mardi 31 janvier 2023

LES FLOCONS BLANCS

 


LES FLOCONS BLANCS


Version française — LES FLOCONS BLANCS — Marco Valdo M.I. — 2023

d’après la traduction italienne — FIOCCHI BIANCHI — Riccardo Venturi — 2009

d’une chanson féroïenne — Hvítar flykrur — Frændur — 1986





NUIT D’ÉTÉ AUX FÉROÉ


Ingálvur av Reyni — 1948





Tórshavn, îles Féroé


En l’an de grâce 1979, je me suis retrouvé de passage dans les îles Féroé pour une escale de quelques heures. Juste le temps de débarquer, de me promener dans Tórshavn sous un blizzard de toutes sortes (eau mêlée de neige, vent à quatre-vingts à l’heure — et on était à la mi-juin…) et de remonter sur le bateau qui m’emmènerait en Islande. Quelque temps plus tard, un type que je connaissais et qui était également passé par les îles des Moutons m’a donné deux ou trois choses : des photocopies du seul manuel de conversation italo-féroïen (féroïen, féringien ou autre) et une cassette pirate d’un album récemment sorti de Frændur, les “Parenti” (Les Parents), le groupe de rock le plus célèbre de l’archipel, également accompagnée d’un paquet de photocopies avec les paroles. L’album, Frændur II, a alors connu un succès si retentissant qu’il a été l’album le plus vendu de l’histoire en langue féroïenne. Il y avait, dans cet album, une petite chanson que j’avais apprise par cœur à l’époque et qui m’a fait connaître, quelques années plus tard, dix minutes de popularité dans un bus florentin ; comme j’ai l’habitude de la chanter à voix haute, au moment où je la fredonnais dans un bus, j’ai été dévisagé par un couple à l’air incrédule qui m’a parlé dans une langue étrange. J’étais tombé sur le seul couple de Føroyingar (Feroïens?) qui visitait Florence. Je leur ai répondu en bafouillant quelque chose en islandais (une langue similaire, mais pas trop) et j’ai fini quand ils sont descendus à l’arrêt piazza del Duomo d’un air entre amusé et interrogatif. Le temps et les déménagements m’ont ensuite fait perdre à la fois la cassette et les photocopies. J’ai oublié le texte, à l’exception des deux premiers vers qui remontent parfois à la surface : hvùitar flikkrur leggia sé au greinar, tràii sgal nu hùila eina tùi, et de reproduire ainsi au mieux la prononciation. Passé, tout passé. Imaginez aujourd’hui quand j’ai réalisé qu’il y avait cette petite chanson sur YouTube, bon sang. Et que, en la réécoutant après des années de fracas, je me suis soudain souvenu du reste des paroles et me suis mis à la chanter en caleçon ce matin, seul à la maison. Si vous étiez passé par là, vous auriez vu une scène digne de finir sur YouTube, je le jure. Une jolie petite chanson d’amour sans prétention, chantée par Eyðun Nolsøe, qui est la sœur de Rani Nolsøe, le leader de Frændur dont la Wikipédia féroïenne me dit qu’il est toujours en activité. S’ils savaient ! Oui, sans prétention, mais un petit bout de ma vie que, comme toujours, je sauve ici en m’excusant. Je n’avais pas encore envie de le laisser partir. Je ne l’oublierai donc plus. Et peut-être aussi, pour ceux qui captent cette page, une chance d’entendre une petite et très ancienne langue [RV].






Les flocons blancs posés sur les branches,

L’arbre pourra se reposer un peu,

Les flocons se posent sur mes épaules

Et pèse sur moi le temps sombre

Qui maintenant m’encombre.

Un que j’aime me manque,

Un que j’aime tant me manque.


Suis-je blanc comme le bel arbre

Qui attend le soleil dans le froid ?

Tous les flocons vont fondre

Et deviendront mes souvenirs d’autrefois

Et je conçois mes affres :

Un que j’aime me manque,

Un que j’aime tant me manque.


Je sais ma peine, je sais mon manque :

Un que j’aime me manque,

Un qui m’aime tant me manque.

lundi 30 janvier 2023

CHANSON DE LA PAIX

 


CHANSON DE LA PAIX


Version française — CHANSON DE LA PAIX — Marco Valdo M.I. — 2023

D’après la traduction italienne CANZONE DI PACE — Riccardo Venturi — 2006

d’une chanson féroïenne — FriðarsangurFrændur — 1986

Texte : Steintór Rasmussen — Rani Nolsøe

Musique : Rani Nolsøe

Album : Frændur II





LUMIÈRE D’HIROSHIMA





Notice préalable :


Ci-après le commentaire « historique » de Riccardo Venturi, qui décrit assez bien déjà la manière dont fonctionne ce site bourré de traductions de langues les plus diverses (187 au moment où je rédige cette notice) langues en prenant parfois des chemins tortueux, mais d’une formidable perspicacité.



