Le
Cri
Chanson
française – Le Cri – Marco Valdo M.I. – 2017
Quand
j’ai écrit cette chanson, c’était en 2005 ; c’était une
chanson léviane, tirée de L’Orologio (La Montre, un roman de
Carlo Levi) ; depuis, elle avait dormi dans mes cartons. Quoi
qu’il en soit, ce que je veux en dire aujourd’hui, Lucien l’âne
mon ami, c’est que je ne pensais pas, à ce moment-là, qu’elle
anticipait certains événements que l’on voit de nos jours. On
n’avait pas encore pris l’habitude de voir des cinglés du
prophète foncer avec des camions et des automobiles dans les gens
qui se promènent. Je ne l’imaginais pas, cette chanson, comme un
écho aux cris des femmes dans les rues piétonnes où foncent des
véhicules guidés par des débiles inspirés par le Tout-Puissant,
sorte de crétins majuscules, atteints d’un grotesque délirium.
C’est en découvrant les images des derniers ahurissants exploits
de ces malades mentaux que je me suis rappelé cette chanson qui
raconte tout simplement le cri d’une femme écrasée par une
automobile.
Donc,
Marco Valdo M.I. mon ami, si je comprends bien, cette canzone ne
rapporte pas tel ou tel événement de l’actualité, mais plutôt
fait écho à la douleur de quelqu’un qui est frappé par un
véhicule et le lien est précisément cette douleur absurde.
C’est
un peu ça, Lucien l’âne mon ami, en raison-même du fait qu’elle
n’en parle pas directement, en raison-même du non-dit, en raison
du silence qu’elle observe sur les faits-divers qu’on peut voir
sur toutes les télévisions, avec tout le remue-ménage qui les
entourent, la chanson renvoie au plus profond de l’affaire, à
l’absurdité fondamentale de ces gestes de folie religieuse. Car
sans le mépris des autres qui est enseigné par la religion, comme
au fond des choses le font toutes les religions pour lesquelles il y
a d’un côté, les élus ; de l’autre, les quoi ? Les
riens ?
Marco
Valdo M.I. mon ami, moi qui ai croisé tant de gens depuis si
longtemps, moi qui me souviens d’avoir vu les croisés de la
première croisade massacrer sur le chemin de Jérusalem, mais dans
les villes d’Europe et en premier lieu, peut-être était-ce pour
se faire la main, les Juifs, moi qui ai souvenance des massacres
perpétrés par des croyants de toutes sortes de religions, ornées
ou non d’un Dieu emblématique – car je te le rappelle, les
religions n’ont aucun besoin d’un ou de plusieurs Dieux pour
exister ; un prophète illuminé suffit (car le prophétisme est
le berceau de tous les totalitarismes), moi donc, je te le dis :
on n’en finira pas de si tôt avec le délire engendré par la
croyance ; n’y a-t-il pas un « delirium credens » ?
Ceci tient à la nature de la croyance, laquelle ne repose sur rien
de réel, elle est fantasmatique et n’est en rien confrontable à
la réalité ; pour elle, le réel ne compte pas et si réel, il
y a, il faut l’adapter à elle, la croyance ; tout doit s’y
soumettre. Ce qui est à l’évidence, absurde et cause des plus
grandes folies. Mais je me suis éloigné de la chanson…
Pas
du tout, Lucien l’âne mon ami, c’est ce qui est derrière cette
chanson : la douleur engendrée par l’absurdité. Quant à la
chanson, elle énonce dans sa sécheresse le déroulement d’un
accident. Rien de plus, rien de moins. C’est
d’autant plus terrifiant, un peu comme ce tableau du peintre
norvégien Edvard Munch, tableau qui porte le même titre. Un récit
plus verbeux aurait sans doute dédramatisé la chose, il aurait sans
doute dévié, dilué l’horreur et la douleur compassionnelle.
C’est, à mon sens – outre la nécessité de rencontrer certain
goût du sensationnel (le sensationnel est ce qui procure de la
sensation, c’est-à-dire de l’émotion, denrée recherchée par
nombre de gens), le but des récits mélodramatiques en paroles ou en
images.
Quant
à nous, dit Lucien l’âne, toi comme moi, on se contenterait de
l’énoncé des faits et quoi qu’il en soit, nous reprenons notre
tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde croyant,
mélodramatique, émotif, infantile et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Des
freins crissent
Un
bruit de vitres cassées
Un
seul cri
Un
hurlement de femme
Sur
la rue
Pleine
de gens
Qui
courent dans la
Même
direction
Celle
du cri
De
la femme
Au
croisement
En
un moment
Tous
rassemblés
Fourmilière
multicolore
Qui
court dans la
Même
direction :
Celle
du cri
De
la femme
A
terre luisent
Des
bouts de verre
Au
chahut
Succède
un silence
Absolu
Après
le cri
De
la femme.
Un
mètre
Devant
la voiture
Sur
le pavé
Une
forme claire :
Une
femme
La
femme du cri.
Tête
sur le trottoir
Corps
sur la rue
Immobile,
sur le dos
Jupe
sur le ventre
Relevée
Cuisses
nues,
Horriblement
blanches
Quelle
belle fille !
Morte
La
femme d’un seul cri.