DANSE
MACABRE
1916
Version
française – DANSE MACABRE 1916 – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
allemande – Totentanz 1916 – Hugo Ball
Comme
certainement tu le sais, Lucien l’âne mon ami, les danses
macabres, qui sont les danses des morts, traversent l’histoire
d’aussi longtemps qu’on s’en souvienne. Et peut-être même en
as-tu déjà vues ?
J’en
ai vu énormément en peinture et en gravure ; il y a même
peut-être des sculptures, mais je n’en ai pas rencontrées. Si
j’ai bien compris leur usage, elles servaient souvent à conjurer
les destins effroyables et infernaux ou à les représenter pour
impressionner les vivants.Mais n'avais-tu pas déjà établi une
version française d'une Totentanz ?
C’est
bien cela. Il s'agissait de la Danse
Macabre en Flandre, postérieure d'un an à celle-ci.
J’ajouterais cependant que les danses macabres ont quelquefois pris
la forme de chanson. Et c’est le cas de celle qui nous échoit
d’aujourd’hui. La particularité, c’est qu’il s’agit d’une
danse macabre, d’une danse de morts, d’une danse des morts
contemporaine de l’auteur ; elle est datée de 1916 , il
y a tout juste une centaine d’années. 1916, note bien l’année ;
on se massacrait à qui mieux mieux dans la Marne, la Somme, l’Aisne,
sur l’Yser et dans plein d’autres endroits d’Europe.
Je
vois. Mais au fait, Marco Valdo M.I. mon ami, qui est cet auteur
contemporain de sa chanson ?
Elle
est l’œuvre, cette danse macabre moderne, d’un poète dadaïste,
un des fondateurs du mouvement Dada. Il s’agit d’Hugo Ball,
poète, romancier de langue allemande, né en 1886 dans la
Rhénanie-Palatinat pas loin des frontières suisse et française. En
1915, il s’exile clandestinement en Suisse pour éviter son
incorporation. En février 1916, il fonde à Zurich avec Huelsenbeck,
Tzara, Arp et d’autres un mouvement artistique antinationaliste,
antimilitariste et révolutionnaire : le mouvement Dada.
Et
que raconte cette canzone, car de cela, tu ne m’as encore rien
dit ?
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, cette Totentanz 1916 est une chanson
assez ironique, assez persifleuse que j’intitulerais plus
volontiers : « Chanson macabre », « Chanson
des morts », car ce sont eux qui, en quelque sorte, chantent
leurs louanges à la mort et à l’Empereur (d’Allemagne) qui la
leur a si généreusement offerte. Ils chantent ces morts du fond de
leur tombe où ils attendent confortablement installés et
tranquilles que l’Empereur vienne ressusciter leurs corps. Dès
lors, tu imagines bien que ces morts ne sont pas ces quelques danseurs
maigrichons que l’on voit sur les gravures ou les tableaux plus
anciens, mais ces millions de cadavres qui parsèment les champs, les
bois et les vallées d’Europe.
Découvrons
cette étrange mélopée macabre et reprenons notre tâche et tissons
le linceul de ce vieux monde toujours parsemé de cadavres et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ainsi
nous mourons, ainsi nous mourons.
Et tous les jours, nous mourons,
Car se laisser mourir est si confortable.
Le matin encore dans le sommeil et le rêve
À midi là-bas.
Le soir au fond de la tombe déjà.
Et tous les jours, nous mourons,
Car se laisser mourir est si confortable.
Le matin encore dans le sommeil et le rêve
À midi là-bas.
Le soir au fond de la tombe déjà.
La
bataille est notre maison close.
Notre soleil est de sang.
La mort est notre voie et notre mot d’ordre.
Nous quittons femme et enfant –
Que peut nous importer ?
Quand on vient justement de se quitter.
Notre soleil est de sang.
La mort est notre voie et notre mot d’ordre.
Nous quittons femme et enfant –
Que peut nous importer ?
Quand on vient justement de se quitter.
Ainsi
nous assassinons, ainsi nous assassinons.
Tous les jours, nous assassinons
Nos camarades de danse macabre.
Mets-toi devant moi, mon frère,
Avance ta poitrine, mon frère
C’est toi qui dois tomber et mourir, mon frère.
Tous les jours, nous assassinons
Nos camarades de danse macabre.
Mets-toi devant moi, mon frère,
Avance ta poitrine, mon frère
C’est toi qui dois tomber et mourir, mon frère.
Nous
ronchonnons peu, nous grognons moins,
Nous nous taisons tout le jour,
Jusqu’à ce que l’iliaque fasse demi-tour.
Dur, notre lit de camp
Sec, notre pain.
Le cher Dieu, sanglant et salissant.
Nous nous taisons tout le jour,
Jusqu’à ce que l’iliaque fasse demi-tour.
Dur, notre lit de camp
Sec, notre pain.
Le cher Dieu, sanglant et salissant.
Nous
te remercions, nous te remercions,
Empereur, de ta faveur pleine d’affection,
De nous désigner pour la mort .
Dors seulement, dors doux et calme,
Jusqu’à ce que tu ressuscites encore,
Notre pauvre corps que l’herbe recouvre.
Empereur, de ta faveur pleine d’affection,
De nous désigner pour la mort .
Dors seulement, dors doux et calme,
Jusqu’à ce que tu ressuscites encore,
Notre pauvre corps que l’herbe recouvre.