lundi 19 mars 2018

OÙ VOLE LE VAUTOUR


OÙ VOLE LE VAUTOUR

Version française – OÙ VOLE LE VAUTOUR – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson italienne – Dove vola l’avvoltoio – Italo CalvinoCantacronache – 1961
Paroles d’Italo Calvino
Musique de Sergio Liberovici






Dialogue maïeutique


Voici, Lucien l’âne mon ami, une histoire d’oiseaux.

Ça nous changera, dit Lucien l’âne en se dandinant.

Sans doute aucun, répond Marco Valdo M.I., mais il ne s’agit pas d’une chanson douce. Bien au contraire, c’est encore une chanson de guerre, écrite par un qui avait vécu la guerre, connu la Résistance et qui avait continué sa vie dans le même sens par la suite. Son engagement le suivi tout au long de son existence, comme il a suivi Carlo Levi, dont ce personnage était l’éditeur, l’ami et le familier – Carlo a fait plusieurs années son portrait à l’occasion de son anniversaire. Tu auras certainement reconnu Italo Calvino, dont on avait ici même déjà proposé la version française de deux chansons : Outre Pont et Le Sentier, tirées de son roman Le sentier des nids d’araignée.

Évidemment que j’avais reconnu Italo Calvino, dit Lucien l’âne en riant de toutes ses dents. Comment faire autrement quand on a devant soi Marco Valdo lui-même. Ce serait ne pas reconnaître Voltaire en présence de Candide, ignorer Cervantès en présence de Rossinante et de son cavalier, Sancho en présence de son âne. Cela dit, que raconte cette terrible histoire d’oiseaux ?

C’est, en un très rapide résumé, Lucien l’âne mon ami, une histoire d’oiseaux au pays de l’amour. C’est un condensé un peu brut, un peu fruste, je le reconnais volontiers, mais c’est une bonne base de départ pour comprendre cette allégorie de la fin de la guerre. Non pas l’instauration de la paix, mais la fin de la guerre.
Ah bon, soupire Lucien l’âne, j’en accepte l’augure. Mais les oiseaux, qui sont-ils ? Des merles, des pies, des pinsons, des mésanges, des chouettes ou des corneilles ?

Rien de tout ça, Lucien l’âne mon ami. Ce sont des rapaces et plus exactement, des vautours et ces oiseaux-là, dans la symbolique de la chanson, qui reprend elle-même une croyance populaire, ce sont des oiseaux fauteurs ou porteurs, c’est comme on voudra, de guerre(s). Cependant, la chanson suppose la fin de la guerre (une belle théorie, soit dit en passant), ils ne trouvent plus à se poser nulle part. Personne ne veut d’eux et les voilà sans emploi et bien malheureux.

Il me souvient, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu avais écrit une chanson où il était question d’un vautour et que cet oiseau gigantesque apparaissait dans le titre.

En effet, Lucien l’âne mon ami, je suis toujours stupéfait de ta mémoire. Tu as parfaitement raison, j’avais écrit – il y a déjà un certain temps – une chanson en partant de certains souvenirs de Carlo Levi, une chanson intitulée « Le Vautour de la Paix » ; c’est d’ailleurs une des chansons lévianes. Je l’ai d’ailleurs reprise dans le livre qui reprend certaines d’entre elles et qui porte comme titre « Le Guerrier afghan » (https://www.publier-un-livre.com/fr/le-livre-en-papier/600-le-guerrier-afghan).

Nos amis, conclut Lucien l’âne, du moins ceux qui ont le temps, pourront faire la comparaison. En attendant, reprenons notre tâche et tissons encore le linceul de ce vieux monde guerrier, belliqueux, polémicole, belliforme, paradis des vautours et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Un jour dans le monde
Finit la dernière guerre ;
L’inquiétant canon se tut
Et ne tira plus.
Alors, privée de sa nourriture,
De l’aride sol,
Une sombre bande
De vautours s’envole.

Où vole le vautour ?
Le vautour s’envole,
De ma terre, il s’envole,
Car, c’est la terre de l’amour.

Alors, le vautour alla trouver le fleuve
Et le fleuve
Dit : « Non, vautour,
Envole-toi, vautour !
Vautour, va-t’en !
Dans le limpide courant,
Carpes et truites descendent maintenant ;
Ce ne sont plus les corps des soldats
Qui glissent vers le bas ».

Où vole le vautour ?
Le vautour s’envole,
De ma terre, il s’envole,
Car, c’est la terre de l’amour.

Le vautour alla trouver le bois
Et le bois
Dit : « Non, vautour,
Envole-toi, vautour !
Vautour, va-t’en !
Entre les branches maintenant,
Entre les feuilles,
Seuls passent
Les rayons du soleil, les grenouilles et les écureuils,
Mais plus les chiens de chasse ».

Où vole le vautour ?
Le vautour s’envole,
De ma terre, il s’envole,
Car, c’est la terre de l’amour.

Le vautour alla trouver l’écho
Et même l’écho
Dit : « Non, vautour,
Envole-toi, vautour !
Vautour, va-t’en !
Je porte au loin les chants
Des gamins, des gamines,
Des rondes et des comptines,
Le ahanement du bûcheron,
Mais plus le son du canon ».

Où vole le vautour ?
Le vautour s’envole,
De ma terre, il s’envole,
Car, c’est la terre de l’amour.

Le vautour alla trouver les Allemands
Et les Allemands
Dirent : « Non, vautour,
Envole-toi, vautour !
Vautour, va-t’en !
Nous ne voulons maintenant
Plus manger la boue et la terre,
La haine et le plomb des guerres ;
Le pain et la maison de l’étranger,
Nous ne voulons plus voler ».

Où vole le vautour ?
Le vautour s’envole,
De ma terre, il s’envole,
Car, c’est la terre de l’amour.

Le vautour alla trouver la mère
Et la mère
Dit : « Non, vautour,
Envole-toi, vautour !
Vautour, va-t’en !
Je donnerai seulement
Mes fils à une belle
Et tendre demoiselle
Qui dans son lit saura les aimer
Et ne les enverra plus se faire tuer. »

Où vole le vautour ?
Le vautour s’envole,
De ma terre, il s’envole,
Car, c’est la terre de l’amour.

Le vautour alla trouver l’uranium
Et l’uranium
Dit : « Non, vautour,
Envole-toi, vautour !
Vautour, va-t’en !
Je donnerai seulement
Ma force nucléaire
Pour aller sur la Lune,
Je ne veux pas qu’elle explose
En flammes
Et détruise les villes ».

Où vole le vautour ?
Le vautour s’envole,
De ma terre, il s’envole,
Car, c’est la terre de l’amour.

Mais ceux qui en secret
Des guerres
Avaient le regret,
En un lieu désert
En complot se rassemblaient
Et virent dans le ciel arriver
Cette bande qui tournait
Et descendait, descendait
Toujours plus bas.
Alors, quelqu’un cria :

Où vole le vautour ?
Le vautour s’envole,
De ma terre, il s’envole,
Car, c’est la terre de l’amour.