes et de leur douleur et de leur véritable besoin d’aide. Cependant, pour d’absurdes considérations religieuses, pour d’irrationnelles et idiotes croyances, les religieux ont organisé le sabotage de cette loi de santé publique. Ils ont inventé une soi-disant objection de conscience qui dégagerait le médecin de son serment d’Hippocrate (le médecin n’est pas là pour juger, il est là pour soigner) et tous ceux qui l’assistent de leurs obligations morales, éthiques et professionnelles. Il y a là comme un déni du sens même de l’engagement médical.


Dis-moi, Marco Valdo M.I., si je comprends bien, il y a des médecins qui pour des conceptions extérieurs à leur métier (et qui n’ont rien à y faire), refusent de soigner des femmes et de surcroît en violant la lettre et l’esprit de la loi commune.


C’est bien ça, Lucien l’âne mon ami, et du coup, dans presque tout le système hospitalier en Italie, l’avortement légal ne peut être effectué faute de médecins ou d’équipes médicales et les femmes en sont réduites à chercher d’un hôpital à l’autre quelqu’un qui accepte d’appliquer la loi. Résultat : les plus fortunées se font avorter en privé ou s’en vont à l’étranger, en Belgique par exemple ; et celles qui n’ont pas les moyens se font avorter dans des conditions sanitaires dangereuses – certaines sont mutilées, d’autres en meurent et toutes sont porteuses de cette immense souffrance supplémentaire. Car, il est toujours bon de rappeler que personne au monde n’avorte par commodité ou plaisir.


Oh, dit Lucien Lane, j’ai honte pour l’espèce humaine, qui au nom d’on ne sait quelle entité impalpable, laisse ses femmes à l’abandon dans ces moments si angoissants, jusqu’à la mort parfois. Mais j’ai peut-être une solution à cette incurie permanente des médecins.


Ah, oui, laquelle ?, demande Marco Valdo M.I. ; quelle pourrait bien être une telle solution ?


Eh bien, dit Lucien l’âne, il s’agirait d’enseigner dès l’enfance à tous, outre une éducation sexuelle sérieuse, solidement documentée et agréablement exposée, la bonne manière de pratiquer sans danger majeur dans de bonnes conditions et sans l’intervention médicale un avortement, au-delà duquel le médecin ne pourra plus médicalement refuser de soigner la malade atteinte d’une fausse couche et n’aura plus la possibilité de recourir au faux-fuyant de l’objection de conscience. Pour les jeunes les plus démunis, ce serait une sorte de moyen ultime d’autodéfense contre le malheur. Pratiquement, ce serait juste une question d’éducation (et là, pas d’objection de conscience qui tienne) et compte tenu du savoir ainsi dispensé suffisamment tôt dans la jeunesse, on finirait peut-être même par ne plus devoir avoir recours à l’avortement aussi massivement qu’aujourd’hui.


J’aimerais comme toi, Lucien l’âne mon ami, pouvoir parier sur l’intelligence du cœur et la conscience de l’humanité et plus encore sur sa capacité à se débarrasser des entités nébuleuses qui veulent lui dicter sa façon de vivre, c’est à mon sens la seule voie vers vie apaisée.


Je te concède qu’on en est loin dit Lucien l’âne, mais ce n’est pas une raison pour se soumettre aux diktats préhistoriques ; c’est d’ailleurs un des sens de notre « Ne jamais se soumettre, car se soumettre ce serait cesser d’exister ». Alors, tissons plus encore le linceul de ce vieux monde croyant, crédule, mythomane, douloureux, injuste et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane









Au fond, j’angoisse chaque jour,

Chaque fois que je fais l’amour.

En plus, si jamais je tombe enceinte,

Je devrai faire semblant d’être contente.



Et si je ne peux qu’avorter encore,

On me dit qu’il y aura une mort.

Et si je poursuis ma grossesse,

On me dit : « Regardez quelle panse ! ».

Et quand j’aurai enfin accouché,

L’enfant né sera ma responsabilité.



