dimanche 3 novembre 2019

CANTILÈNE POUR LE CHER-CHAR ARMÉ

CANTILÈNE POUR LE CHER-CHAR ARMÉ



Version française – CANTILÈNE POUR LE CHER-CHAR ARMÉ – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Ninna nanna (per il caro / armato)Ivan Cattaneo1979


Berceuse 
Edouard Vuillard vers 1890


Dialogue maïeutique 
Berceuse 
Edouard Vuillard vers 1890

Comme depuis le temps, dit Marco Valdo M.I., tu t’en es certainement aperçu, les chansons, presque toutes les chansons, attisent les commentaires et sont des occasions de dialogue. Tu as aussi dû t’apercevoir que j’avais un certain goût pour les « ninna nanna », les comptines, les lalalaires, les lallations, les litanies, les berceuses, les ritournelles, les cantilènes ; bref, les chansons (vraiment ou faussement) enfantines où en apparence, tout n’est que ramages, pépiements, gazouillis, chuchotements qui tournent en rengaines, en cavatines, en mélopées douces, en mélodies apaisantes, enfin, quand le discours du soir tourne au lied, à l’air hypnotique. Cette chanson d’Ivan Cattaneo – regarde bien le titre en italien : Ninna nanna (per il ca (r)ro / armato) et surtout, ce qui se cache dans la parenthèse et que j’ai ajouté pour expliciter certain sens caché et qui dévoile un double sens que je n’ai pu inclure tel quel dans la version française. Car dès lors, on peut indifféremment traduire par : « char d’assaut » ou par « cher armé ». Et selon que l’on choisisse l’une ou l’autre de ces significations, la ninna nanna ne raconte pas la même histoire : soit, il s’agit d’un engin blindé (carro armato) qui mène une guerre au sens militaire, même s’il s’agit d’une guerre civile ou d’une répression armée ; soit, c’est quelqu’un de proche qui use de la force (caro armato), et on découvre la violence civile, la violence intrafamiliale ou la violence de couple, la violence contre la femme, la violence contre l’enfant, cette guerre sourde et quotidienne qui dans le monde des humains, compte aussi ses morts et ses victimes par milliers, si ce n’est plus. Oh, les victimes ne sont pas toutes physiquement mortes, mais leurs vies se passent en enfer. Et cette ninna nanna a beau mettre en garde, elle ne peut vraiment prévenir – ni dans un sens, ni dans l’autre. Comme disait Tonton Georges, toutes deux sont des :

« Guerres saintes, guerres sournoises
Qui
n’osent pas dire leur nom,
Chacune a quelque chos
e pour plaire,
Chacune a son petit mérite,
Mais, mon colon, celle que j
e préfère
C’est la Guerre de Quatorze-Dix-Huit.
 »

Évidemment, celle de 14-18 était celle que préférait également ma grand-mère, infirmière dans un hôpital en campagne du côté de Verdun ou dans la Somme. Elle y a trouvé mon grand-père un peu dans le gaz – c’était un gaz d’Yser ; il en est mort un peu plus de quarante ans plus tard ; entretemps, elle l’a bien soigné.


Tout ça m’a l’air romantique pour tes aïeux, mais pour tout le reste, c’est assez effrayant, Marco Valdo M.I. mon ami, et ça me paraît recouper, confirmer ce que dit La Guerre de Cent Mille Ans, à savoir que la guerre se joue à tous les instants et à tous les niveaux ; elle rode jusque dans l’inconscient, d’où elle déchaîne des violences parfois soudaines et d’autres d’une quotidienneté affligeante ; et il faut la museler jusque dans les recoins les plus secrets de la bête humaine.

Et le pire, Lucien l’âne mon ami, c’est que je me dis que si on compare la grande guerre, celle avec les armées, les chars et les soldats, avec ses avions, ses bombes, ses tortures, ses atrocités – celle-là même symbolisée dans la chanson par le « char armé » (carro armato) à cette guerre sournoise et rampante, cette guerre cachée, à cette violence civile et souvent silencieuse – symbolisée dans la chanson par le « cher armé » (caro armato), on s’aperçoit que la première frappe finalement de façon circonscrite – dans le temps et dans l’espace et touche un nombre de gens restreint par rapport aux ravages de la seconde.

Et en vérité, je vous le dis, conclut Lucien l’âne, je ne sais trop quand, ni comment cessera la Guerre, mais il est des conditions sans lesquelles il est certain qu’on n’y arrivera pas. On n’y arrivera pas tant que le monde sera pourri d’ambition, d’envie, de cupidité, d’avidité, tant qu’il poursuivra cette course imbécile à la richesse et au pouvoir, à la domination et aux privilèges, tant qu’il sacrifiera ses semblables à une autorité supérieure réelle ou illusoire. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde cupide, avide, absurde, ambitieux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Ninna nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…


Allez, laisse-le dormir
Et qu’il ne s’éveille plus,
Qu’il ne se réveille plus.
Sinon demain, ce sera pire.
La guerre, la guerre, la guerre :
Il fera la guerre
Et à tirer, tirer, tirer, tirer
À tirer, tirer, il va recommencer.


Ninna nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…


C’est mon char d’assaut
Et je le surveille
Et lui, sur chacun de nous veille.
Et si tantôt
Je l’éveille, je l’éveille, je l’éveille,
Il t’écrasera
Et la raison, je ne la sais pas.
Mais bien sûr, bien sûr,
Je suis sûr,
Lui, sait pourquoi.


Ninna nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na…


C’est mon char d’assaut
Et je le surveille ;
Inconscient en nous, il veille.
Mais si tantôt
Je l’éveille, je l’éveille, je l’éveille,
Lui vous écrasera
Et la raison, je ne la sais pas.
Mais bien sûr, bien sûr,
Je suis sûr,
Lui, sait pourquoi
La guerre, la guerre,
La guerre, la guerre, la guerre,
Il te fera…


Ninna nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, nanna nai na na
Ninna nanna, ninna nanna, ninna na na na...

Ninna nanna, ninna nanna nai na na
Ninna nanna nai na na
Na na na na na na