vendredi 14 août 2015

MORTS BLANCHES SUR HORIZONS NOIRS

MORTS BLANCHES SUR HORIZONS NOIRS (AUX MORTS AU TRAVAIL)



Version française – MORTS BLANCHES SUR HORIZONS NOIRS (AUX MORTS AU TRAVAIL) – Marco Valdo M.I. – 2015





Vous, morts blanches sur des horizons noirs,
Destins promis à votre enterrement...




IL MEURT DANS LES CHAMPS, ON LE TRANSPORTE À LA MAISON POUR MASQUER L'ACCIDENT

d'Erica Di Blasi et de Jacopo Ricca de la Repubblica du 13 août 2015

C'est arrivé à Carmagnola, dans le Turinois : la victime est un journalier roumain qui était payé au noir. Le procureur d'Asti ouvre une enquête.





Il arrive encore de mourir au travail, sans être en règle. Et pas seulement au sud, même au Piémont. C'est arrivé cet été à Carmagnola, célèbre pour sa Fête du poivron. Et c'est précisément ce que ramassait le 17 juillet un journalier roumain. Il s'appelait Ioan Puscasu, il avait 46 ans. Ensemble avec son frère, il travaillait depuis quatre ans dans une exploitation agricole via Pret. On l'a vu ressentir une forte douleur à la poitrine et ensuite, s'effondrer à terre. Cependant, avant d'appeler l'ambulance, il a été déplacé par ses camarades en toute hâte, peut- être sur indication du propriétaire, dans l'habitation près de la ferme utilisée pour se reposer durant la pause du déjeuner. Sur l’entrefaite, sont arrivés les enquêteurs du Spresal et les carabiniers de Moncalieri. Hier, a été envoyé au Procureur à Asti un rapport détaillé sur ce qui s'était produit ce jour. Ce que les investigateurs veulent vérifier c'est si l'étranger a été porté où il vivait pour l'étendre, et donc en une naïve forme de courtoisie, ou par contre, s'il a été enlevé du poste de travail pour éviter que la vérité ne fasse surface. Le fait est que lorsque l'ambulance du 118 est arrivée à la ferme, le Roumain était déjà mort, selon quelques témoins, depuis environ une heure et demie. Son frère qui a été vite informé par des « collègues » est en larmes. Il travaille aussi au noir dans la même exploitation agricole. Et des contrôles effectués suite à la mort du journalier, il est apparu que c'est la pratique de cette entreprise d'employer des étrangers sans contrat ni quelque forme de protection. Il n'est pas exclu que le Roumain se soit senti mal, victime d'un coup de chaleur. Lorsque il s'est effondré, il ramassait des légumes dans une serre où la température, en soi déjà élevée, était rendue encore plus insupportable par la chaleur étouffante de ces jours. Et où en somme, il était impossible de travailler plusieurs heures de suite.
Le propriétaire de l'exploitation agricole aurait ensuite payé l'enterrement de l'homme et le transfert du corps et de la famille en Roumanie. « Mais tout ceci ne suffit pas - rétorque Denis Vair, secrétaire provincial des Flai Cgil - on ne peut pas continuer ainsi. Des épisodes comme celui-ci lèvent le voile sur une question qu'on ne veut pas poser : même en Piémont, il y a le caporalat (intermédiation illicite et exploitation du travail). Le moment est venu de dire halte au travail au noir ». Dans quelques semaines, il y aura la Fête du poivron. « et les nombreux visiteurs qui se presseront dans les rues de Carmagnola - ajoute Vair - doivent savoir que derrière les produits, il y a des personnes qui non seulement travaillent et peinent, mais meurent même pour les ramasser et les cultiver. Depuis quelques années, le syndicat des travailleurs de l'agriculture de la Cgil mène des campagnes contre l'exploitation du travail dans les champs piémontais. Une loi régionale sur ce thème est toujours plus nécessaire ».






Morts
En grappes, à terre, précipités
D'échafaudages en sous-traitance, sous terre
Dans le ventre sans fond ensevelis
De mines affamées de profits.




Plus bas, avalés dans le rien sidéral
De listes et de statistiques, de données et de chiffres,
Tus par les langues fourchues qui s'agitent
Sur la face putréfiée de l'information.




Outragés de fausses larmes versées
Pour les mêmes assassinats qui continuent
À pisser sur vos droits niés,
Sur vos tombes oubliées.


Sur vos enfants dans la misère jetés,
Sur vos noms dans l'oubli gravés,
Vous, esclaves d'un quignon précaire,
Vies à louer du vide à perdre




Vous, morts blanches sur des horizons noirs,
Destins promis à votre enterrement,
Vous, dans cette merde de futur atypique,
Qui avez construit les grattes-ciel pour les riches.




Pour vous les voir retomber sur le dos
En même temps que des montagnes d'iniquités écroulées
En cimetières d'omerta et de mensonges
Comme un rosaire le long d'un blasphème.




À réciter la liste défigurée
D'injustices à la voix affable
Qui prient des insoutenables promesses
Sur l'abîme oublieux de la sécurité.




Vous, qui seuls avez supporté le deuil
En payant le prix d'un progrès ingrat.
Vous, armées sans honneurs ni fanfares,
Criez, bon sang ! Criez un hurlement qui réveille la raison !




Et enflamme un ciel rouge de honte,
Plus rouge que l'incendie couché
Sur les décombres éteints du soleil de l'avenir.





Vous, un drapeau arraché qui s'agite
Nu, en berne, dans le vent fatigué
De nos poings rendus.