« Ton enfant est à toi », me dit le monde

Et avec lui, sans cesse, je fais la ronde.

Quand fatiguée, je m’effondre un moment,

Mon homme me dit : « Tu étais belle avant. »



jeudi 29 octobre 2020

Tripoli

 

Tripoli


Chanson française – Tripoli – Marco Valdo M.I. – 2020



 

Les Barques

Vincent Van Gogh - 1888




Dialogue Maïeutique

 


Tripoli, Lucien l’âne mon ami, est le nom d’une ville au Liban et aussi, le nom d’une ville en Libye. Ces deux villes sont des ports des bords de la Méditerranée et de ces ports partent – sur des barques de fortune – des gens désespérés qui cherchent à gagner un monde moins absurdement destructeur, qui cherchent à gagner un territoire où la vie peut reprendre d’autres couleurs.


Ah, dit Lucien l’âne, ça, je le savais qu’il y a deux Tripoli, moi qui ai depuis tant de temps fait sur mes petits pieds d’âne le tour de la grande mer. J’ai même rencontré deux Alexandrie. Ce n’est quand même pas toute la chanson. Que raconte-t-elle d’autre ?


Cette chanson, Lucien l’âne mon ami, est une complainte et comme toutes les complaintes, c’est une chanson triste. Elle parle de mort, elle baigne dans une atmosphère morbide, elle glisse sur une lugubre mer de mort. Elle chante, elle susurre, elle murmure la fin d’un monde, la déliquescence d’un pays (ici, le Liban qui s’enfonce dans un chaos insondable ; il n’est d’ailleurs pas le seul, la Libye et tant d’autres aussi), l’exil, la mort d’un enfant.


Comme je vois, dit Lucien l’âne, c’est vraiment une chanson triste.


Épouvantablement triste, reprend Marco Valdo M.I., et l’idée m’en est venue à la lecture d’un récent article (« Mourir sur le bateau ? Ici, on meurt aussi, c’est juste plus lent » – Le Soir, Bruxelles – 24-25 octobre 2020), qui narrait l’atroce périple d’une jeune couple de Tripoli (Liban), qui pour fuir le quartier de Qobbé sur les hauteurs de la ville – un lieu de combats, où les gens meurent des balles perdues de tueurs maladroits – avait tenté sur une barque de passage de rejoindre Chypre. C’était ce qu’on leur avait promis comme aux autres passagers, moyennant finances. Mais la barque, dans la nuit, se perd, s’égare et au matin, finalement, tombe en panne quelque part sur la mer immense. Ainsi, ils n’étaient jamais arrivés à Chypre et pire, l’équipée se prolongeant, l’eau vient à manquer et leur jeune enfant meurt de déshydratation et le papa doit se résoudre à jeter son enfant mort à la mer.


Mais elle est effroyable, ta chanson, dit Lucien l’âne.


Peut-être bien, dit Marco Valdo M.I. ; cependant, elle ne fait que refléter le réel. Et puis, regarde qu’à la fin, elle ouvre quand même une porte sur une autre histoire. Même si les protagonistes ne sont pas des dieux ou des héros antiques, c’est un destin tragique, qui refuse la fatalité. À la première occasion, ils retenteront le passage vers l’Europe. C’est une chanson de l’autre côté du miroir de l’émigration.


Enfin, dit Lucien l’âne, on ne va pas épiloguer plus encore, laissons dire la chanson, car il me semble qu’elle conte bien plus que ça et qu’avec un peu d’attention, on peut le découvrir. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde sec, rugueux, aride, émacié, étique, mortifiant et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Il y a deux Tripoli

Aux bords de la même eau ;

Nous partirons de Tripoli

En bateau, en bateau.


Vivre à Tripoli,

C’était tout un poème ;

C’était notre pays,

On y vivait bien même.


On ne peut plus rester ici ;

On ne peut plus rester à Tripoli ;

Adieu Libye, adieu Liban,

Partons tant qu’il est temps !


En Europe, au Canada, bien loin,

Professeurs, ingénieurs, médecins,

Avec de beaux visas et en avion

De Libye, du Liban, tous s’en vont !


