On
ne voit ça qu'ici, à Berlin
Canzone
française – On ne voit ça qu'ici, à Berlin – Marco Valdo M.I.
– 2013
Histoires
d'Allemagne 94
An
de Grass 95
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
« Les
ours sont lâchés, comme on dit à Berlin »
Comme
toutes les précédentes, cette Histoire d'Allemagne raconte un
moment et cette fois-ci, un moment berlinois de l'année 1995.C'est
en fait la transposition d'un récit en chanson et comme pour chacune
des précédentes, on entend un narrateur particulier ; en
l'occurrence, ici, cette fois, un journaliste parlé, du genre
reporter ou envoyé spécial d'on ne sait quelle radio qui suit une
manifestation en direct. Cette manifestation, qui se répète depuis
dans presque toutes les villes du monde, un peu comme les défilés
militaires ou les carnavals, c'est une « love parade »
(www.youtube.com/watch?v=bc7EYqjWi3w). Pour ce qui est des tenues –
shorts, minis, brassières, seins à l'air et torses nus, ça change
des défilés militaires, quoique... on pourrait les y associer... Ce
pourrait être drôle...
Non
! Ne dis pas des choses pareilles... Ils seraient capables de le
faire et les jeunes de suivre le mouvement. Et si les jeunes se
mettent à la remorque des militaires, il faut tout craindre.
Souviens-toi du « Tous à Berlin ! » de 1914.
À
propos de « Tous à Berlin ! », c'est en fait le leitmotiv de ce
reportage enthousiaste et chaotique, où le reporter – sorte de
Tintin en délire – laisse pointer sans trop s'en douter un certain
nombre de régurgitations allemandes. Un peu comme si l'Histoire
laissait poindre son inconscient tout au long du Ku'damm. Ku'damm :
un mot d'ailleurs étrange et porteur d'un sens sensuel, du moins
pour un locuteur de culture française. Si tu vois ce dont je veux
parler...
Voir,
voir... Enfin, j'imagine, dit Lucien l'âne en se gondolant.
Donc,
pour écarter toute équivoque, le Ku'damm est une longue avenue qui
traverse Berlin et qui au fil du temps est devenue une sorte de long
couloir commercial, de haut-lieu du lèche-vitrine, de la chalandise,
du m'as-tu vu, de l'esbauderie, de l'esbauberie, de la traînerie,
des manifestations et cortèges divers. Son nom complet est moins
équivoque, c'est Kurfürstendamm. Mais pour en revenir au récit, il
indique nettement une évolution de la société, car ce cortège
festif et bruyant a perdu toute connotation et toute signification
d’engagement contre le système... Bien plus, il est « sponsorisé
» par les marques de cigarettes, d'alcools, de bières ou de
préservatifs. On est loin des marches antiatomiques, des
manifestions contre l'Otan, des jeunes révoltés des années 60...
On est dans le nombrilisme comme point focal de l’existence...
«
Se faire voir, se faire entendre, danse, danse
Paix
sur la terre ! On est tous là, tous des amis
Sono,
techno, hétéros, homos, métal, basses, basses
C'est
super avec tout ce monde, c'est hyper-super ici »
C'était
un tournant et nous y sommes encore... On s'y enfonce de plus en
plus. Et en effet, comme le répète en échos infinis, cette foule
bigarrée et auto-déférente : « C'est dingue ! ».
Et
puis, une voix off conclut :
«
Le monde est foutu ; ici, c'est parfait
Mais
qui ramassera les déchets demain ? »
Et
comme en sourdine transparaît soudain, la liaison historique, la
relation ombilicale avec l'histoire de Berlin et de l'Allemagne :
«
Les balades sur le Ku'damm, c'est dingue
1989,
ici, on a dansé sur le Mur, c'était hier
1931,
ici, on a chassé le juif, c'était avant-hier
Le
« Ku'damm-Pogrom », c'est dingue ! »
Mais
quand même, ces serpents d'amour, ces love-machins, ces raves, ces
parties... Il me semble que ce n'est que la suite de cette autre
branche des années 60 où des gens fleuris se rassemblaient aux sons
des ukulélés en musant Peace and Love et en levant les bras au
ciel.
Mieux
que ça, Lucien l'âne mon ami, on trouvait déjà ce genre de choses
aux temps de la République de Weimar ; il s'agissait déjà de
penser à autre chose...
