CÉLÉBRATION DES CHANTEURS
ANONYMES
Version
française – CÉLÉBRATION DES CHANTEURS ANONYMES – Marco Valdo
M.I. – 2019
Chanson
italienne – Celebravamo
cantori anonimi – Rocco
Rosignoli – 2019
GAVRILO PRINCIP |
Il
ne fait aucun doute que les chanteurs contemporains de cette belle
chanson née en ces mauvais jours continuent à célébrer les
"chanteurs anonymes", c’est-à-dire tout le riche
héritage du chant populaire produit par ce malheureux pays appelé
"Italie".
Qu’on
retrouve là Rocco Rosignoli, Francesco Pelosi, Alessio Lega, Max
Manfredi, Rebi Rivale et Davide "Darmo" Giromini, avec
leurs noms et des anonymes à la fois, parcourant les routes les plus
improbables pour aller chanter ces chansons dans des endroits souvent
encore plus improbables que ces routes ; et j’en sais quelque
chose, les ayant souvent suivis même dans des endroits qui sont en
désaccords insurmontables avec les cartes. Je ne suis pas surpris,
alors, par cette chanson à peine sortie, et justement maintenant.
C’est
un voyage, cette chanson, dans l’histoire de ce pays à travers la
chanson collective qui l’a marquée. En l’écoutant et en lisant
son texte, vous aurez remarqué que chaque strophe se réfère à
tout cet héritage, que ce site et d’autres (pensez seulement au
« Deposito ») conservent méticuleusement, qui forme
l’activité de l’Institut Ernesto De Martino, qui dans ceux-là
et d’autres médias désormais souterrains,pour qu’il ne soit pas
laissé pour mort tandis que la mémoire semble céder aux lourdes
attaques de l’imbécillité fasciste assistée de technologies
toujours plus sophistiquées revenue à ses bestialités les plus
brutes et les plus vulgaires.
Vous
avez peut-être remarqué qu’une des strophes de cette chanson fait
précisément référence à Gorizia, une chanson anonyme qui,
redécouverte, il y a une cinquantaine d’années avait commencé à
provoquer un tumulte et n’a pas encore cessé d’en provoquer. Et
alors, comment dire : une chanson qui célèbre ces chansons,
est nécessaire parce qu’il les célèbre en s’insérant entre
elles, à part entière, et nonobstant que ses chanteurs ne soient
pas anonymes. Je les remercie et nous les remercions tous parce que,
d’une certaine façon, ils marquent une continuité que beaucoup
voudraient interrompre avec insolence, avec arrogance, avec
présomption. Ils ne réussiront pas. [RV]
Dialogue
Maïeutique
Mon
ami Lucien l’âne, si tu prends la peine de m’écouter, je te
dirai quelques mots à propos de ce Gavrilo dont parle la chanson.
« Gavrilo
avait le nom d’un ange,
Mais
il assassina le prince. »
Non
seulement je vais t’écouter, Marco Valdo M.I., mais je vais le
faire de mes deux grandes oreilles d’âne, car j’ai souvenir de
Gavrilo et du prince qu’il assassina d’un ou deux coups de
révolver. Tout le monde a ce souvenir. Mais j’ai aussi en mémoire
ce que Gavrilo avait déclaré ensuite alors qu’il était déjà
aux mains de ses bourreaux de Cacanie :
« Je
suis un fils de paysans et je sais ce qui s’est passé dans les
villages. C’est ça que j’ai voulu venger et je ne regrette
rien. »
C’est
bien de lui qu’il s’agit, reprend Marco Valdo M.I. et prémonition
du destin ou coïncidence, il Gavrilo Princip, ce qui pourrait se
traduire par Gavrilo Prince.
Nous
avons célébré les chanteurs anonymes. Sur les événements
proprement dits, les coups de révolver et ce qui s’ensuivit, je ne
dirai rien de très nouveau – le monde entier est au courant.
L’Autriche-Hongrie attaqua la Serbie et l’affaire fit des
millions de morts. On l’a appelée la Grande Guerre. Mais comme je
te l’ai dit, je veux parler du destin personnel de Gavrilo et au
passage de deux ou trois choses incidentes.
C’est
vrai, dit Lucien l’âne, on enseigne toujours le moment du fait
divers, la péripétie et on évite d’en donner le contexte, de
donner un sens à ce geste. Je t’ai déjà indiqué la déclaration
de Gavrilo ; à elle seule, elle montre qu’il y avait autre
chose là qu’un forcené. C’était un acte politique ; en
fait, c’était un épisode de la
Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux
pauvres quasiment impunément depuis tant et tant de temps. C’était
un acte politique et la réplique tout autant, et si elle fut
tellement démesurée, c’est qu’il convenait d’imposer la
terreur.