CANZONE DI PACE — Riccardo Venturi — 2006



Bienvenue à la langue féroïenne avec cette " Chanson de paix " (Friðar-sangur) tirée de l’album historique de Frændur de 1986, " Frændur II ".


C’est, je crois, la première fois de ma vie que je me suis aventuré à faire une traduction de la langue féroïenne, en mettant en pratique le « Føroysk-donsk orðabók » (un dictionnaire féroïen-danois, par M.A. Jacobsen et l’un des plus grands poètes des îles Féroé, Christian Matras), que j’avais acheté il y a des années à un prix exorbitant. C’est donc une traduction italienne qui passe d’abord par le danois. Le féroïen, heureusement, ressemble beaucoup à l’islandais, une langue avec laquelle je suis plus à l’aise ; voyons ce que cela donnera.


Une dernière note personnelle : l’auteur de la première grammaire de la langue féroïenne que j’ai pu trouver (« A Grammar of Modern Faroese »), l’Anglais John B. Lockwood, a dédié son ouvrage à son frère, qui avait disparu dans les eaux de l’Atlantique Nord près des îles Féroé pendant la guerre. C’est pour avoir des nouvelles de lui que l’auteur s’est rendu dans ces îles lointaines et a appris leur langue. Idéalement, j’aimerais moi aussi dédier ma traduction à ce garçon. [RV]











Dans le feu, les larmes ont coulé,

Quand Hiroshima a pleuré.

Sur les tombes errent les questions

Auxquelles personne ne répond.

On entend les battements

D’ailes des cendres dans les vents

En attente du souvenir, elles fourmillent

Sur notre terre fatiguée et sans vie.



Tombent les bombes encore,

Les armées continuent les guerres.

Les champs de bataille sont bondés,

On entend les cris du monde entier.

Pour notre forte requête de paix -

Car nous devons vivre -

Les vents frais

Cherchent les terres accueillantes

Où vivent la vie et les plantes.



De vos larmes, des fleurs éclosent ;

De la folie, des jardins croissent ;

Autour de l’humanité, bondissent les semis

Et toute la terre refleurit.



Dans les ruines fumantes, les bruits

D’ailes fondent la vérité dans mon esprit :

Des terres lointaines, fraternelle, une main

Cherche la paume de ma main.

Même le soleil sait

Où se terre la gigantesque absurdité.

Je sais aussi que demain

Au monde viendra un matin.



Des terres lointaines, fraternelle, une main

Cherche la paume de votre main.

Tant que sur notre Terre, la paix régnera

L’humanité continuera.



samedi 28 janvier 2023

La Guerre nécessaire

 


La Guerre nécessaire



Chanson française — La Guerre nécessaire Marco Valdo M.I. — 2023



LA ZINOVIE

est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.

La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.




LA ZINOVIE



Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 6: Que faire ? ; Épisode 65 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 66 : Le Congé éternel ; Épisode 67 : À perdre la Raison ; Épisode 68 : Les Sauveurs de l’Humanité ; Épisode 69 : L’Eau qui dort ; Épisode 70 : Le Régime en Place ; 071. Épisode : Un Conflit avec l’Étranger ; 072 : Petit Manuel de Survie ; 073. La Banalité ; 074. La Ligne de Conduite ; 075 : Les Femmes de Zinovie ; 076. La Légende ; 077 : Le Devoir sacré ; 078 : Les nouveaux Soldats ; 079 : Bruit de Fond ; 080 : Une résistible Ascension ; 081 : La Zone interdite ; 082 : Les Pommes ; 083 : La Normalité ; 084 : L’Autorisation ; 085 : L’Exclusion ; 086 : Quelle Affaire ? ; 087 : Le Vase vide ; 088. Introspection ; 089. Le Pays gris ; 090. Tout un Style ; 091. L’État unique ; 092. Le Veilleur de Nuit ; 093. Le Questionnaire ; 094. Le Roi des Rats ; 095. Si tu veux la Paix ; 096. Les Vieilles et la Guerre ; 097. L’Étoile filante


Épisode 98








LA LETTRE À LA MÈRE


Nikolaï Bout — 1970










Dialogue Maïeutique


La guerre nécessaire, dit Marco Valdo M.I., est une idée en apparence saugrenue et pourtant fréquente. Cependant, quand on l’examine de plus près, on se dit qu’elle peut avoir du sens et même des sens fort différents. Ainsi, elle recèle des sens opposés selon que l’on se trouve être l’attaquant ou le défenseur, l’agresseur ou l’agressé, l’envahisseur ou l’envahi, l’occupant ou le résistant, etc. Cette position d’offenseur ou d’offensé impose évidemment ces points de vue diamétralement opposés.


