Le Navire dans la Glace
Chanson
française – Le
Navire dans la Glace
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 91
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, I)
Ulenspiegel le Gueux – 91
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, I)
Dialogue Maïeutique
Mais,
enfin ! dit Lucien l’âne, voici encore un titre énigmatique.
Oh, ce n’est pas que je te les reproche, ni même que je n’aime
pas ça – bien au contraire, mais souvent je ne les comprends pas
ou, comme dans le cas de celui-ci, je leur trouve plusieurs sens et
c’est déroutant. Ce « navire dans la glace » est un
titre assez ambigu, il faut bien le reconnaître. Un navire dans la
glace ? Qu’est-ce que ça peut bien signifier ? Est-ce un
navire qui se reflète dans un miroir ? Ou bien, est-ce un
bateau pris dans la glace ? Ce n’est pourtant pas une histoire
qui se passe au Pôle…
Oh,
dit Marco Valdo M.I., c’est presque ça. Comme tu t’en souviens
certainement, Till et Lamme avaient reçu d’Orange comme mission
ultime de rejoindre les Gueux de mer et d’embarquer
avec eux dans cette nouvelle phase de la lutte contre l’Espagnol.
Et c’est précisément ce qu’ils font en cette fin d’année.
Ils remontent – fuyant les troupes d’Albe, vers le nord des Pays
pour arriver à l’extrême de la Frise occidentale à l’endroit
où l’Ems (encore un fleuve dans cette légende fluviale) se jette
dans le Dollard là où le port d’Emden, situé sur la rive
allemande, regarde le Dollard se rétrécir et s’ensabler la voie
vers la mer des Wadden. C’est un pays de fagnes et de polders,
d’eaux rampantes, souvent inondé et difficile d’accès, outre
que d’être frontalier avec le Comté de Frise-Orientale, une
puissance allemande peu commode et favorable aux Gueux. Cependant, on
est en hiver et le gel s’empare du pays, congèle les basses eaux
d’inondation et tient les bateaux captifs. C’est assez fréquent
dans ces régions quand l’hiver est rude et que les vents du Pôle,
qui descendent tout droit le long de la Norvège, frappent les côtes
et s’engouffrent dans l’estuaire de l’Ems, fort exposé.
Merci,
je comprends mieux, Marco Valdo M.I.. Voilà qui éclaire le titre et
qui situe la chanson et ce qu’elle raconte.
Ainsi
donc, Lucien l’âne mon ami, Lamme et Till – l’un suivant
l’autre – sont arrivés à se mettre hors de portée des
poursuivants et à rejoindre le lieu de rassemblement des Gueux de
mer à Emden. Là, ils rencontrent l’amiral Très-Long et le
convainquent de les prendre à son bord. Cependant, le dit-navire et
toute la flottille est pris par les glaces. Ils sont coincés là et
doivent attendre le dégel. Pendant ce temps, la vie continue. Il
faut bien passer ce temps de léthargie : les gens glissent sur
la gigantesque patinoire, Lamme cherche sa femme et Till se comporte
comme Till, il lutine une jolie femme, qui le tient gentiment à
distance, tout en s’inquiétant de son compagnon. Pour le reste et
le terrible avertissement final, je te renvoie à la canzone.
Allons
donc la voir et reprenons notre tâche. Tissons le linceul de ce
vieux monde bloqué, congelé, glacé et cacochyme
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Sur
les bateaux pêcheurs,
Les
hommes armés de piques et de fers
Suivent
avec grande ferveur,
Au
large, les Gueux de mer –
Gens
de mer au chef orné
D’une
Lune aux reflets argentés
Gravée
d’un écrit mémorable :
« Plutôt
servir le Turc que le Pape ».
Till
siffle le refrain de l’alouette
Et
de la mer, le coq à mille voix répond
De
la musique clairette
De
son joyeux clairon.
Tout
au Nord, à Emden, sur le grand quai,
Un
Amiral des Gueux fait les cent pas.
Il
s’impatiente de son navire bloqué.
L’alouette
chante, il répond « Qui va là ? »
« Till,
fils de Claes, brûlé au bûcher. »
« Très-Long,
amiral. Je vais sur la mer. »
« Avec
vous, Lamme et moi voulons chanter,
À
belle voix d’arquebuse, la liberté de nos terres. »
« Sur
mon navire ? Ainsi en sera-t-il ! »
Le
navire attend la clémence de l’hiver
Pour
emporter l’amiral, Lamme et Till.
Mais,
le froid et le gel encore les enserrent.
Autour
du navire pris dans la glace,
On
patine, on lutine, on chante l’amour.
Au
port, on mange, on boit, tour à tour.
Entre
les échoppes, c’est fête sur la place.
Lamme,
passe, repasse et muet, glisse.
Il
cherche sa femme sur la mer lisse,
Till
fréquente un estaminet pas cher ;
L’accoste
une accorte au teint clair.
« Qu’as-tu
fait, toi que voilà,
De
l’homme beau et bien fait
Qu’on
voit souvent près de toi ?
L’homme
Lamme, qu’en as-tu fait ? »
Mais
soudain, entends-tu la neige tomber ?
Mais
soudain, entends-tu les marins chanter ?
La
mort vient comme un voleur.
Il
se prépare un grand malheur.