dimanche 2 août 2020

Noir et Blanc (version noire)



Noir et Blanc (version noire)


Version française – Noir et Blanc (version noire)Marco Valdo M.I. – 2020





K.K.K.



Dialogue Maïeutique

Je t’avais annoncé, Lucien l’âne mon ami, qu’il y aurait une version noire – seulement en langue française, et c’est donc une chanson nouvelle, quels que soient ses airs de parodie – de cette ancienne chanson italienne intitulée Bianco e nero, qu’interprétait il y a plus d’un demi-siècle le Quartetto Cetra et comme bien des parodies, elle revêt la vêture de sa partition originale. Elle lui ressemble et cependant, elle s’en distingue. Ici, par une noirceur accentuée des faits, par un parfum musqué de réalité ; c’est une chanson réaliste. Elle s’inscrit dans un autre courant du Mississippi, elle nage dans un bras sans berges. C’est une fille de la House of Rising Sun, sans le fard, sans le vernis, sans les fanfreluches et sans le parfum qui cachent ses vraies senteurs et son intangible destin.

Holà, Marco Valdo M.I., arrête-toi, arrête-toi là, arrête ta logorrhée et dis-moi ce qu’elle raconte et qui justifie cette appellation de « version noire », car c’est ce qui m’intéresse pour le moment. Mais avant, puisque tu évoques la Rising Sun, ce bordel du bayou, laisse-moi te dire un mot de la parodie : il y avait donc à l’origine (?) une chanson de la Nouvelle-Orléans – lamentation d’une fille perdue, qui passée par tes mains en langue française a donné « La Maison du Soleil levant », par celles d’Hugues Aufray « L’HÔTEL DU SOLEIL LEVANT », par celles de Johnny Halliday, plus pudiquement devenue « Le Pénitencier » – entretemps, la fille avait changé de genre et à nouveau par les tiennes, avec cette chanson hyperréaliste – parodie de la parodie, qui raconte l’aventure de tant de nos contemporains et qui à juste titre, clôturait le cycle : « La Fermeture ».
En fait, répond Marco Valdo M.I., elle reprend l’histoire de ces deux garçons Noir et Blanc – Blanc étant le noir et Noir étant le blanc, qui jouaient du jazz de leur facture et qu’un archange (était-il blanc ou noir ?) est venu couvrir d’un voile protecteur pour leur permettre de jouer encore leur musique à la Nouvelle-Orléans. C’est là que les choses bifurquent et prennent une autre tournure, la version noire introduit dans le spectacle la dimension dramatique, carrément tragique, celle que l’on trouvait déjà dans « I shall spit on your graves », petit roman noir interdit de Vernon Sullivan – dont comme on le sait, il n’y a jamais eu de version originale, vu que Boris Vian en avait directement écrit la « traduction » en français sous le titre mieux connu de « J’irai cracher sur vos tombes » (1946)titre qui, soit dit en passant, valut à Vian les pires ennuis avec les associations d’anciens combattants. La dimension tragique à laquelle je fais allusion est celle de personnages issus du réel des États du Sud, à savoir selon la chanson, les « cagoulards de la Nouvelle-Orléans », autrement dit les gens du KKK (Ku Klux Klan), qui viennent chercher les enfants et les pendent du fait précisément qu’ils forment un duo noir et blanc, un appariement diabolique. C’est ici qu’il faut avancer la dimension sexuelle de la chanson, une situation hypothétique où ce duo (n-b ; h-f ; h-h, et toute autre combinaison que l’on voudra mettre dans l’équation) musical prend un sens autrement scandaleux. Certes, lui joue de la clarinette et elle (il ?) de ses caisses, mais passons, on risquerait d’être graveleux. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a derrière ça autre chose de plus tourmenté, mariné à la sauce raciale, à une histoire criminelle du genre de celle qui tua les métis Emmet Till et Lee Anderson. Comme disait Vian, toujours lui :

« S’il n’y avait pas de rapports sexuels entre les Blancs et les Noirs, il n’y aurait pas de métis. »

Stop, dit Lucien l’âne, sinon on n’en finira jamais. Juste deux remarques ; la première à propos de l’acronyme KKK, qui certes aux Zétazunis indique le Ku Klux Klan, mais qui aussi, est-ce un véritable hasard ?, existe en Allemagne où c'est un précepte nazi, venu de la très chrétienne Bavière : Kinder, Küche, Kirche - Enfant - Cuisine - Église ; la seconde remarque, c’est que s’il n’y avait pas de rapports sexuels, il n’y aurait pas de cocus et accessoirement, il n’y aurait pas de vie, du moins celle qu’on vit à présent et pas d’espèce humaine non plus ; même pas d’âne. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde sexué, sexuel, scandaleux, correct, racial, raciste, racialisé et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Dans les rues de la Nouvelle-Orléans,
Il y avait deux enfants
De bons amis. Ils s’appelaient Noir et Blanc.
Noir jouait de la clarinette, de la batterie jouait Blanc
Quel succès, quelle joie avec leur jazz !
On aurait dit les enfants du jazz.

Noir est blanc, Blanc est noir,
Vous ne devez jamais l’oublier !
Noir est blanc, Blanc est noir,
C’étaient de très bons amis, malgré
Que l’un fut blanc et l’autre noir :
Comme le lait et le café !
Comme le lait et le café !

Deux impresarios de la Nouvelle-Orléans avaient appris
Que ces amis étaient noir et blanc. Quand ils les ont pris,
Ils ont dit : « Jamais ! Ça ne va pas les enfants,
Nous ne voulons pas du noir en duo avec le blanc,
Nous ne sommes pas intéressés les amis
Par votre propre jazz métis. »

Noir est blanc, Blanc est noir,
Vous ne devez jamais l’oublier !
Noir est blanc, Blanc est noir,
C’étaient de très bons amis, malgré
Que l’un fut blanc et l’autre noir :
Comme le lait et le café !
Comme le lait et le café !

Au lever du soleil de la Nouvelle-Orléans,
Des anges cagoulés en robe blanche
Ont pendu haut et court les enfants.
À la plus haute branche
Et les enfants maudissaient les anges blancs,
Les cagoulards de la Nouvelle-Orléans.

Noir est blanc, Blanc est noir,
Vous ne devez jamais l’oublier !
Noir est blanc, Blanc est noir,
C’étaient de très bons amis, malgré
Que l’un fut blanc et l’autre noir :
Comme le lait et le café !
Comme le lait et le café !

Et en noir et blanc,
Leur duo jazzifiant
Joue sa musique encore
Et toujours, haut et fort,
À la Nouvelle-Orléans !