Il y a deux Tripoli

Aux bords de la même eau ;

Nous partirons de Tripoli

En bateau, en bateau.


Quittons le Liban en chantant,

Laissons la Libye, en rêvant,

Nous irons à Larnaca

Sur une grande barque en bois.


Vague par vague, hésitantes,

Demain, Chypre, belle île en mer,

Demain matin, l’île rutilante

Accueillera le père, le fils et la mère.


Il y a deux Tripoli

Aux bords de la même eau ;

Nous partirons de Tripoli

En bateau, en bateau.


Avec mon enfant dans mes bras,

On n'a jamais atteint Larnaca.

Quand il est mort sur le bateau,

Je l’ai jeté à l’eau.


Depuis, pauvre de moi,

J’ai du bleu plein la tête,

Depuis des mois et des mois,

La douleur ronge ma bête.


On a perdu le gosse,

On se souvient de l’eau atroce.

Vaut mieux subir ce qu’il a subi

Que de rester à Tripoli, à Tripoli.


Il y a deux Tripoli

Aux bords de la même eau ;

Nous partirons de Tripoli

En bateau, en bateau.




mercredi 28 octobre 2020

Erdogan, le prophète s’amuse

 

Erdogan, le prophète s’amuse



Récemment, Charlie avait republié les caricatures du prophète, afin de rappeler les assassinats de son équipe, perpétrés au nom de Dieu – version musulmane.


Notamment, une tête de prophète vue par le dessinateur danois Kurt Westergaard :

 


 


Il avait aussi rappelé la version de Luz, publiée en première page de Charlie :

 


 


Tout ceci n’a pas plu aux fanatiques qui ont recommencé à tempêter, à lancer mille et une menaces de mort et plein d’autres fariboles assassines. Monsieur Erdogan s’est lancé à son tour dans l’aventure ; mal lui en a pris, il s’est fait épinglé par Charlie et son image en prophète amusant fait le tour du monde :

 

 


 

Pour le consoler nous lui offrons la couverture de la vie du prophète ; il peut se procurer un volume aisément en demandant à son ambassade en France d’aller en quérir à la plus proche librairie – c’est en vente libre :

 


 

Et s’il ne comprend pas, il pourra toujours méditer sur ce dessin de Chapatte :

 


 

Et pour conclure, on lui conseille la chanson Erdowie, Erdowo, Erdowahn, œuvre de Dennis Kaupp, dont on avait fait la version française.



mardi 27 octobre 2020

CONTRE LE VENT

CONTRE LE VENT


Version française – CONTRE LE VENT – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson allemande – Gegen den WindReinhard Mey – 2010


Paroles et musique : Reinhard Mey

Album : « Mairegen »





 

Éole (Avion de Clément Ader) décolle

Albert Brenet - 1890






Dialogue Maïeutique


Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson qui s’intitule Contre le Vent.


Oh, dit Lucien l’âne, ne vient-on pas tout récemment encore de publier une chanson Contrevent ? N’est-ce pas la même chanson ? Ne dit-elle pas les mêmes choses ?


Sur ces deux points, répond Marco Valdo M.I., la réponse est nettement négative. Non, ce n’est pas la même chanson. Non, elle ne raconte pas du tout les mêmes choses. D’ailleurs, elles ne portent pas le même titre et la différence est encore plus nette en allemand – dans leurs versions d’origine, puisque toutes deux sont des versions françaises de chansons allemandes à peu près contemporaines. Souviens-toi, la précédente, que j’avais nommée Contrevent s’intitulait en allemand Gegenwind der Zeit, ce qui donnerait littéralement Contrevent du Temps et qu’on aurait pu valablement appeler À Rebrousse-temps. C’est une chanson des Toten Hosen et sortie en 2017, elle est la plus récente des deux. Celle qui nous occupe aujourd’hui est une chanson de Reinhard Mey, son titre Contre le Vent est la transcription fidèle du titre allemand : Gegen den Wind.


