mercredi 8 mai 2019

CÉLÉBRATION DES CHANTEURS ANONYMES


CÉLÉBRATION DES CHANTEURS 

ANONYMES




Version française – CÉLÉBRATION DES CHANTEURS ANONYMES – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Celebravamo cantori anonimiRocco Rosignoli – 2019
GAVRILO PRINCIP


Il ne fait aucun doute que les chanteurs contemporains de cette belle chanson née en ces mauvais jours continuent à célébrer les "chanteurs anonymes", c’est-à-dire tout le riche héritage du chant populaire produit par ce malheureux pays appelé "Italie".

Qu’on retrouve là Rocco Rosignoli, Francesco Pelosi, Alessio Lega, Max Manfredi, Rebi Rivale et Davide "Darmo" Giromini, avec leurs noms et des anonymes à la fois, parcourant les routes les plus improbables pour aller chanter ces chansons dans des endroits souvent encore plus improbables que ces routes ; et j’en sais quelque chose, les ayant souvent suivis même dans des endroits qui sont en désaccords insurmontables avec les cartes. Je ne suis pas surpris, alors, par cette chanson à peine sortie, et justement maintenant.

C’est un voyage, cette chanson, dans l’histoire de ce pays à travers la chanson collective qui l’a marquée. En l’écoutant et en lisant son texte, vous aurez remarqué que chaque strophe se réfère à tout cet héritage, que ce site et d’autres (pensez seulement au « Deposito ») conservent méticuleusement, qui forme l’activité de l’Institut Ernesto De Martino, qui dans ceux-là et d’autres médias désormais souterrains,pour qu’il ne soit pas laissé pour mort tandis que la mémoire semble céder aux lourdes attaques de l’imbécillité fasciste assistée de technologies toujours plus sophistiquées revenue à ses bestialités les plus brutes et les plus vulgaires.

Vous avez peut-être remarqué qu’une des strophes de cette chanson fait précisément référence à Gorizia, une chanson anonyme qui, redécouverte, il y a une cinquantaine d’années avait commencé à provoquer un tumulte et n’a pas encore cessé d’en provoquer. Et alors, comment dire : une chanson qui célèbre ces chansons, est nécessaire parce qu’il les célèbre en s’insérant entre elles, à part entière, et nonobstant que ses chanteurs ne soient pas anonymes. Je les remercie et nous les remercions tous parce que, d’une certaine façon, ils marquent une continuité que beaucoup voudraient interrompre avec insolence, avec arrogance, avec présomption. Ils ne réussiront pas. [RV]


Dialogue Maïeutique

Mon ami Lucien l’âne, si tu prends la peine de m’écouter, je te dirai quelques mots à propos de ce Gavrilo dont parle la chanson.

« Gavrilo avait le nom d’un ange,
Mais il assassina le prince. »

Non seulement je vais t’écouter, Marco Valdo M.I., mais je vais le faire de mes deux grandes oreilles d’âne, car j’ai souvenir de Gavrilo et du prince qu’il assassina d’un ou deux coups de révolver. Tout le monde a ce souvenir. Mais j’ai aussi en mémoire ce que Gavrilo avait déclaré ensuite alors qu’il était déjà aux mains de ses bourreaux de Cacanie :

« Je suis un fils de paysans et je sais ce qui s’est passé dans les villages. C’est ça que j’ai voulu venger et je ne regrette rien. »

C’est bien de lui qu’il s’agit, reprend Marco Valdo M.I. et prémonition du destin ou coïncidence, il Gavrilo Princip, ce qui pourrait se traduire par Gavrilo Prince.
Nous avons célébré les chanteurs anonymes. Sur les événements proprement dits, les coups de révolver et ce qui s’ensuivit, je ne dirai rien de très nouveau – le monde entier est au courant. L’Autriche-Hongrie attaqua la Serbie et l’affaire fit des millions de morts. On l’a appelée la Grande Guerre. Mais comme je te l’ai dit, je veux parler du destin personnel de Gavrilo et au passage de deux ou trois choses incidentes.

C’est vrai, dit Lucien l’âne, on enseigne toujours le moment du fait divers, la péripétie et on évite d’en donner le contexte, de donner un sens à ce geste. Je t’ai déjà indiqué la déclaration de Gavrilo ; à elle seule, elle montre qu’il y avait autre chose là qu’un forcené. C’était un acte politique ; en fait, c’était un épisode de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres quasiment impunément depuis tant et tant de temps. C’était un acte politique et la réplique tout autant, et si elle fut tellement démesurée, c’est qu’il convenait d’imposer la terreur.