C’est certain, dit Lucien l’âne, on voit tout de suite aisément quelle peut être la définition de la guerre nécessaire ou de la nécessité de faire la guerre quand il s’agit du point de vue de celui qui est attaqué. Aussi pacifique soit-il, il lui faut se défendre ; la guerre lui est imposée contre sa volonté et s’il ne veut pas disparaître ou être anéanti, envahi, réduit au servage ou à l’esclavage ou à un rang de sous-homme, il doit se résoudre à des actes guerriers. Cette position de guerre nécessaire est connue sous le nom de légitime défense. C’est le sens de l’antienne : « Ora e sempre : Resistenza ! », telle qu’on la retrouve dans la lapidaire de Piero Calamandrei : « Lo avrai, Camerata Kesselring ! ». Vue de l’autre côte, une justification est moins évidente.


En effet, Lucien l’âne mon ami, autant on comprend la nécessité de faire la guerre quand il s’agit de se défendre contre un envahisseur, autant on distingue mal ce qui peut expliquer la nécessité d’une guerre à l’encontre d’une autre nation, d’un autre État, d’un autre pays, d’un autre peuple, d’une autre tribu ou de gens d’une autre conviction. Dans la chanson, on trouve nettement formulée la justification de la guerre nécessaire, vue du point de vue du Guide zinovien :


« Le Guide veut empêcher la guerre

Et déclare la guerre nécessaire.

À la fin, la guerre se fait.

Si on gagne maintenant, c’est fantastique :

Dans cent ans, le monde sera magnifique. »


Le reste de la chanson parle de la peur et des cadavres.


En son temps, dit Lucien l’âne, Victor Hugo avait décrit la suite d’une tuerie, dans un poème intitulé « Après la bataille », une bataille de 1808, publié chez Hetzel en 1859 dans la monumentale Légende des Siècles.


« Mon père, ce héros au sourire si doux…

Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,

Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit. »


ou on peut aussi lire Les Corbeaux de Rimbaud que chantait Léo Ferré et toujours, toujours les cadavres et la grande curée des charognards et le banquet des asticots. Oui, ta chanson a raison :


« Si on ne la recouvre pas de mots,

Le bilan d’une vie égale à zéro. »


et ces morts qu’on délaisse dans un silence méprisant n’ont même plus eu de vie. Bien sûr, les morts s’en moquent, mais leurs vivants ? Alors, tissons le linceul de ce vieux monde cadavérique, pourrissant, puant, grouillant de vermine et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Oui à la paix, non à la guerre !

Faut pas qu’elle recommence,

Au Guide, il faut faire confiance.

En Zinovie, personne ne veut la guerre.

Parfois, elles démarrent toutes seules,

Sans que les gens ne le veulent.

Qui savait qu’elle commencerait ?

C’était un grand secret.

Avant, on avait la paix.

Le Guide veut empêcher la guerre

Et déclare la guerre nécessaire.

À la fin, la guerre se fait.


Si on gagne maintenant, c’est fantastique :

Dans cent ans, le monde sera magnifique.

C’est l’horreur en Zinovie,

L’angoisse rit à toute heure.

Le pire, c’est la peur ;

Rien à perdre au front, sauf la vie.

Ne reculez jamais d’un pas ;

On veut bien, mais on ne peut pas.

On recule, on recule encore.

La vie, la vie est notre seul trésor.

On recule, on laisse les morts

Au bord des routes, au bord.


Après l’hiver viendra le printemps

Sur les prés et sur les étangs,

Le premier soleil se lève déjà

Et tantôt la neige fondra.

Les cadavres des soldats resurgissent.

Sur leurs uniformes usés maculés,

La brume, le vent, la pluie glissent.

Par milliers sur les champs, les corps dégelés

S’en vont sans adieu, sans sépulture.

Il est pourtant une loi de nature :

L’adieu à celui qui s’en va est un droit

Pour le plus humble comme pour les rois.


Si on ne la recouvre pas de mots,

Le bilan d’une vie égale à zéro.

Les cadavres, vertigineux vestiges

D’une boulimie de prestige,

Solidaires dans la décrépitude,

N’ont même plus l’ivresse

Du solitaire en détresse.

Engoncés dans leur solitude,

Les morts ne font plus la moue,

La terre les embaume de boue.

Les vers insatiables s’attablent

Pour des agapes interminables.