L’Apologie
des Jambes
Chanson
française – L’Apologie des Jambes – Marco Valdo M.I. – 2019
ARLEQUIN
AMOUREUX – 3 bis
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l'édition française de « LES JAMBES C'EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Dialogue
Maïeutique
Et
les jambes, maintenant ! Marco Valdo M.I. mon ami, tu ne sais
qu’inventer pour attirer l’attention du populo, pour piquer le
badaud au vif, pour capturer un instant le chaland qui passe. Des
jambes, je le demande, à quoi ça rime ? Où cela nous mène ?
À
peu près n’importe où, Lucien l’âne mon ami. Les jambes nous
mènent du début à la fin, elles conduisent immanquablement
ailleurs, plus loin, ici. Comme tu ne l’as pas souligné – et
c’est dommage, car tu aurais tout compris – comme le dit le
titre : les jambes sont faites pour cavaler.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, si je te suis bien, les jambes sont faites
pour fuir et cette fuite finalement mène tout le monde nulle part,
au même endroit, au néant. Pas la peine de se presser, dès lors.
Certes,
Lucien l’âne mon ami, pas la peine de se presser, mais qu’y
faire, ce sont les jambes qui mènent le train et on ne peut que les
suivre. Cela dit, cesse de philosopher, ce n’est pas de ça que les
jambes parlent. Et puis, ce ne sont pas toutes les jambes, ce ne sont
pas n’importe quelles jambes qui parlent, ce sont celles de notre
Arlequin, éternel déserteur et pour lui, ses jambes, c’est en
quelque sorte son instrument de travail et surtout, son équipement
de survie. C’est
vrai aussi pour les jambes de la danseuse, mais différemment. Donc,
il est important de fixer la chose, le locuteur, celui qui parle dans
la chanson, c’est Mathias, l’Arlequin
amoureux, notre Mathias Kuře,
qui vient après onze ans de retrouver son Arlecchina, restée – en
dépit de tous ses vagabondages – son Étoile du berger, sa Vénus
stellaire, l’ultime destination de ses pérégrinations.
Je
m’imaginais que, certainement, ce récit de fugues et de jambes
serait le fait de cet Arlequin échappé à la déroute autrichienne
de Marengo, réplique Lucien l’âne, et que ce fugueur ferait
l’apologie des jambes.
Alors,
Lucien l’âne mon ami, je ne pourrai pas t’apprendre grand-chose.
Notre Mathias qu’on avait vu couché et caché dans la charpente
d’une grange est marqué par un signe d’amour pour une dame,
danseuse de cirque ambulant et vendeuse de charmes à ses heures,
qu’il appelle son Arlecchina. Il en est tellement toqué que ça
faisait onze années, comme je te l’ai dit, qu’il la cherchait –
véritablement, partout. Onze années d’errance déjà depuis la
Bavière et sa première incorporation et sa première désertion. Il
s’était dérobé au monde militaire, dès qu’il l’avait pu
jusqu’à ce qu’à quarante ans passés, on le reprenne et on le
remette en uniforme. Entretemps, il avait vécu de vagabondage et du
désir de retrouver son Arlequine danseuse.
En
fait, dit Lucien l’âne, ton Arlequin amoureux est un héros malgré
lui, un déserteur romantique et de plus, obstiné dans son refus de
la guerre et des guerriers.
Il
faut dire, Lucien l’âne mon ami, qu’en cela, il n’avait qu’un
seul choix : fuir ou mourir. C’était un maître stratège de
la débine ; c’est sur la cavale qu’il bâtit son épopée,
laquelle diffère nettement de celle d’Ulysse, même si pour
Odysseus comme pour Mathias, il s’agit de chercher la femme.
Cependant, Pénélope était une dame casanière et Ulysse rentrait
chez lui par un chemin compliqué, mais il allait quelque part. La
danseuse La Tournesse était une femme vagabonde et à la rejoindre,
notre Arlequuin allait ailleurs, un lieu insaisissable, un ailleurs
toujours fuyant. Leurs épopées , leurs errances magnifiques étaient
de natures différentes.
Je
vois bien tout ça et mille autres choses, Marco Valdo M.I. mon ami,
mais il nous faut conclure et tisser le linceul de ce vieux monde dur
aux vagabonds et aux déserteurs et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Arlecchina,
je suis ensorcelé
Mordu
de toi : Amor vincit omnia,
Viens,
viens ma beauté
Prendre
un café chez moi.
Te
souviens-tu de la Bavière
Où
les soldats me piégèrent ?
Cette
fois-là, on me fit fantassin
Et
marcher contre le Prussien.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui,
Monsieur Chi,
Oui,
Monsieur Nelle,
Oui,
Monsieur Polichinelle.
Souviens-t-en,
Arlecchina,
C’était
la première fois.
Je
m’étais éclipsé discrètement
En
laissant là le régiment.
Je
resterais bien avec vous.
Que
sais-tu faire ?
Tirer,
j’étais militaire
Et
me sauver surtout.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui,
Monsieur Chi,
Oui,
Monsieur Nelle,
Oui,
Monsieur Polichinelle.
Dis-moi,
Pollo, tu étais prêtre avant.
Non
pas, j’étais au couvent.
J’ai
fui, je passe ma vie à fuir.
Filer
où ? Je ne sais pas. Juste fuir.
Quand
la mort rôde par là
Arlecchina,
on ne choisit pas
Fissa
fissa, on fuit épouvanté,
Les
jambes sont faites pour cavaler.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui,
Monsieur Chi,
Oui,
Monsieur Nelle,
Oui,
Monsieur Polichinelle.