Le Vautour triste
Chanson
française – Le Vautour
triste– Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 62
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIV)
Ulenspiegel le Gueux – 62
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIV)
Dialogue
Maïeutique
Il
te souviendra,
dit
Marco Valdo M.I., qu’au
début de cette épopée, il y avait la confrontation entre Till
et Philippe.
Elle traçait de façon indélébile le portrait mental et moral de
ces deux personnages emblématiques : Till toujours rit ;
Philippe toujours est maussade. Till fait des niches et zwanze ;
Philippe se confit en dévotions. Ainsi en allait-il dès leurs
enfances si dissemblables.
Je
me souviens, dit Lucien l’âne, de ces garçons que le destin avait
marqué et déjà alors les opposait avec une grande netteté. Déjà,
Till jouait gentiment avec les belles et se jouait comiquement des
moines ; c’était
déjà un joyeux bonhomme. Philippe déjà arrachait les pattes et
les ailes des mouches ; c’était déjà un méchant homme ;
la noirceur tapissait déjà son cœur. Mais au fait, Marco Valdo
M.I ;, pourquoi dis-tu ça ? Pourquoi me remémores-tu
cette chanson des débuts ?
Bonne
question, Lucien l’âne mon ami, et je m’en vas y répondre dans
l’instant et répondre en même temps à ton interrogation
sempiternelle à propos du titre des chansons. Simplement, cette
chanson du Vautour triste évoque la personnalité de Philippe, roi
d’Espagne et cette chanson lui est consacrée. Les deux mots
« vautour » et « triste » ont chacun leur
place nécessairement.
Ah,
dit Lucien l’âne soudain tout hérissé des pois du dos, un
vautour. Je n’aimerais pas en rencontrer, ni même, surtout même,
en voir un qui tournerait dans le ciel au-dessus de moi, comme il en
tournait un au-dessus du guerrier dans
le Vautour
de la Paix :
« Le
Vautour plane
sur
le pays
Et
l’oiseau plus grand qu’une brebis,
Tournoie
au-dessus de lui. »
C’est
bien de cet oiseau qu’il est question, reprend ainsi Marco Valdo
M.I., cet oiseau de malheur qui tournoie au-dessus de sa proie en
attendant qu’elle meure. Dans le titre de la chanson, le deuxième
mot triste le qualifie et les faits se conforment à sa personnalité
profonde : le roi Philippe est un triste sire. Il est triste à
perpétuité et il emporte partout une sombre et terne mélancolie,
mais on le lui connaît aucune sympathie, aucune empathie. C’est un
être vilainement constitué et malfaisant. C’est un sanguinaire,
un assassin refoulé qui opère des crimes et ses meurtres par
personnes interposées ; en son palais ou aux environs, il tue
ses proches : son fils – Don Carlos, sa femme
– Isabelle
de Valois, le
mari de celle qu’il convoite le prince d’Eboli et dans les pays
sur lesquels il règne ou veut régner, il massacre : aux
Pays-Bas, par l’entremise du duc d’Albe.
Que
voilà un vilain oiseau !, dit Lucien l’âne. Je n’aimerais
pas le rencontrer et il est heureux qu’il soit mort depuis
longtemps. Cependant, il nous faut reprendre notre tâche et tisser
le linceul de ce vieux monde envieux, lâche, sournois, meurtrier,
sanguinaire et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le
roi Philippe en Castille,
Comme
il fit toute sa vie, prie.
Il
rêve de purifier les Provinces Unies
Et
par le fer et le feu, de liquider les hérésies.
Philippe
assis durant des heures
Rêvasse
à la Rome d’autrefois.
Il
se voit empereur,
Il
ne le sera pas.
Il
veut l’Angleterre et la France,
Et
aussi, Milan, Gênes et Venise.
Il
veut être le maître l’Europe entière
Et
du reste de la Terre.
Il
songe, mais ne rit pas ;
Le
vin ne le réchauffe pas,
Ni
le perpétuel feu de bois
Qui
brûle dans son âtre de roi.
Don
Carlos, son fils, devait être parfait.
Il
le découvre fou et contrefait,
Féroce,
méchant et laid.
Il
le jalouse, il le déteste, il le hait.
Tous
à la cour savent ce souci royal,
Ce
fils meurtrier et agile,
Ce
père sournois et habile
Qui
vivent de cadavres en l’Escurial.
Philippe
accuse : haute trahison.
Don
Carlos gît en prison,
Son
goût prononcé des figues vertes
Bientôt
cause sa perte.
Philippe
vit d’envie en costume de velours,
Il
connaît de l’amour
Les
charmes volatils et les parfums lourds.
Sur
la princesse d’Eboli, il tombe en vautour.
Don
Carlos, Isabelle de Valois,
Le
Prince d’Eboli, mari effacé,
Philippe
les fait tous enterrer
Et
triste vautour, il ne pleure pas.
Et
les médecins royaux répètent doctement :
« Le
sang a cessé de couler soudainement,
Le
cœur a cessé de respirer,
Les
fonctions de la vie ont cessé. »