Soit, dit Lucien l’âne, voilà qui clarifie un peu les choses ; mais cette proximité de titres est-elle pur hasard ou lie-t-elle les deux chansons ?


Probablement, les deux, dit Marco Valdo M.I. ; mais à vrai dire, je n’en sais rien. Je veux dire que je ne sais vraiment pas si les deux chansons se font volontairement écho. Ce que je constate, c’est un ensemble de coïncidences quant à la forme et une énorme divergence quant au contenu, quant au fond. La plus ancienne, celle d’aujourd’hui, celle de Reinhard Mey est une chanson de révolte, une chanson de libération, une chanson d’émancipation face à la société. Et pour ce qui est du vent, elle incite à aller à son encontre. Pour elle, le vent est le courant d’air qui empêche d’avancer, c’est un vent paralysant, qui souffle vers le passé : c’est l’air de la réaction.

Ah, dit Lucien l’âne, ainsi, la société est une mer des Sargasses, où toute (presque toue) nouvelle génération vient s’engluer.


C’est ça, répond Marco Valdo M.I. ; maintenant pour celle des Toten Hosen, c’est une autre affaire ; elle est beaucoup plus amère, elle parle d’un autre vent, d’un vent d’autre temps, d’un vent qui s’en va dans l’autre sens, qui s’en va vers l’avenir et elle dénonce les gens qui s’en vont à contre-sens de ce vent et qui souhaitent le retour aux glorieuses heures du passé, le retour aux grandeurs du Reich de mille ans qui n’a duré que douze ans.


Ainsi en emporte les vents, dit Lucien l’âne, : une fois dans un sens, une fois dans l’autre. Mais que retenir de la chanson qui nous occupe aujourd’hui ?


S’il fallait la synthétiser, s’il fallait, Lucien l’âne mon ami, la ramener à quelques lignes, je retiendrais ces quatre vers-ci qui la concluent :


« Seul un libre penseur, un esprit libre

Trouve son chemin et sort du labyrinthe.

On ne peut décoller que face au vent.

On ne peut décoller que contre le vent. »


Eh bien, voilà une chanson, dit Lucien l’âne, qui va dans le sens de notre commune devise : « Ne jamais se soumettre, car se soumettre, ce serait cesser d’exister. » Cependant, il convient comme pour le clavecin de la bien tempérer, d’y mettre une bonne dose de raison raisonnante. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde intempérant, souffreteux, mélancolique, fade, falot, fadasse et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I.




Que puis-je vous transmettre à présent ?

Que m’a enseigné vraiment mon temps ?

Dans ma vie, j’ai appris beaucoup

Et beaucoup de choses ne valent pas beaucoup.

J’ai cherché derrière les façades des bâtiments

Pour voir à l’intérieur des gens :

Je les ai vu aller par des sentiers sinueux

Et au long de chemins dangereux.



Presque tous les jeunes deviennent vieux

Avant leur temps.

Le seul moyen de sortir du cercle vicieux,

C’est d’aller contre le vent.



Contre le vent,

À contre-courant,

Contre le vent,

Contre l’esprit du temps,

Contre la stupidité, mon enfant.

Seul un libre penseur, un esprit libre

Trouve son chemin et sort du labyrinthe.

On décolle face au vent.

On décolle contre le vent.



Que dit-on aux gens d’aujourd’hui ?

Faites ce qu’on vous dit !

Vous plaindre est interdit.

Enlevez votre chapeau, fermez-la !

On ne peut forcer tous les gens ;

On ne peut faire marcher au pas

Et foncer dans l’abîme aveuglément

Que ceux qui acceptent ça.



Et si tous les autres avancent,

Sans opposition et en silence,

Alors, debout, allez en confiance

Au pas de parade, au pas de course,



À contre-courant,

Contre le vent,

Contre l’esprit du temps,

Contre la stupidité, mon enfant.

Seul un libre penseur, un esprit libre

Trouve son chemin et sort du labyrinthe.

On ne peut décoller que face au vent.

On ne peut décoller que contre le vent.