LAMPÉDUSE
Version française – LAMPÉDUSE – Marco Valdo M.I – 2018
Chanson italienne – Lampedusa – L'armata Brancaleone – 2017
L'intro parlée est la Preghiera laica di Erri De Luca
dont on reprend ici la traduction de l’italien faite par Olivier Favier.
Poème récité par Erri de Luca, sur une chaîne de télévision italienne, au lendemain du naufrage du le 19 avril 2015, qui a fait entre 800 et 900 morts.
dormirajamais.org
dormirajamais.org
Dialogue maïeutique
Voici donc, Lucien l’âne mon ami, une chanson qui nous ramène opportunément à la question des naufragés au large des côtes d’Europe et de l’attitude morale, de la position éthique que l’humaine nation devrait avoir en vertu des grands principes qu’on porte au cœur en vertu des grands sentiments et comme on le sait, comme notre Europe n’a pas – on ne peut accuser les seuls riverains immédiats. Que fera-t-on demain ? J’entends des voix exiger qu’on rejette ces naufragés au large, vers d’autres côtes. Je vois un orage noir de honte avancer au-dessus de nos têtes. Qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? Je ne peux m’empêcher d’appeler Racine (Andromaque, Acte V, scène 5) à la rescousse et dire aux autorités :
« Quels démons, quels serpents traînez-vous ainsi ?
Hé bien ! Filles d’enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
À qui destinez-vous l’appareil qui poursuit ?
Voulez-vous les renvoyer dans l’éternelle nuit ? »
Hé bien ! Filles d’enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
À qui destinez-vous l’appareil qui poursuit ?
Voulez-vous les renvoyer dans l’éternelle nuit ? »
Mais, Marco Valdo M.I., je crains que tu dérives toi aussi un peu, même si je suis persuadé que tu as parfaitement raison. Cependant, il te faut revenir à la chanson.
Donc, Lucien l’âne mon ami, elle s’intitule Lampedusa – en français : Lampéduse et elle parle de ce dont on – toi, moi – parlait déjà il y quasiment dix ans dans Le Radeau de Lampéduse.
Entre-temps, dans l’eau de la belle mer, ont coulé des dizaines de bateaux et de barques et des milliers et des milliers de gens. Et voilà qu’en échos répétés arrivent encore les cris des naufragés. Notre monde, l’Europe est indécente. Je ne vois pas d’autre mot – criminelle serait trop faible. Indécente et démente et dire que certains prétendent qu’elle incarne une civilisation. Personnellement, je me fais une autre idée de la civilisation.
Tu as raison, Marco Valdo M.I. mon ami, une civilisation ? Et quoi encore ? Les barbares ne sont pas ceux qui arrivent par la mer, les barbares sont ceux qui les repoussent et plus encore, ceux qui les renvoient au-delà des mers, au-delà des frontières. Et tu as bien fait de rappeler la chanson « Les grands Sentiments », car elle montre que déjà dans les années 1970, des ministres d’Europe ( et d’ailleurs) entendaient bien refuser d’aider et de secourir (alors que les États ont les moyens d’intervenir pacifiquement en me), mais également d’empêcher qu’on (des ONG) secoure ceux qu’on appelait alors les « boat people ». Tu fais bien de le rappeler, car nous en sommes là à présent. Et avant de conclure, je me cite : « Et comme toujours, derrière tout ça, derrière cette hypocrisie qui veut distinguer parmi ceux qui fuient la guerre – les politiques et les autres, dits économiques… Comme si la misère n'était pas le résultat de la guerre que les riches font aux pauvres dans tous les pays du monde, depuis tant de temps… Comme si la misère n'était pas un acte de guerre, une guerre au quotidien, j’insiste, que les riches font aux pauvres. Bref, le résultat de cette Guerre de Cent Mille Ans qui dure et perdure en raison-même de cet absurde et indécent penchant pervers des humains pour la et les richesses. »
Mais pour notre part, nous continuerons à tisser le linceul de ce vieux monde indécent, insensé, ignoble et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Introduction (parlée)
Notre mer qui n’es pas aux cieux
et qui de ton sel embrasses
les limites de ton île et du monde,
que ton sel soit béni
que ton fond soit béni
accueille les embarcations bondées
sans route sur tes vagues,
les pêcheurs sortis de la nuit,
et leurs filets parmi les créatures,
qui retournent au matin avec leur pêche
de naufragés sauvés.
Notre mer qui n’es pas aux cieux,
à l’aube tu es couleur de blé
au crépuscule du raisin des vendanges
nous t’avons semée de noyés plus que
n’importe quel âge des tempêtes.
Notre mer qui n’es pas aux cieux,
tu es plus juste que la terre ferme
même à soulever des murs de vagues
que tu abats en tapis.
Garde les vies, les visites tombées
comme des feuilles sur une allée,
sois leur un automne,
une caresse, des bras, un baiser sur le front,
de père et mère avant de partir.
et qui de ton sel embrasses
les limites de ton île et du monde,
que ton sel soit béni
que ton fond soit béni
accueille les embarcations bondées
sans route sur tes vagues,
les pêcheurs sortis de la nuit,
et leurs filets parmi les créatures,
qui retournent au matin avec leur pêche
de naufragés sauvés.
Notre mer qui n’es pas aux cieux,
à l’aube tu es couleur de blé
au crépuscule du raisin des vendanges
nous t’avons semée de noyés plus que
n’importe quel âge des tempêtes.
Notre mer qui n’es pas aux cieux,
tu es plus juste que la terre ferme
même à soulever des murs de vagues
que tu abats en tapis.
Garde les vies, les visites tombées
comme des feuilles sur une allée,
sois leur un automne,
une caresse, des bras, un baiser sur le front,
de père et mère avant de partir.
Aie aie aie aie
Le bateau part à la dérive
Aie aie aie aie
À la merci de la mer
Aie aie aie aie
Toi qui l’attends sur le rivage
Aie aie aie aie
Regarde le soleil se noyer
Sous la limite de la mer
Autour de moi, seul l’horizon
Sans direction naviguer
Vers un port qui n’existe pas
Aie aie aie aie
Le bateau part à la dérive
Aie aie aie aie
À la merci de la mer
Aie aie aie aie
Tu n’es plus sur le rivage
Aie aie aie aie
Moi seul, je vais me noyer.