Donc, Lucien l’âne mon ami, ce qui m’intéresse, c’est le destin particulier de Gavrilo – considérant tout le reste connu ou dit par ailleurs. Mais tu as raison, il s’agissait d’imposer la terreur. Ainsi au début de l’affrontement, on trouve : d’un côté, l’Autriche-Hongrie, la Cacanie – 52 millions d’habitants ; de l’autre côté : la Serbie – 5 millions d’habitants. À la fin, du côté serbe : 1 250 000 de morts –essentiellement civils, soit un quart de la population massacrée dans cette absurde confrontation. Quant à Gavrilo, arrêté, on l’enferme à Theresienstadt et on va le laisser pourrir sur place, amputé d’un bras et tuberculeux jusqu’à ce que mort s’ensuive quatre ans plus tard. Ensuite, on s’empressa de faire disparaître sa dépouille.

Sans doute, dit Lucien l’âne, qu’ils craignaient qu’il ressuscite.

Et puis, ce n’est pas tout, continue Marco Valdo M.I. ; après la Grande Guerre, on installa à Sarajevo une plaque commémorative de son geste ; elle disait :
« Sur ce lieu historique, Gavrilo Princip annonça la liberté ».

Toutefois, l’affaire ne s’arrête pas là. Même si la Cacanie avait disparu dans cette aventure, ses successeurs s’en sont souvenu. En 1941, les Nazis, qui avaient envahit la Yougoslavie, l’ont arrachée du mur, l’ont ramenée à Berlin et offerte à Hitler pour son anniversaire, ce qui donne tout son sens au geste et au nom de Gavrilo.

Oh, dit Lucien l’âne, quand donc l’humanité cessera d’être aussi stupide ; sans doute quand elle cessera d’être menée par son goût de la domination et par son insatiable avidité. En attendant, tissons quand même le linceul de ce vieux monde vindicatif, cupide, avide, arrogant, altier, dominateur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlait Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Nous avons célébré les chanteurs anonymes
En chantant leur musique
Selon l’usage ancien des pauvres
De ne pas se rendre.


Nous avons cherché un endroit pour se cacher
Pour être plus libres,
Mais dans l’histoire, il n’y avait pas de tanière
Qui pût nous abriter.


Et pourtant, sans mémoire, chantaient
Les voix qui luttaient
Pour émanciper
L’homme de sa pauvreté


Revendications idéalistes et vendettas ataviques
Dans leurs cœurs ont flambé
Avec des paroles parfois rhétoriques
Qui déchiraient la réalité.


Les têtes couronnées ont roulé
Au tournant du siècle dernier,
Gavrilo avait le nom d’un ange,
Mais il assassina le prince.


Des torrents humains mouraient sur le Carso,
Et dans la boue, ont gelé
Maudissant les lieux et les bourreaux
Dans chaque chant qu’ils ont laissé.


Puis, j’imagine, le long des crêtes marchèrent
Tous ceux-là qui s’opposèrent
À la brutale renaissance italique
En en chantant l’amertume.


La révolution comme miracle,
La fin de toute douleur :
Il n’y aurait plus eu d’obstacles,
De sujet, de tyran ou de dictateur.


Et retentissaient dans l’usine
Les rimes de cette époque
Quand les luttes nouvelles ont exigé
Travail et liberté.


Maintenant on est sans voix, ils nous font taire,
Car on ne comprend pas les règles
D’un jeu qui punit le plus faible
Et qui nous désespère.


Bourreaux et victimes
De sentiments falsifiés,
Enserrés dans des récits multiples
Qui façonnent la réalité,


Nous cédons à la haine des plus pauvres
Et aux chroniques diaphanes
Qui parlent d’une liberté unique
Vendue sous cellophane.


Même si l’espoir de gagner
N’aboutit pas et ne peut pas pousser,
Toujours à sourire, on continuera
Tant qu’un chant s’élèvera.


Même si l’espoir de gagner
N’aboutit pas et ne peut pas pousser,
À sourire et à lutter, on continuera
Tant qu’un chant s’élèvera.
Tant qu’un chant s’élèvera.
Tant qu’un chant s’élèvera.