mercredi 14 avril 2021

CHANSON NOCTURNE N°3

CHANSON NOCTURNE N°3


Version française – CHANSON NOCTURNE N°3 – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Canzone di notte n. 3 – Francesco Guccini – 1987


Paroles et musique : Francesco Guccini
Album : Signora Bovary




LES JOUEURS DE CARTES

Paul Cézanne – 1891





Dialogue maïeutique


Encore une fois, Lucien l’âne mon ami, je vais insister : ceci n’est pas une traduction.


Je sais, dit Lucien l’âne, c’est écrit dessus, c’est une version française et tu as l’habitude d’ajouter qu’on peut très bien la considérer comme une chanson « en soi », « in se », en quelque sorte détachée de son origine étrangère, prête à vivre sa vie.


C’est exactement ce à quoi je faisais allusion, répond Marco Valdo M.I. ; cependant, ce l’exclut en rien qu’elle ait aussi pour but et pour effet de faire connaître l’œuvre d’origine. Elle fait ce qu’on appelle d’une pierre deux coups. En fait, les choses ont tendance lorsqu’elles se répliquent ont tendance à être modifiées et même quand on passe d’une langue à l’autre, la modification est inévitable. C’est encore plus vrai avec les textes d’allure poétique qui sont déjà dans un langage qui laisse place à l’interprétation ; pire, qui la sollicite. Et c’est forcément le cas de cette chanson nocturne de Francesco Guccini.


Ah, dit Lucien l’âne, on y vient à la chanson. Que dit-elle, que raconte-t-elle ?


Eh bien, Lucien l’âne mon ami, il en va des chansons comme des trains. Il y a des chansons de nuit, des chansons nocturnes. Sans vouloir en faire un concept, ni la figer dans une catégorie, la chanson de nuit – du moins celle-ci – raconte une nuit ou alors, une autre, ou plusieurs nuits. C’est précisément en cela qu’elle est nocturne : elle dit ce qui s’y passe, elle dit ce qu’on y fait, elle suggère ce qu’on y pense et mille autres choses encore, mais toutes dans la nuit. Un soliloque qui médite en tournant sur elle-même comme un derviche, se soûlant de temps.


Oh, dit Lucien l’âne, je connais ça. Ça arrive souvent quand on est seul avec soi-même ; surtout, dans la nuit. C’est vraiment une chanson nocturne. Et que raconte-t-elle encore ?


Elle raconte, Lucien l’âne mon ami, qu’au cœur de la nuit, des amis jouent aux cartes. Elle raconte les ruminations d’un joueur de cartes, la partie de cartes, chaque fois rebattue, comme les épisodes de la vie elle-même. Et les raisons qui se bousculent d’avoir raison, de gagner, de perdre, de tenter le destin, de jouer quand même.


« Les rares fois où je joue en carreau,

On me répond par pique ou par cœur.

On donne raison et victoire aux couillons, aux tricheurs ;

On reste toujours à un pli du capot,

On perd, car on est trois fois meilleurs

Et on gagne seulement dans nos rêves les plus beaux. »



Et la nuit, la nuit finit dans une sorte de désarroi. Elle se parle toute seule de la vie et comme de juste, elle tourne à la mélancolie. Brel racontait la nuit de certains nocturnes à sa manière dans « Les Paumés du Petit matin » :


« Venez pleurer
Copain copain copain allez
Allez venez venez
Allez venez pleurer
Et ça pleure les yeux dans les seins. »


Maintenant, conclut Lucien l'âne, tissons le linceul de ce vieux monde somnolent, indolent, nocturne, nyctalope et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Existence, qui vis ici clandestinement,

Comme un voleur toujours prête à fuir,

Tout âge contient les règles du désarroi, de l’erreur et de l’entendement,

Avec ses jeux de carambole et de renvoi, prendre et offrir

On meurt seulement un peu de temps en temps,

Petit à petit, on s’en va mourir.


Chaque jour est un autre jour à s’offrir,

Chaque nuit est un trou noir à remplir,

Je ne l’ai jamais vu comblé, pour ainsi dire,

Seul reste le cri habituel, tenter et agir,

On pleure juste un peu de se voir flétrir

Et on rit de la façon que ça va finir.


Quand vous me prenez pour une pomme,

Je passe outre, je joue, jamais, je n’abandonne.

Je rouvre les fenêtres et je lève les voiles, si je peux je prends,

Si je perds, je ne reste pas à me brader ou à baver mon fiel.

Et puis, perdre parfois a son propre miel,

Et si on dit que je gagne, on ment.


Les rares fois où je joue en carreau,

On me répond par pique ou par cœur.

On donne raison et victoire aux couillons, aux tricheurs ;

On reste toujours à un pli du capot,

On perd, car on est trois fois meilleurs

Et on gagne seulement dans nos rêves les plus beaux.


Ah, ces songes, ah, ces forces du destin

Que celui qui compte pousse à renier,

On nous a dit pas de bruit, pas déranger ;

On chantera sans voix, sur le mode clandestin

Puis grimaçant, on s’en ira doucement

Au bord du fleuve voir passer le temps.


Ce qui me tourne en tête cette nuit

Je suis revenu, incertaine amie, faire connaître,

Que nous aux fois et aux os brisés, dans nos nuits,

On a vu des génies et des mages naître et disparaître.

Et puis, après tout, on s’en fout si on meurt juste un peu,

Il est tard, allons dormir, le temps se fait vieux.