Version française – CANTILÈNE POUR LE CHER-CHAR ARMÉ – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Ninna nanna (per il caro / armato) – Ivan Cattaneo – 1979
Berceuse
Edouard Vuillard vers 1890
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Dialogue
maïeutique
Berceuse
Edouard Vuillard vers 1890
Comme
depuis le temps, dit Marco Valdo M.I., tu t’en es certainement
aperçu, les chansons, presque toutes les chansons, attisent les
commentaires et sont des occasions de dialogue. Tu as aussi dû
t’apercevoir que j’avais un certain goût pour les « ninna
nanna », les comptines, les lalalaires, les lallations, les
litanies, les berceuses, les ritournelles, les cantilènes ;
bref, les chansons (vraiment ou faussement) enfantines où en
apparence, tout n’est que ramages, pépiements, gazouillis,
chuchotements qui tournent en rengaines, en cavatines, en mélopées
douces, en mélodies apaisantes, enfin, quand le discours du soir
tourne au lied, à l’air hypnotique. Cette chanson d’Ivan
Cattaneo – regarde bien le titre en italien : Ninna nanna (per
il ca (r)ro / armato) et surtout, ce qui se cache dans la parenthèse
et que j’ai ajouté pour expliciter certain sens caché et qui
dévoile un double sens que je n’ai pu inclure tel quel dans la
version française. Car dès lors, on peut indifféremment traduire
par : « char d’assaut » ou par « cher
armé ». Et selon que l’on choisisse l’une ou l’autre de
ces significations, la ninna nanna ne raconte pas la même histoire :
soit, il s’agit d’un engin blindé (carro armato) qui mène une
guerre au sens militaire, même s’il s’agit d’une guerre civile
ou d’une répression armée ; soit, c’est quelqu’un de
proche qui use de la force (caro armato), et on découvre la violence
civile, la violence intrafamiliale ou la violence de couple, la
violence contre la femme, la violence contre l’enfant, cette guerre
sourde et quotidienne qui dans le monde des humains, compte aussi ses
morts et ses victimes par milliers, si ce n’est plus. Oh, les
victimes ne sont pas toutes physiquement mortes, mais leurs vies se
passent en enfer. Et cette ninna nanna a beau mettre en garde, elle
ne peut vraiment prévenir – ni dans un sens, ni dans l’autre.
Comme disait Tonton Georges, toutes deux sont des :
« Guerres
saintes, guerres sournoises
Qui n’osent pas dire leur nom,
Chacune a quelque chose pour plaire,
Chacune a son petit mérite,
Mais, mon colon, celle que je préfère
C’est la Guerre de Quatorze-Dix-Huit. »
Qui n’osent pas dire leur nom,
Chacune a quelque chose pour plaire,
Chacune a son petit mérite,
Mais, mon colon, celle que je préfère
C’est la Guerre de Quatorze-Dix-Huit. »
Évidemment,
celle de 14-18 était celle que préférait également ma grand-mère,
infirmière dans un hôpital en campagne du côté de Verdun ou dans
la Somme. Elle y a trouvé mon grand-père un peu dans le gaz –
c’était un gaz d’Yser ; il en est mort un peu plus de
quarante ans plus tard ; entretemps, elle l’a bien soigné.
Tout
ça m’a l’air romantique
pour tes aïeux, mais pour tout le reste, c’est assez
effrayant, Marco Valdo M.I. mon ami, et ça
me
paraît recouper, confirmer ce que dit La
Guerre de Cent Mille Ans, à savoir que la guerre se joue à tous
les instants et à tous les niveaux ; elle rode jusque dans
l’inconscient, d’où elle déchaîne des violences parfois
soudaines et d’autres d’une quotidienneté affligeante ; et
il faut la museler jusque dans
les recoins les plus secrets de la bête humaine.
Et
le pire, Lucien l’âne mon ami, c’est que je me dis que si on
compare la grande guerre, celle avec les armées, les chars et les
soldats, avec ses avions, ses bombes, ses tortures, ses atrocités –
celle-là même symbolisée dans la chanson par le « char
armé » (carro armato) à cette guerre sournoise et rampante,
cette guerre cachée, à cette violence civile et souvent silencieuse
– symbolisée dans la chanson par le « cher armé »
(caro armato), on s’aperçoit que la première frappe finalement de
façon circonscrite – dans le temps et dans l’espace et touche un
nombre de gens restreint par rapport aux ravages de la seconde.
Et
en vérité, je vous le dis, conclut Lucien l’âne, je ne sais trop
quand, ni comment cessera la Guerre, mais il est des conditions sans
lesquelles il est certain qu’on n’y arrivera pas. On n’y
arrivera pas tant que le monde sera pourri d’ambition, d’envie,
de cupidité, d’avidité, tant qu’il poursuivra cette course
imbécile à la richesse et au pouvoir, à la domination et aux
privilèges, tant qu’il sacrifiera ses semblables à une autorité
supérieure réelle ou illusoire. Alors, tissons le linceul de ce
vieux monde cupide, avide, absurde, ambitieux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ninna
nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…
Allez,
laisse-le dormir
Et
qu’il ne s’éveille plus,
Qu’il
ne se réveille plus.
Sinon
demain, ce sera pire.
La
guerre, la guerre, la guerre :
Il
fera la guerre
Et
à tirer, tirer, tirer, tirer
À
tirer, tirer, il va
recommencer.
Ninna
nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…
C’est
mon char d’assaut
Et
je le surveille
Et
lui, sur chacun de nous veille.
Et
si tantôt
Je
l’éveille, je l’éveille, je l’éveille,
Il
t’écrasera
Et
la raison, je ne la sais pas.
Mais
bien sûr, bien sûr,
Je
suis sûr,
Lui,
sait pourquoi.
Ninna
nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…
C’est
mon char d’assaut
Et
je le surveille ;
Inconscient
en nous, il veille.
Mais
si tantôt
Je
l’éveille, je l’éveille, je l’éveille,
Lui
vous écrasera
Et
la raison, je ne la sais pas.
Mais
bien sûr, bien sûr,
Je
suis sûr,
Lui,
sait pourquoi
La
guerre, la guerre,
La
guerre, la guerre, la guerre,
Il
te fera…
Ninna
nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na...
Ninna nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Na na na na na na…
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na...
Ninna nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Na na na na na na…