«
Et nous ne pouvons quand même pas dire oui
À
un peuple qui pourrait commettre à nouveau le pire
Refaire
un Reich, revouloir un Empire
À
un pays où le groupe écrase l'individu
Où
les tueurs se promènent tout nus
Portent
des casques d'acier et font de la gymnastique.
Rassurez-vous,
je ne parlerai pas de politique » [[37875]]
Moi
non plus, je ne parlerai pas de politique... Enfin, presque. Ainsi, à
propos, ce « Berlin sera toujours Berlin » me rappelle une chanson
française, dans laquelle s'annonçait l'avenir... C'est « Paris
sera toujours Paris » ; elle date de 1939
(http://www.youtube.com/watch?v=4E6sEetFfg0) et à son tour et au
cinéma, Lauzier en 1984 faisait un sort à ce même « Paris sera
toujours Paris » (http://www.youtube.com/watch?v=lrhj4hHtxFQ)...
Chanson et film qui donnent encore aujourd'hui à réfléchir et pas
seulement à Paris ; car c'est pareil dans les autres métropoles ;
tout se mélange et de ville en ville, des banlieues aux villages, le
monde se métisse. Cela dit, pour moi, ce que montre Lauzier en 1984
– à l'époque, une utopie et maintenant, assez proche de la
réalité – m'a l'air assez chouette et comme dit la dame
protagoniste : « Paris sera toujours Paris ».
Bien
évidemment que le « Berlin sera toujours Berlin » renvoie à «
Paris sera toujours Paris » et comment faire autrement ?
Alors,
mon ami Marco Valdo M.I., nous qui aimons vivre parmi les gens qui ne
font pas un foin de leur « appartenance », tissons le linceul de ce
vieux monde sponsorisé, médiatisé, publicisé, acheté, vendu,
revendu, loué, reloué et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Berlin
sera toujours Berlin
Capitale
de l'Empire,
Ville
prête toujours à tout accueillir
Le
meilleur comme le pire.
Maintenant,
Messieurs, Mesdames
Je
vous parle du Ku'damm en direct de Berlin
La
descente du Ku'damm, tout un programme
Un
truc pareil, on ne voit ça qu'ici, à Berlin
Deux-trois
cent mille dans le Ku'damm
Les
ours sont lâchés, comme on dit à Berlin
Le
love serpent glisse et fait sursauter
De
l'église du Souvenir au lac d'Halensee
Les
balades sur le Ku'damm, c'est dingue
1989,
ici, on a dansé sur le Mur, c'était hier
1931,
ici, on a chassé le juif, c'était avant-hier
Le
« Ku'damm-Pogrom », c'est dingue !
Carnaval
de Rio au bord de la Spree, à Berlin, ici
Aujourd’hui,
c'est une immense rave-party
Se
faire voir, se faire entendre, danse, danse
Paix
sur la terre ! On est tous là, tous des amis
Sono,
techno, hétéros, homos, métal, basses, basses
C'est
super avec tout ce monde, c'est hyper-super ici
La
demoiselle en rose : « Je me sens moi... »
La
rousse à poil : « Je montre mon nombril »
Les
minis laquées : « C'est le pied ! Ce truc-là»
« Le
must, c'est le look ! »
«
On valorise notre look ! »
La
mode, le design, les marchands de tabac
Camel
en tête, font un tabac.
Les
jeunes, ça ne les dérange pas
Réconciliés
qu'ils sont avec le capital
Sur
le Ku'damm, c'est dingue
Ils
dansent en slip dans la capitale.
Les
montagnes d'ordures, c'est dingue
Extasy,
comble de volupté à Berlin
Love
parade, danse, rythme et paix
Le
monde est foutu ; ici, c'est parfait
Mais
qui ramassera les déchets demain ?
Le
« Ku'damm-Pogrom », c'est dingue
Les
balades sur le Ku'damm, c'est dingue
Love
party sur le Ku'damm, c'est dingue
C'est
dingue, dingue, dingue, dingue.
Extasy,
comble de volupté à Berlin
Love
parade, danse, rythme et paix
Le
monde est foutu ; ici, c'est parfait
Mais
qui ramassera les déchets demain ?
Ville
prête toujours à tout accueillir
Le
meilleur comme le pire.
Berlin
sera toujours Berlin
Capitale
de l'Empire,