Donc,
Lucien l’âne mon ami, ce qui m’intéresse, c’est le destin
particulier de Gavrilo – considérant tout le reste connu ou dit
par ailleurs. Mais tu as raison, il s’agissait d’imposer la
terreur. Ainsi au début de l’affrontement, on trouve : d’un
côté, l’Autriche-Hongrie, la Cacanie – 52 millions
d’habitants ; de l’autre côté : la Serbie – 5
millions d’habitants. À la fin, du côté serbe : 1 250 000
de morts –essentiellement civils, soit un quart de la population
massacrée dans cette absurde confrontation. Quant à Gavrilo,
arrêté, on l’enferme à Theresienstadt et on va le laisser
pourrir sur place, amputé d’un bras et tuberculeux jusqu’à ce
que mort s’ensuive quatre ans plus tard. Ensuite, on s’empressa
de faire disparaître sa dépouille.
Sans
doute, dit Lucien l’âne, qu’ils craignaient qu’il ressuscite.
Et
puis, ce n’est pas tout, continue Marco Valdo M.I. ; après la
Grande Guerre, on installa à Sarajevo une plaque commémorative de
son geste ; elle disait :
« Sur
ce lieu historique, Gavrilo Princip annonça la liberté ».
Toutefois,
l’affaire ne s’arrête pas là. Même si la Cacanie avait disparu
dans cette aventure, ses successeurs s’en sont souvenu. En 1941,
les Nazis, qui avaient envahit la Yougoslavie, l’ont arrachée du
mur, l’ont ramenée à Berlin et offerte à Hitler pour son
anniversaire, ce qui donne tout son sens au geste et au nom de
Gavrilo.
Oh,
dit Lucien l’âne, quand donc l’humanité cessera d’être aussi
stupide ; sans doute quand elle cessera d’être menée par son
goût de la domination et par son insatiable avidité. En attendant,
tissons quand même le linceul de ce vieux monde vindicatif, cupide,
avide, arrogant, altier, dominateur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlait Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Nous avons célébré les chanteurs anonymes
En
chantant leur musique
Selon
l’usage ancien des pauvres
De
ne pas se rendre.
Nous
avons cherché un endroit pour se cacher
Pour
être plus libres,
Mais
dans l’histoire, il n’y avait pas de tanière
Qui
pût nous abriter.
Et
pourtant, sans mémoire, chantaient
Les
voix qui luttaient
Pour
émanciper
L’homme
de sa pauvreté
Revendications
idéalistes et vendettas ataviques
Dans
leurs cœurs ont flambé
Avec
des paroles parfois rhétoriques
Qui
déchiraient la réalité.
Les
têtes couronnées ont roulé
Au
tournant du siècle dernier,
Gavrilo
avait le nom d’un ange,
Mais
il assassina le prince.
Des
torrents humains mouraient sur le Carso,
Et
dans la boue, ont gelé
Maudissant
les lieux et les bourreaux
Dans
chaque chant qu’ils ont laissé.
Puis,
j’imagine, le long des crêtes marchèrent
Tous
ceux-là qui s’opposèrent
À
la brutale renaissance italique
En
en chantant l’amertume.
La
révolution comme miracle,
La
fin de toute douleur :
Il
n’y aurait plus eu d’obstacles,
De
sujet, de tyran ou de dictateur.
Et
retentissaient dans l’usine
Les
rimes de cette époque
Quand
les luttes nouvelles ont exigé
Travail
et liberté.
Maintenant
on est sans voix, ils nous font taire,
Car
on ne comprend pas les règles
D’un
jeu qui punit le plus faible
Et
qui nous désespère.
Bourreaux
et victimes
De
sentiments falsifiés,
Enserrés
dans des récits multiples
Qui
façonnent la réalité,
Nous
cédons à la haine des plus pauvres
Et
aux chroniques diaphanes
Qui
parlent d’une liberté unique
Vendue
sous cellophane.
Même
si l’espoir de gagner
N’aboutit
pas et ne peut pas pousser,
Toujours
à sourire, on continuera
Tant
qu’un chant s’élèvera.
Même
si l’espoir de gagner
N’aboutit
pas et ne peut pas pousser,
À
sourire et à lutter, on continuera
Tant
qu’un chant s’élèvera.
Tant
qu’un chant s’élèvera.
Tant
qu’un chant s’élèvera.