Noir et Blanc (version noire)
Version
française – Noir et Blanc
(version noire)
– Marco Valdo M.I. –
2020
K.K.K. |
Dialogue
Maïeutique
Je
t’avais annoncé, Lucien l’âne mon ami, qu’il y aurait une
version noire – seulement en langue française, et c’est donc une
chanson nouvelle, quels que soient ses airs de parodie – de cette
ancienne chanson italienne intitulée Bianco e nero, qu’interprétait
il y a plus d’un demi-siècle le Quartetto Cetra et comme bien des
parodies, elle revêt la vêture de sa partition originale. Elle lui
ressemble et cependant, elle s’en distingue. Ici, par une noirceur
accentuée des faits, par un parfum musqué de réalité ; c’est
une chanson réaliste. Elle s’inscrit dans un autre courant du
Mississippi, elle nage dans un bras sans berges. C’est une fille de
la House
of Rising
Sun, sans le fard, sans le vernis, sans les fanfreluches et sans
le parfum qui cachent ses vraies senteurs et son intangible destin.
Holà,
Marco Valdo M.I., arrête-toi, arrête-toi là, arrête ta logorrhée
et dis-moi ce qu’elle raconte et qui justifie cette appellation de
« version noire », car c’est ce qui m’intéresse pour
le moment. Mais avant, puisque tu évoques la Rising Sun, ce bordel
du bayou, laisse-moi te dire un mot de la parodie : il y avait
donc à l’origine (?) une chanson de la Nouvelle-Orléans –
lamentation d’une fille perdue, qui passée par tes mains en langue
française a donné « La
Maison du Soleil levant »,
par
celles d’Hugues Aufray « L’HÔTEL
DU SOLEIL LEVANT »,
par celles de Johnny Halliday, plus pudiquement devenue « Le
Pénitencier » – entretemps, la fille avait changé de
genre et à nouveau par les tiennes, avec cette chanson hyperréaliste
– parodie de la parodie, qui raconte l’aventure de tant de nos
contemporains et qui à juste titre, clôturait le cycle : « La
Fermeture ».
En
fait, répond Marco Valdo M.I., elle reprend l’histoire de ces deux
garçons Noir et Blanc – Blanc étant le noir et Noir étant le
blanc, qui jouaient du jazz de leur facture et qu’un archange
(était-il blanc ou noir ?) est venu couvrir d’un voile
protecteur pour leur permettre de jouer encore leur musique à la
Nouvelle-Orléans. C’est là que les choses bifurquent et prennent
une autre tournure, la version noire introduit dans le spectacle la
dimension dramatique, carrément tragique, celle que l’on trouvait
déjà dans « I shall spit on your graves », petit roman
noir interdit de Vernon Sullivan – dont comme on le sait, il n’y
a jamais eu de version originale, vu que Boris Vian en avait
directement écrit la « traduction » en français sous le
titre mieux connu
de « J’irai cracher sur vos tombes » (1946)
– titre qui, soit
dit en passant, valut à Vian les pires ennuis avec les associations
d’anciens combattants. La dimension tragique à laquelle je fais
allusion est celle de personnages issus du réel des États du Sud, à
savoir selon la chanson, les « cagoulards de la
Nouvelle-Orléans », autrement dit les gens du KKK (Ku Klux
Klan), qui viennent chercher les enfants et les pendent du fait
précisément qu’ils forment un duo noir et blanc, un appariement
diabolique. C’est
ici qu’il faut avancer la dimension sexuelle de la chanson, une
situation hypothétique où ce duo (n-b ; h-f ; h-h, et
toute autre combinaison que l’on voudra mettre dans l’équation)
musical prend un sens autrement scandaleux. Certes, lui joue de la
clarinette et elle (il ?) de ses caisses, mais passons, on
risquerait d’être graveleux. Cependant, je ne peux m’empêcher
de penser qu’il y a derrière ça autre chose de plus tourmenté,
mariné à la sauce raciale, à une histoire criminelle du genre de
celle qui tua les métis Emmet Till et Lee Anderson. Comme disait
Vian, toujours lui :
« S’il
n’y avait pas de rapports sexuels entre les Blancs et les Noirs, il
n’y aurait pas de métis. »
Stop,
dit Lucien l’âne, sinon on n’en finira jamais. Juste deux
remarques ; la première à propos de l’acronyme KKK, qui
certes aux Zétazunis
indique le Ku Klux
Klan, mais qui aussi, est-ce un véritable hasard ?, existe en
Allemagne où c'est un précepte nazi, venu de la très chrétienne
Bavière : Kinder,
Küche, Kirche - Enfant - Cuisine - Église ;
la seconde remarque, c’est que s’il n’y avait pas de rapports
sexuels, il n’y aurait pas de cocus et accessoirement, il n’y
aurait pas de vie, du moins celle qu’on vit à présent et pas
d’espèce humaine non plus ; même pas d’âne. Alors,
tissons le linceul de ce vieux monde sexué, sexuel, scandaleux,
correct, racial, raciste, racialisé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dans
les rues de la Nouvelle-Orléans,
Il
y avait deux enfants
De
bons amis. Ils s’appelaient Noir et Blanc.
Noir
jouait de la clarinette, de la batterie jouait Blanc
Quel
succès, quelle joie avec leur jazz !
On
aurait dit les enfants du jazz.
Noir
est blanc, Blanc est noir,
Vous
ne devez jamais l’oublier !
Noir
est blanc,
Blanc est
noir,
C’étaient
de très bons amis, malgré
Que
l’un fut blanc et l’autre noir :
Comme
le lait et le café !
Comme
le lait et le café !
Deux
impresarios de la Nouvelle-Orléans avaient appris
Que
ces amis étaient noir et blanc.
Quand ils les ont pris,
Ils
ont dit : « Jamais ! Ça ne va pas les enfants,
Nous
ne voulons pas du
noir en duo avec le
blanc,
Nous
ne sommes pas intéressés les amis
Par
votre propre jazz métis. »
Noir
est blanc, Blanc est noir,
Vous
ne devez jamais l’oublier !
Noir
est blanc,
Blanc est
noir,
C’étaient
de très bons amis, malgré
Que
l’un fut blanc et l’autre noir :
Comme
le lait et le café !
Comme
le lait et le café !
Au
lever du soleil de la Nouvelle-Orléans,
Des
anges cagoulés en robe blanche
Ont
pendu haut et court les enfants.
À
la plus haute branche
Et
les enfants maudissaient les
anges blancs,
Les
cagoulards de la Nouvelle-Orléans.
Noir
est blanc, Blanc est noir,
Vous
ne devez jamais l’oublier !
Noir
est blanc,
Blanc est
noir,
C’étaient
de très bons amis, malgré
Que
l’un fut blanc et l’autre noir :
Comme
le lait et le café !
Comme
le lait et le café !
Et
en noir et blanc,
Leur
duo jazzifiant
Joue
sa musique encore
Et
toujours, haut et fort,
À
la
Nouvelle-Orléans !